Quel type de contrat pour la colocation ?

    Publié le 16 juin 2010
    Solution prisée des étudiants, la colocation peut revêtir différentes formes et donc, connaître des régimes juridiques divers. Vaut-il mieux signer un contrat pour l'ensemble de la colocation ou plusieurs, en fonction du nombre de locataires ? Une étude de l'Anil a établi les inconvénients et les avantages de chacune des solutions, tandis que l'on réfléchit toujours à comment sécuriser ces pratiques.
    Cela n'est plus un secret pour personne : la colocation devient un mode de vie de plus en plus prisé, notamment par les étudiants et les jeunes actifs, confrontés à une pénurie de logement et des loyers élevés. Partager un logement : une solution qui a ses avantages, mais aussi ses inconvénients. Une étude de Nicole Maury, de l'Agence nationale pour l'information sur le logement (Anil), publiée en août 2009, réalise un vaste tour d'horizon des pratiques actuelles de la colocation et quels sont les fondements juridiques appliqués. Car toute la question est là : comment sécuriser au mieux et le bailleur, et ses locataires ?
    Tant que des dispositions spécifiques ne sont pas prises, il faut en effet trouver dans le régime commun de la location, les armes législatives adéquates. D'où une multiplication des solutions, mais aussi des difficultés. C'est là où cette étude se révèle justement intéressante, en examinant notamment, tour à tour, les différents contrats de location possibles, sous les angles avantages/inconvénients juridiques et, à la lumière de la jurisprudence. Quel contrat signer ? Un contrat unique pour l'ensemble des colocataires ou des contrats multiples entre le bailleur et chacun ? Dans la pratique, il semblerait que cela soit la première solution la préférée des bailleurs, mais est-ce avec raison ?
    C'est d'ailleurs notamment sur la base de ce travail, entre autres, que l'Anil a remis en avril dernier sur sa demande, une note au secrétaire d'Etat du logement Benoist Apparu, précisant quelles pistes pourraient être envisagées pour sécuriser la colocation.
    Retrouvez en pages suivantes, l'examen de ces différents types de contrat, leurs avantages et leurs inconvénients tels que l'Anil les a analysés et, enfin, les pistes de travail envisagées par l'organisme.
    Liens utiles :
    - Etude Anil, Logements des jeunes, colocation et régimes de location adaptée, août 2009.
    - Note Anil, Sécuriser la colocation, avril 2010.
    Quel type de contrat pour la colocation ?

    Colocation avec contrat unique

    Un contrat de location est signé conjointement à plusieurs : le bailleur signe un seul bail qui vaut pour tous, laissant les locataires voit entre eux les modalités de partage de l'espace loué. Il semble que cela soit la solution la plus pratiquée.
    Inconvénients
    - Le congé délivré par le bailleur, même à un seul des colocataires vaut pour tous
    - La question de la solidarité : si l'un des colocataires donne son congé du logement, il restera quand même solidaire des autres dans le paiement des loyers et des charges ou l'entretien, jusqu'au terme du bail en cours, donc en fonction de la durée du contrat. L'Anil conseille ainsi au partant de déclarer expressément qu'il se dégage de sa solidarité.
    - La question de la restitution du dépôt de garantie : sur cette question, la solidarité ne compte pas entre les colocataires, la restitution de la caution ne peut s'effectuer qu'à la restitution effective des lieux, après état des lieux... le partant doit donc attendre le départ du dernier locataire pour pouvoir espérer récupérer sa part.

    Avantages

    - Durée du contrat et loyer fixés pour l'ensemble des colocataires
    - Respect de l'obligation de location d'un logement décent
    - Paiement solidaire du loyer et des dettes, sauf convention contraire entre les parties, une sécurité importante pour le bailleur.
    - En cas de congé d'un des colocataires, les locataires en place participent au choix du nouvel arrivant, le cas échéant : le bailleur ne peut pas imposer une nouvelle personne, sauf avec l'accord des occupants ; le colocataire sortant peut proposer de céder son bail à un nouveau colocataire, avec l'accord du propriétaire et bien sûr, des occupants. Attention, précise l'Anil, le colocataire partant reste garant des obligations locatives, jusqu'à expiration du bail, sauf accord exprès du bailleur le libérant. Dans tous les cas, un avenant au contrat est réalisé.
    Colocation avec contrat unique

    Colocation avec contrats multiples

    Un contrat de location est signé entre le bailleur et chacun des colocataires, il y a autant de contrats que de locataires, qui se partagent entre eux l'espace loué.
    Inconvénients
    - Le non-respect de l'obligation de délivrer un logement décent. Cette obligation est normalement générale à tout type de location. Mais, explique l'Anil, c'est sur le fond de ce qui fait un logement décent selon la loi que cela pose problème : le locataire ne pourrait-il pas exiger certaines attributions, comme un coin cuisine, une surface minimale - les divisions de locaux d'habitation d'une surface inférieure à 14m2 et d'un volume inférieur à 33m3 ou dépourvus d'arrivée d'eau, de système d'évacuation des eaux usées, d'arrivée d'électricité sont ainsi normalement interdites - de son bailleur ?
    - Quelle règle appliquée en cas de dégradation du bien dans ses parties communes : le bailleur ne pourra pas l'imputer à un seul, mais ne pourra non plus prévoir une responsabilité collective, lorsque l'auteur en sera inconnu.
    - Difficultés pour le bailleur de retrouver la disposition de son bien, en raison des durées différentes des contrats, le cas échéant : cautionnement limité au loyer et charges dont est tenu chaque colocataire et durée de validité attachée au contrat conclu avec chacun. Le congé mettra fin à l'engagement de la caution ; nécessité de délivrer un congé à chacun des preneurs conjoints sous peine d'inopposabilité aux autres.
    - La difficulté potentielle des colocataires à vivre ensemble : le bailleur peut imposer un nouvel entrant auxquels ils ne pourront s'opposer et de même, devra-t-il gérer les conflits éventuels entre eux (nuisances sonores, dégradations ou entretien des parties communes, etc.)
    - Sauf à établir un état des lieux de parties communes à chaque départ, il ne sera pas possible au bailleur d'imputer le coût de réparations éventuelles sur les parties communes.

    Avantages

    - Le bailleur peut imposer un nouveau colocataire sans avoir le consentement des autres.
    - La clause de solidarité ne tient pas pour le colocataire partant, du fait de l'indépendance des contrats.
    - Le dépôt de garantie est restitué à chacun, à l'occasion de son départ.
    - Chaque colocataire a un engagement limité de caution en fonction de son contrat et la solidarité ne fonctionne pas sur les parties privatives.
    - Sur la durée du bail : le bailleur pourra moduler la durée du contrat "en fonction de la qualité de chaque preneur." Et de donner ainsi l'exemple d'un bail en location meublée d'une durée de neuf mois pour un étudiant ou pour un an pour un autre colocataire n'ayant pas ce statut.
    Colocation avec contrats multiples

    La mise à disposition d'une pièce dans le logement du propriétaire ou d'un locataire

    De plus en plus fréquemment utilisée et notamment encouragée, entre les seniors et les étudiants par exemple - ou également en HLM, où la loi* a autorisé les locataires à sous-louer une partie du logement au profit de certaines catégories de bénéficiaires, seniors, handicapés, jeunes - la mise à disposition d'une pièce pose tout de même certaines difficultés qui n'ont pas encore été résolues. Quelle doit être la nature du contrat signé ? Location, sous-location, autre ? Quel est l'étendue des droits d'usage et de jouissance du locataire ? Certains n'hésitent pas à mettre par écrit certaines règles de vie ou interdiction... L'Anil suggère ainsi dans son étude de 2009, qu'une analyse poussée des contrats possibles soit effectuée et que la commission des clauses abusives puisse émettre un avis sur cette question.
    *NB : Depuis la loi MLLE (de mobilisation pour le logement et de lutte contre l'exclusion) de mars 2009, les organismes HLM peuvent louer des logements meublés ou non, à un ou plusieurs étudiants, aux personnes de moins de 30 ans ou aux titulaires d'un contrat d'apprentissage ou de professionnalisation, pour une durée de bail d'un an, éventuellement renouvelable. Les locataires HLM peuvent de leur côté sous-louer à des jeunes, notamment pour la même durée de bail. Le coût est alors calculé au prorata du loyer et des charges rapporté à la surface habitable.
    La mise à disposition d'une pièce dans le logement du propriétaire ou d'un locataire

    Des pistes pour améliorer la sécurité juridique en cas de colocation

    Aujourd'hui différentes formes de colocation existent, mais ont toutes des avantages et des inconvénients. Répondant à une demande du secrétaire d'Etat au logement Benoist Apparu, l'Anil a esquissé dans une note publiée en avril dernier des pistes d'amélioration.
    Déjà dans la première étude susmentionnée d'août 2009, les interrogations étaient nombreuses. Le principal axe de réflexion devant consister à sécuriser juridiquement autant le bailleur que le locataire. Constat est fait d'un cadre juridique français inadapté à une situation qui tend à se répandre.
    D'un côté les bailleurs préfèrent signer des contrats uniques pour sécuriser le paiement des loyers grâce à la solidarité et de l'autre, les colocataires signent souvent en méconnaissance de ce à quoi ils s'engagent, en leur nom ou en celui de leur caution, expliquent les auteurs de cette note, Bernard Worms et Nicole Maury, de l'Anil. Durant les dernières années, l'effort législatif a été porté sur les rapports locatifs de droit commun. "Force est de constater que les principaux éléments de la protection du locataire se retournent contre le colocataire ou tout le moins contre le développement de la colocation."
    Un contrat d'un an et un montant des charges forfaitaire
    Pour les auteurs, les questions de la durée de bail, de la répartition des charges et de la liberté de choix de certaines prestations obligatoires mais annexes, comme les assurances pourraient être réglées par un "cadre optionnel et dérogatoire". Une solution pragmatique qui serait de réduire à un an la durée de la location en cas de colocation, permettre que le contrat soit conclu "sur un montant forfaitaire de charges" (charges et assurances obligatoires). "Le fait que le bail soit annuel permettrait de limiter les effets de la solidarité dans le temps et donc aux seules personnes qui cohabitent effectivement", expliquent-ils. Idem pour la caution. Il faudrait bien sûr adapter ensuite la reconduction, le renouvellement les modalités de congé et les durées de préavis à ce nouveau cadre annuel. Et de suggérer de s'inspirer de ce qui a été mis en place pour la location meublée.
    Mais pour ne pas remettre en cause l'équilibre bailleur-locataire trouvé dans le régime commun grâce aux lois successives, les auteurs propose de limiter le champ d'application de ce nouveau régime à certaines catégories de personnes, comme les jeunes, à l'image de ce qui a été fait dans le secteur social. Adapter la loi, plutôt que la remettre en cause : une solution qui permettrait de sécuriser une pratique nouvelle, voire de l'encourager dans ses aspects les plus positifs.
    Des pistes pour améliorer la sécurité juridique en cas de colocation
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