Le mal-logement s'enracine en France

    Publié le 1 février 2011 par C.G
    Selon le dernier rapport de la Fondation Abbé Pierre paru mardi, le mal-logement est de plus en plus ancré sur le territoire français et touche désormais toutes les couches de la population. Pour l'association, ce constat montre l'inefficacité des politiques successives mises en place depuis quinze ans. Résultats du rapport et premières réactions.
    Pas d'exception pour 2010. Cette année encore, la Fondation Abbé Pierre, qui vient de publier son rapport annuel sur le mal-logement, tire la sonnette d'alarme ! Premier constat : la problématique ne faiblit pas. Au contraire, les chiffres traduisent une progression du phénomène puisqu'en 2009, le rapport faisait état de 3,5 millions de mal-logés et qu'en 2010, la Fondation en comptabilise 3,6 millions.
    Et nouvelle tendance, personne n'est épargné : "La Fondation constate l'extension du domaine de la crise du logement qui, année après année, a progressivement rattrapé les jeunes, les personnes âgées, les familles monoparentales, les salariés modestes et, désormais, les classes moyennes", souligne le rapport. Si les profils varient, les besoins aussi.
    Ainsi, parmi les 3,6 millions de personnes confrontées au mal-logement, 685.000 sont privées de domicile personnel et habitent des baraques de chantier, des locaux agricoles aménagés... La fondation complète ce chiffre avec ceux délivrés par l'Insee en janvier 2011 et recensant 133.000 SDF au début des années 2000. On connaît également le nombre de personnes vivant à l'année dans des chambres d'hôtel, soit 38.000. Autre catégorie de personnes à souffrir d'une situation délicate : les 441.000 usagers contraints d'être hébergés chez un tiers, faute de solution de logement adaptée à leurs besoins.
    Mais comme le souligne le rapport, le mal-logement n'est pas qu'une question d'absence de logement. Ainsi, 2.778.000 personnes disposeraient de logements inconfortables ou surpeuplés, selon l'enquête de l'Insee de 2006 et rapportée par la Fondation Abbé Pierre. A cela s'ajoutent les situations précaires des locataires de logements meublés et les familles des gens du voyage ayant des revenus trop modestes pour accéder à un terrain privatif.

    Les propriétaires également mal lotis

    Dans ce sombre tableau, les propriétaires ne font pas exception : "Les ménages, bien que propriétaires, se retrouvent fragilisés lorsqu'ils résident dans des copropriétés en difficulté. Les récentes exploitations de l'Enquête logement de 2006 permettent désormais d'estimer à 730.000 le nombre de personnes confrontées à un très mauvais fonctionnement de leur copropriété, à un défaut d'entretien ou à des impayés nombreux et importants", souligne l'enquête. Accéder à la propriété peut ainsi tourner au cauchemar et être "un piège".
    Dans la préface du rapport, Raymond Etienne, Président de la Fondation, dénonce sans concession "la France de propriétaires" voulue par Nicolas Sarkozy lors de sa campagne présidentielle de 2007 : "Parce que l'accession à la propriété, pivot de la politique actuelle - une aspiration partagée par un grand nombre de familles - n'est plus possible pour la plupart d'entre elles, et peut même devenir un facteur de fragilité aggravant dans la gestion des dépenses quotidiennes...". C'est donc une politique de l'échec de plusieurs années que le rapport pointe du doigt, tout en continuant, malgré tout, à faire des propositions afin d'interpeller les pouvoir publics et s'inviter dans les débats des présidentielles de 2012.

    Les quatre mots d'ordre de la Fondation Abbé Pierre

    1. "Produire/capter massivement et sans délai des logements, car
    chacun doit pouvoir être logé dignement"
    2. "Maîtriser les prix et réguler les marchés, car le logement n'est pas un bien comme les autres"
    3. "Construire une ville de qualité, équitable et durable : un impératif pour vivre ensemble"
    4. "Combattre et prévenir les facteurs d'exclusion et d'inégalités pour en finir avec le mal-logement"
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    Le mal-logement s'enracine en France

    Réactions - Le mal-logement s'enracine en France

    apparu
    apparu © CL
    Suite à la publication du rapport, les réactions ne se sont pas faites attendre.
    Benoit Apparu, secrétaire d'Etat au logement
    Défendant la politique du gouvernement, Benoit Apparu, secrétaire d'Etat au logement, a tenu à nuancer les résultats du rapport : "L'objectif que nous nous sommes fixés dans le cadre de notre politique de la France de propriétaires, c'est d'atteindre la moyenne européenne, 65%, les deux tiers d'une population [...] propriétaire". Avant d'ajouter : il faut "constater que la majorité des Français est satisfaite de son logement, que le niveau de confort moyen s'améliore, et que par exemple la surface moyenne des logements ne cesse d'augmenter". Il a aussi indiqué que "131.509 logements sociaux avaient été financés en 2010, un niveau jamais atteint depuis 30 ans".

    L'Union nationale de la propriété immobilière (UNPI)

    "Le 16ème rapport de la Fondation Abbé Pierre apparaît erroné et en dehors de la réalité. En l'état, ce sont soixante millions de Français qui ont des problèmes de logement et le rapport de la Fondation Abbé Pierre aurait dû éviter une discrimination fort malvenue" [...] "Le président de l'UNPI, Jean Perrin, pense que le rapport de la Fondation Abbé Pierre a laissé pour compte de nombreux concitoyens, en situation de difficultés, qui sont inquiets pour l'avenir du logement" [...] L'UNPI "précise que la situation à Paris et en Ile-de-France ne doit pas occulter la réalité en France entière, où le parc de logements disponibles est suffisant, voire excédentaire. Rappelons que les propriétaires, premiers logeurs de France, représentent plus de 15 000 000 de personnes logées".

    Collectif des Mal-logés en Colère

    "Le rapport démontre, chiffres incontestables à l'appui, que des catégories entières de la population sombrent dans le mal-logement, sans avoir accès à aucun dispositif : les personnes qui ont du mal à payer leur loyer, suite à une chute de revenus, due à la retraite, au chômage, ou à la précarité de l'emploi, mais aussi à cause de l'augmentation exponentielle des loyers du privé. Cette population très importante n'est pas comptabilisée comme mal-logée tant qu'elle paye son loyer, en se privant sur d'autres budgets essentiels, en s'endettant jusqu'au jour où elle se retrouve en situation d'impayés puis expulsable".

    Mouvement démocrate (MoDem)

    Rodolphe Thomas, responsable du Logement, soutient que "la France affiche un tableau indécent pour un pays aussi développé et visiblement le logement n'est pas une priorité de ce gouvernement. Cette situation ne peut être, comme tente de le justifier maladroitement le gouvernement, la simple conséquence de la crise économique. C'est plutôt le résultat de politiques menées depuis plus de 5 ans qui ont écarté les plus fragiles et les classes moyennes de l'accès au logement."

    Parti communiste français (PCF)

    Le PCF évoque "la cruauté des expulsions locatives", et fustige "les choix politiques et économiques du gouvernement de la Droite qui a décidé de sacrifier le logement social ,comme il sacrifie les services publics et la solidarité nationale, au profit des intérêts égoïstes du privé". "Quant à l'intention de faire en sorte que les locataires deviennent propriétaires ce n'est qu'un leurre pour permettre à l'Etat de se désengager encore d'avantage et un piège quand on sait que les copropriétés ont de plus en plus de difficultés à faire face aux charges". Les députés du PCF et du Parti de gauche devraient déposer une proposition de loi pour lutter contre la crise du logement, le 15 mars prochain.

    Europe Ecologie - Les Verts (EELV)

    "Une politique du "tous propriétaires" soumise aux mécanismes spéculatifs des marchés est très dangereuse pour l'ensemble des ménages, particulièrement pour les plus modestes, incités à s'endetter. Sans parler des incohérences environnementales d'une politique qui va pousser encore plus de nombreux nouveaux propriétaires à se loger loin des centres-villes à cause de la flambée des prix, accroissant notre dépendance aux ressources énergétiques fossiles dont on sait qu'elles vont se raréfier."
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