Copropriétaires, que va changer pour vous l'individualisation des frais de chauffage ?

    Publié le 15 décembre 2016 par Rouba Naaman-Beauvais
    Imposée par la loi de transition énergétique, l'individualisation des frais de chauffage est obligatoire pour les copropriétés. Mais quelles sont les démarches à réaliser ? Quels immeubles sont concernés ? Dans quel délai ? Comment éviter les conflits avec ses voisins ? Et, surtout, combien ça coûte ? Les réponses.
    Votée en août 2015, la loi n°2015-992 relative à la transition énergétique pour la croissance verte (dite loi LTE) impose aux copropriétés équipées d'un chauffage collectif, d'individualiser les frais de chauffage de l'immeuble. Si la mesure ne fait pas l'unanimité, il n'en reste pas moins que les copropriétés devront réaliser les travaux nécessaires sur leurs appareils de chauffage, au plus tard le 31 mars 2017.
    Sur les modalités de mise en place de l'individualisation des frais de chauffage, les voix sont dissonantes : les professionnels du chauffage soutiennent que l'installation de répartiteurs ou de compteurs thermiques est obligatoire pour la très grande majorité des immeubles français, tandis que les associations de consommateurs tempèrent, insistant sur le grand nombre d'exceptions indiquées dans la loi.
    Qu'en est-il vraiment de cette réforme ? Que disent la loi de transition énergétique et la directive européenne ? Votre copropriété est-elle concernée ? Comment se déroule, alors, le choix des prestataires ? Les réponses en pages suivantes.
    Copropriétaires, que va changer pour vous l'individualisation des frais de chauffage ?

    Qu'est-ce que l'individualisation des frais de chauffage ?

    Dans un immeuble équipé d'un chauffage collectif, les frais de chauffage et d'eau chaude sont répartis entre les copropriétaires "au tantième", c'est-à-dire au prorata de la surface de leur logement. Une mesure parfois injuste pour les foyers qui font attention à leurs dépenses énergétiques.
    Dans le but d'atteindre une baisse de 20% de la consommation d'énergie d'ici 2020, la directive européenne 2012/27/UE impose aux Etats membres d'équiper les systèmes de chauffage des immeubles d'appareils de mesure, avant le 31 décembre 2016*. L'objectif : "assurer une comptabilisation transparente et exacte de la consommation individuelle" des occupants.
    De fait, chaque foyer logé en copropriété payera uniquement ce qu'il consomme pour chauffer son logement. Selon le Syndicat de la mesure, les ménages devraient voir baisser leurs factures de 15 à 35% s'ils adoptent des habitudes vertueuses. Une note individuelle à laquelle s'ajoute, comme avant l'application de la loi, les frais communs (maintenance de la chaudière, abonnement d'énergie, frais de chauffage des parties communes) qui restent répartis au prorata de la surface du lot.
    * La loi française a, quant à elle, accordé trois mois de répit aux copropriétaires et décalé la date limite au 31 mars 2017.
    Qu'est-ce que l'individualisation des frais de chauffage ?

    Comment fonctionne l'individualisation des frais de chauffage ?

    Pour individualiser les frais de chauffage, des appareils de mesure sont installés sur le système de chauffage. Il s'agit soit de compteurs thermiques, soit de répartiteurs, installés par un prestataire qui les loue à la copropriété pour une durée de dix ans, incluant un contrat de maintenance.
    Le choix du type d'appareil se fait en fonction de l'installation de l'immeuble :
    - Distribution horizontale : le réseau de chauffage dessert individuellement chaque appartement, à l'intérieur duquel les radiateurs sont reliés entre eux. Il suffit alors d'installer un compteur d'énergie thermique à l'entrée du lot, il mesurera la quantité d'énergie consommée par tous les radiateurs de l'appartement.
    - Distribution verticale : dans cette distribution par colonne, courante dans les bâtiments anciens, le réseau dessert tous les radiateurs positionnés verticalement les uns au-dessus des autres dans l'immeuble. Par exemple, tous les radiateurs situés sous la fenêtre du salon dans les appartements donnant sur la rue. Alors, il faut installer un répartiteur de frais de chauffage (RFC) sur chaque radiateur de l'immeuble.
    Contrairement aux compteurs thermiques, qui mesurent la chaleur consommée totale de l'appartement, les répartiteurs ont un fonctionnement plus complexe. Ils évaluent cette chaleur en fonction de la température de l'eau dans l'appareil, de celle de la pièce et d'une série de coefficients précis. "Il ne s'agit pas d'un simple enregistreur de température, comme le décrivent ses détracteurs", insiste Patrick Llorca, directeur commercial France de Qundis, fabricant de répartiteurs et de compteurs thermiques.
    Le suivi des consommations se fait à distance : les compteurs et répartiteurs sont connectés et envoient automatiquement leur relevé au prestataire qui les a installés. Ces chiffres sont ensuite fournis au syndic de la copropriété. Aucune maintenance annuelle n'est nécessaire mais, en cas de problème technique, le prestataire est prévenu par l'appareil et se déplace pour effectuer les réparations le cas échéant.
    Comment fonctionne l'individualisation des frais de chauffage ?

    Individualisation des frais de chauffage : ma copropriété est-elle concernée ?

    L'individualisation des frais de chauffage concerne toutes les copropriétés équipées d'un chauffage collectif. Elles doivent faire réaliser les travaux d'installation des appareils de mesure avant le 31 mars 2017.
    Cependant, dans le Code de l'énergie, l'article concernant cette mesure précise que l'obligation fait foi "quand la technique le permet". Une notion pour le moins floue, qui a créé une brèche législative dans laquelle les associations de défense des consommateurs se sont engouffrées... De fait, quelques exceptions demeurent :
    - Si l'application de la loi entraîne "un coût excessif résultant de la nécessité de modifier l'ensemble de l'installation de chauffage". Par exemple, dans le cas d'un chauffage au sol ou par le plafond, pour lesquels il est impossible de mesurer la consommation individuelle.
    - Si le système de chauffage n'est pas homogène dans l'ensemble de l'immeuble. Par exemple, si un ou plusieurs lots sont équipés de radiateurs à air chaud, ou de ventilo-convecteurs, en distribution verticale.
    - Si le système de chauffage ne permet pas d'installer des appareils de régulation, comme des robinets thermostatiques.
    - Enfin, si le bâtiment est déjà performant, il peut bénéficier d'un délai supplémentaire pour l'installation : jusqu'au 31 décembre 2017 si la consommation de l'immeuble est comprise entre 120 kWh/m² et 150 kWh/m² ; jusqu'au 31 décembre 2019 si elle est inférieure à 120 kWh/m2.
    En cas de doute, l'interlocuteur privilégié est votre syndic. Il pourra faire appel à un thermicien professionnel qui réalisera un diagnostic de performance thermique (DPE) de l'immeuble, et conseillera la copropriété sur la marche à suivre... mais aussi, sur les éventuels travaux parallèles à réaliser pour optimiser la démarche : remplacement de la chaudière, installation de robinets thermostatiques, isolation des parois extérieures, etc.
    Individualisation des frais de chauffage : ma copropriété est-elle concernée ?

    Individualisation des frais de chauffage : que dit la loi ?

    L'article 24-9 de la loi de 1965 sur le statut des copropriétés indique que, dans les immeubles concernés par l'individualisation des frais de chauffage (voir page précédente), "le syndic inscrit à l'ordre du jour de l'assemblée générale la question des travaux permettant de munir l'installation de chauffage d'un tel dispositif d'individualisation, ainsi que la présentation des devis élaborés à cet effet". Le vote se fait à la majorité simple (article 24).
    Le syndic a donc obligation de faire réaliser des devis, mais le syndicat des copropriétaires doit voter la question lors de l'assemblée générale annuelle... et peut donc refuser ces devis. La loi est floue quant à la marche à suivre en cas de vote rejetant la résolution.
    Notez, enfin, qu'à l'heure actuelle, il n'y a aucune sanction financière prévue pour les copropriétés qui ne feraient pas réaliser les travaux. Alors que la directive européenne impose aux Etats membres de définir des sanctions "effectives, proportionnées et dissuasives" pour les contrevenants...
    Individualisation des frais de chauffage : que dit la loi ?

    Individualisation des frais de chauffage : combien ça coûte ?

    Le coût de l'individualisation des frais de chauffage dépend avant tout du type d'installation de l'immeuble. En cas de distribution horizontale, il faut installer un compteur par appartement, soit environ 50 euros par logement. En cas de distribution verticale, il convient de faire poser un répartiteur par radiateur, au prix d'environ 8 euros. "Le prix de pose varie beaucoup en fonction de l'accessibilité des canalisations", avertit l'ARC.
    A ce prix s'ajoutent parfois des frais de gestion (jusqu'à 5 euros par an et par logement), très variables selon les prestataires, ainsi que les honoraires du syndic, à négocier lors de l'assemblée générale.
    L'objectif de l'individualisation des frais de chauffage est d'encourager les occupants, locataires ou propriétaires, à économiser l'énergie. Malheureusement, à l'heure actuelle, les appareils de mesure n'affichent pas les consommations en temps réel... et les ménages ne sont donc informés du montant de leur facture qu'au moment de l'assemblée générale annuelle, où les indices sont présentés par le syndic.
    Toutefois, certains spécialistes avancent jusqu'à 30% d'économie possible sur les factures... pour peu que les occupants adoptent de bonnes habitudes et régulent leurs appareils de chauffage.
    Individualisation des frais de chauffage : combien ça coûte ?

    Individualisation des frais de chauffage : comment éviter les conflits dans la copropriété ?

    L'individualisation des frais de chauffage doit encourager les bonnes habitudes en matière d'économies d'énergie. Mais, dans un immeuble, les logements ne sont pas tous égaux : certains, situés entre deux appartements, bénéficient de la chaleur produites par les appareils des voisins. C'est ce que l'on appelle le "vol de calories" - un concept valable, par ailleurs, que le chauffage soit collectif ou individuel.
    De fait, l'individualisation des frais de chauffage est parfois considérée comme une répartition injuste du coût du chauffage. Pour compenser ce problème, lors de l'assemblée générale, les copropriétaires pourront décider de plusieurs points cruciaux :
    - L'application d'un coefficient à certains lots : Un lot ayant deux murs en pignon aura besoin de chauffer plus qu'un appartement encastré. Pour compenser cette injustice, l'assemblée peut voter (à la majorité absolue) l'application d'un coefficient sur la consommation des appartements désavantagés.
    - La répartition de la part représentant les parties communes : habituellement, on considère que le chauffage des parties communes représente 30% des consommations totales de chauffage du bâtiment. Mais l'assemblée peut modifier cette répartition "30/70". Si elle juge que les parties communes sont mal isolées ou nombreuses, elle peut décider d'augmenter cette part, par exemple.
    Enfin, en cas de contestation des relevés, le syndicat des copropriétaires peut se retourner contre le prestataire qui surveille les consommations. "Le prestataire est garant de la bonne installation, du bon relevé et de la maintenance des appareils de mesure", explique Patrick Llorca, directeur commercial France de Qundis, fabricant de répartiteurs et de compteurs thermiques. A lui, alors, de prouver que ses mesures sont exactes et que la répartition est correcte.
    Individualisation des frais de chauffage : comment éviter les conflits dans la copropriété ?
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