Halte aux idées reçues sur les architectes !

    Publié le 25 mai 2009 par Propos recueillis par Pauline Polgar
    Lionel Dunet, président de l'Ordre des architectes, a accepté de répondre, sans langue de bois, à notre questionnaire, reprenant douze idées reçues sur les architectes. "Entre Beau et fonctionnel, on sait ce que l'architecte choisit", "c'est cher, cela ne sert à rien"... Découvrez ses réponses.
    Idée reçue n°1 :
    Citons Flaubert dans son Dictionnaire des idées reçues : les architectes, ce sont "tous des imbéciles, ils oublient toujours l'escalier des maisons". Un architecte, cela ne sert à rien, c'est toujours dans la lune, à penser à faire du "Beau" et pas du fonctionnel...
    Lionel Dunet : Nous ne sommes plus au XIXe siècle ! Le travail premier des architectes, c'est justement de faire du Beau et du fonctionnel. L'architecte apporte trois réponses à son client : une architecture en fonction de ses besoins, adaptée à son programme, son site et son budget. Du Beau qui n'est pas fonctionnel, c'est une tricherie, cela ne correspond pas à de la bonne architecture. Les jeunes architectes aujourd'hui sont d'ailleurs, avec le développement durable, encore plus sensibilisés à cette alliance du beau et du fonctionnel. Faire une belle architecture, c'est prendre une fonction et l'embellir, la sacraliser par une réponse architecturale.
    Idée reçue n°2 :
    Un architecte, ça coûte cher et ça n'apporte rien...
    Lionel Dunet : Ce n'est pas vrai, les gens ne disent pas que cela n'apporte rien ! Comme je le disais, l'architecte offre une vraie réponse, une adaptation totale aux besoins. Quant au fait que
    architecte
    architecte © PP-DR
     cela coûte cher, notamment par rapport à un producteur de maison individuelle, cette idée vient du fait que, contrairement à ce dernier, l'architecte est transparent sur son niveau de marge. On le sait peu, mais un producteur de maison individuelle touche une marge de 25 à 30% sur le prix d'une maison, alors qu'un architecte c'est de l'ordre de 10 à 12%. Sauf que l'architecte lui, a cette lisibilité que n'a pas le constructeur. Cette transparence le dessert, alors qu'au fond, c'est de l'honnêteté.
    Qu'est-ce qui coûte cher dans un bâti ? La complexité de la construction et les ouvertures. Que cela soit avec un producteur ou avec un architecte, à prestations égales, cela ne sera pas forcément plus cher avec le second. On a justement intérêt d'avoir recours à lui lorsque l'on a un budget serré : l'architecte saura s'adapter, mettre l'argent là où cela sera important pour son client, surtout celui qui n'en a pas trop. Il faut arrêter de croire que l'architecte ne sait pas faire des maisons pas chères ! Au contraire !
    Idée reçue n°3 :
    Un architecte, ça fait travailler les copains, donc on n'a pas forcément les meilleurs tarifs.
    Lionel Dunet : Et non justement ! Contrairement aux autres, l'architecte a l'obligation de réaliser des appels d'offres : son client a le dernier mot. Faire "travailler les copains", c'est strictement interdit ! Déontologiquement, l'architecte, inscrit à l'Ordre pour exercer, a des contraintes, dont celle de ne pas avoir de lien économique avec les entreprises. Pour les chantiers, il doit choisir au moins trois entreprises dans chaque lot (carrelage, plomberie, etc.) et c'est son client qui décide lequel sera pris, souvent le mieux-disant.
    Idée reçue n°4 :
    C'est toujours de la faute de l'architecte, si la porte du placard ne se ferme pas.
    Lionel Dunet : C'est vrai qu'on l'entend souvent celle-là ! (rires) Je me rappelle avoir été moi-même interpellé par un de mes clients parce que sa chaudière ne marchait pas, alors qu'elle avait un défaut de fabrication. En même temps, effectivement, cela montre bien que l'architecte a une responsabilité assez large dans le suivi des travaux. C'est dans son rôle de suivre le travail de tous les corps d'état...
    Idée reçue n°5
    L'architecte, on le voit jamais sur le chantier, ça fait des beaux plans, mais après...
    Lionel Dunet : Au contraire ! Cela fait partie de sa mission légale, de son travail de fond que d'aller sur le chantier. D'ailleurs la majorité des architectes en sont passionnés, et du coup plus exigeants sur place. Les maîtres d'ouvrage le savent : ils voient qu'on a une vraie implication pendant cette phase.
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    Retard, tour d'ivoire, tarabiscotage et Cie

    courtier travaux batiment
    courtier travaux batiment © MAP
    Idée reçue n°6
    De toute façon, les chantiers d'architecte, ça a toujours du retard...
    Lionel Dunet : A complexité égale, le temps est le même que l'on fasse appel à un architecte ou un promoteur. Comme toute chose, plus une maison est classique, plus elle est construite rapidement.
    Idée reçue n°7
    Un architecte, ça n'écoute pas. Ça dit toujours non, on n'a pas le droit d'exprimer sa créativité.
    Lionel Dunet : Il y a deux réponses à donner à cela. La première est qu'un architecte qui n'écoute pas, ce n'est pas un bon architecte. C'est justement son travail que d'être à l'écoute de ses clients, de leur programme. Ensuite, ce qui peut passer pour un refus, ne l'est pas forcément. L'architecte tient la cohérence du projet et lorsqu'il explique à son client pourquoi cela ne peut pas se faire de telle manière, c'est pour maintenir cette cohérence.
    Idée reçue n°8
    De toute façon, une maison d'architecte, c'est toujours tarabiscotée, ça jure dans le paysage et les voisins nous regardent après d'une drôle de façon...
    Lionel Dunet : Tarabiscotée ? Sûrement pas, cela serait un écueil : la maison est adaptée, je me répète, aux besoins du client. Du reste, la tendance actuelle est plutôt à la pureté des lignes, à la simplicité. Les architectes américains moquent d'ailleurs les Européens là-dessus, les traitant de "minimalistes". Quant aux voisins, oui, tant mieux ! Il faut être fier d'être jalousé par ses voisins ! La qualité de la maison d'architecte vient de l'intérieur, avec la prise en compte des besoins, tandis que l'extérieur reflète cette prise en compte. Tout cela vient aussi du manque de culture architecturale en France, où l'on achète une maison comme une voiture, contrairement à ce qui existe en Finlande par exemple. Je me bats pour que cela change en France.
    Idée reçue n°9 :
    Avec une maison d'architecte, on a toujours des problèmes avec la mairie.
    Lionel Dunet : C'est pareil : nous militons à l'Ordre pour que les élus accèdent à une culture architecturale plus étendue et aient la modestie d'accepter la différence. D'ailleurs, savez-vous d'où vient le terme de "gothique" pour les églises ? Lorsque ce type d'édifice a commencé à sortir de terre, un envoyé du Pape est venu en Ile de France pour le voir, en a trouvé l'architecture "bizarre", qu'il a qualifiée de "barbare". Et les "barbares" à cette époque, c'était les "Goths", d'où le nom d' "église gothique". Aujourd'hui, on ne remet pas en cause leur achitecture, non ? Et bien là c'est pareil : l'architecture contemporaine a toujours un temps d'avance !
    Idée reçue n°10
    Les architectes, ils veulent tous marcher à l'écolo aujourd'hui... Mais tout ça, c'est pour nous faire payer plus cher ! En plus, on n'est même pas sûr qu'ils soient compétents !
    Lionel Dunet : On ne va tout de même pas reprocher aux
    courtier travaux batiment
    courtier travaux batiment © MAP
     architectes de suivre le mouvement du développement durable ! Aujourd'hui tout le monde a cette demande, d'autant plus lorsque l'on sait que le bâti est responsable de près de 45% des gaz à effet de serre. Les architectes doivent être des professionnels du développement durable. D'ailleurs ils se forment énormément : à l'Ordre nous avons encore envoyé dernièrement un dvd de formation qui donne les bases essentielles à tout bâti aux 30.000 architectes français. Une formation continue permanente leur est imposée.
    Enfin, sur les coûts, de toute façon, les architectes ont cette tension de devoir respecter le budget du client : ils luttent pour baisser le coût du bâtiment et souvent diminuent même leurs honoraires ! Le client décide de ce qu'il veut en fonction de ce budget, c'est lui qui en a le pouvoir : l'architecte ne peut rien y faire.
    Idée reçue n°11
    Un architecte, ça a un langage incompréhensible, ça parle SHON, SHOB, surface utile...
    Lionel Dunet : Ah ça, c'est vrai ! (rires) On a des progrès à faire sur ce point ! Il faut qu'on ait un langage adapté, compréhensible, que l'on délivre une vraie pédagogie d'explication du projet. Au moment du permis de construire, cette dimension est essentielle. Comme toute catégorie professionnelle, nous avons créé des termes entre nous, ce qui est une erreur. Il faut que l'on joue notre rôle de médiateur du projet.
    Idée reçue n°12
    De toute façon, on n'est jamais sûr de l'architecte, alors qu'un promoteur au moins, on sait ce qu'il fait, c'est des grosses machines, peut pas y avoir de problèmes. C'est plus sécurisé !
    Lionel Dunet : Il y a des bons et des mauvais promoteurs, comme il y a des bons et des mauvais architectes. L'acte de construire est bien sûr différent pour le producteur que pour l'architecte. Une maison réalisée par ce dernier sera plus compliquée à réaliser qu'un bien défini dans un lotissement. Ce risque, c'est le prix à payer pour avoir un logement adapté.
    De toute façon, pour toute maison individuelle de plus de 170m2, il y a un architecte derrière. Avec les maisons préconstruites, on perd l'avantage du dialogue. Enfin, l'intérêt de l'architecte en termes de garantie est que l'assurance couvre son acte, sa conception pendant dix ans.
    De toute manière, il faut arrêter d'entretenir cette "guerre" entre les deux. Aujourd'hui, il faut trouver un nouveau modèle de collaboration : un groupement d'entreprises, ou une collaboration avec certains constructeurs, pour une meilleure production. Plutôt que de n'avoir que des lots séparés, l'architecte pourrait collaborer avec une entreprise gestionnaire pour trouver un compromis aux zones entièrement pavillonnaires. Une mixité au bénéfice des ménages les plus modestes.
    Maison à part : A votre avis, pourquoi ces idées reçues ont la vie dure ?
    Lionel Dunet : Cela correspond à une non-connaissance de la discipline architecturale. Les gens achètent leur habitat, comme ils achètent une voiture. Pour l'imaginaire collectif français, une maison d'architecte est forcément grande, impressionnante, chère... On doit montrer que l'on est capable de travailler pour le plus grand nombre et non pour une minorité et que la démarche architecturale répond aux besoins.
    Retrouvez Lionel Dunet sur Maison à part.
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