Comment gérer le développement des renouvelables ?

    Publié le 30 avril 2015 par Grégoire Noble
    Le déploiement des énergies renouvelables est prévu dans le cadre de la transition écologique. Mais cet essor de sources intermittentes pose de nombreuses questions en termes de coût, de capacité des réseaux à les accueillir ou de stockage pour mieux corréler production et consommation. Jean-Louis Bal, président du SER, fait le point.
    La transition écologique est engagée, en France et dans le monde. Jean-Louis Bal, le président du Syndicat des Energies Renouvelables (SER), dresse un panorama de l'économie du secteur : "En 2013, 200 GW de puissance ont été installés à l'échelle globale, dont 120 GW de renouvelables. Ils se répartissent à peu près équitablement entre hydroélectricité, éolien et photovoltaïque. Les investissements dans le monde sur ces énergies atteignent les 250 Mrds de dollars et sont en constante augmentation".
    A l'occasion d'une conférence de l'association Equilibre des Energies (EdEn), il est également revenu sur la spécificité française : "L'objectif de 23 % d'EnR en 2020 ne sera certainement pas atteint. Nous serons plus proches des 17 ou 18 %. Du côté de l'électricité, la part des EnR atteint les 19,5 % en 2014, et elles atteindront probablement les 23 ou 24 % en 2020, ce qui n'est pas trop loin de l'objectif affiché de 27 %". Le président du SER estime que le retard sera surtout pris dans la production de chaleur et dans le secteur des transports.

    La variabilité des énergies à gérer

    Avec ce développement attendu, qui sera principalement porté par l'éolien terrestre et le solaire photovoltaïque, va se poser un nouveau problème, celui de l'intermittence et de la variabilité de production de ces énergies. "Dans le système électrique, il y a déjà des aléas liés à la consommation ou à des pannes, ou des erreurs de prévision. Une température qui varie de 1 °C engendre une différence de consommation de 2.300 MW. Les aléas existants sont donc déjà supérieurs à ceux introduits par les EnR", souligne Jean-Louis Bal. Il n'y aurait donc pas de souci majeur à l'intégration des renouvelables, d'autant que des outils de prévision de production pour l'éolien et le solaire existent et permettent d'anticiper les variations. "Jusqu'en 2020, le système sera parfaitement capable de 'digérer' les EnR. Au-delà, avec l'augmentation de leur proportion, à hauteur de 40 % dans la production électrique, le réseau devra subir des adaptations. Mais la moitié de ces énergies seront programmables, comme l'hydraulique ou la biomasse", annonce-t-il.
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    Comment gérer le développement des renouvelables ?

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    Lignes électriques
    Lignes électriques © Spedona - Wikimedia
    Pour préparer le réseau à cet afflux d'énergies renouvelables, plusieurs pistes sont évoquées : la multiplication des interconnexions, régionales et internationales, pour équilibrer l'ensemble, ou la gestion de la demande de pointe grâce aux réseaux intelligents qui déplacent la consommation au moment de la production. La question du stockage sera également un enjeu d'envergure. "Les stations de transfert énergie par pompage (STEP) ont déjà une capacité de 4,3 GW aujourd'hui. A l'horizon de 2030, dans le cadre d'un mix énergétique diversifié, il faudra porter cette capacité à 6,3 GW. Et le potentiel existant, identifié par les professionnels du secteur, est même bien supérieur", fait valoir Jean-Louis Bal. Il différencie le stockage à très court terme (quelques heures), du stockage par STEPs, plus indiqué pour des rythmes hebdomadaires et du stockage à plus long terme, dit "inter-saisonnier". "La seule solution, pour l'heure, est la technologie dite 'Power to gas' où l'électricité sert à produire de l'hydrogène qui est combiné à du CO2 afin d'obtenir du CH4. Ce méthane est soit stocké, soit introduit dans le réseau de gaz naturel", détaille le président.
    Une France approvisionnée à 100 % par les EnR ?
    Interrogé sur le scénario Ademe qui envisage une couverture de la totalité de la consommation française par des EnR, le président du SER explique : "C'est un exercice intellectuel, purement scientifique, afin de vérifier la crédibilité technique et économique d'une telle idée. Mais il n'y a pas de réelle intention d'aller vers 100 % d'EnR en 2050. Il est clair que nous aurons besoin de l'éolien et du photovoltaïque, qui feront les trois quarts de la production, à des coûts de 60 ou 80 €/MWh. Mais la question qui émerge de cette étude est celle de la multiplication des éoliennes - il en faudrait dix fois plus qu'aujourd'hui - ou des centrales photovoltaïques au sol, avec tous les problèmes de terrains ou de voisinage que cela comporte".
    Jean Bergougnoux, le président d'honneur de l'association EdEn, rajoute : "L'expérience de l'Ademe est intéressante et stimulante. Mais l'horizon de 2030 est plus important pour nous que celui de 2050. Le problème de la multiplication des interconnexions pose celui de l'acceptation de nouvelles lignes électriques". Il estime également que, pour le 'sourcing' des réseaux de chaleur, le recours aux énergies fossiles est "alarmant".
    Si la consommation, en France, est surtout orientée vers le gaz, ce n'est pas le cas chez nos voisins européens, qui continuent à faire appel au charbon (ou à la lignite), dont le coût est faible mais les rejets en gaz carbonique importants. "Il faut redonner un prix au CO2, pour que le gaz, qui a beaucoup de vertus, soit prédominant, car il émet deux fois moins que le charbon et que son cycle de production est plus réactif", précise Jean-Louis Bal. Le président du SER n'hésite d'ailleurs pas à s'interroger sur la pertinence d'un refus absolu d'une simple exploration des ressources du sous-sol français en gaz de schiste.
    Selon lui, un prix de 30 à 50 € la tonne de CO2, alors qu'il n'est qu'à 3 ou 4 € à ce jour - "une valeur symbolique" - serait nécessaire pour favoriser la transition énergétique et l'essor des renouvelables.
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