Les remontées capillaires, un phénomène encore mal appréhendé

    Publié le 13 mars 2014 par Grégoire Noble
    La remontée d'humidité par capillarité est un phénomène de physique naturelle qui n'est pas lié à un "effet buvard" des matériaux de construction, mais qui est de nature électromagnétique. Quelles constructions touche-t-elle ? Comment la combattre ? Eléments de réponse avec Jean-Louis Poilane, professionnel de l'assèchement des murs.
    L'apparition de traces d'humidité sur le bas des murs, présentant une frange irrégulière qui progresse parfois rapidement, est un signe de remontée d'eau du sous-sol par capillarité. Le phénomène ne serait pas lié qu'à la composition de la construction et à un "effet sucre" où le matériau poreux absorberait cette eau, mais surtout à des forces liées au potentiel électrique de l'eau. "Quel que soit le matériau, si la remontée d'eau n'était liée qu'à la nature du mur, au maximum ça ne dépassera pas 80 cm de hauteur à cause de la pression atmosphérique et de la loi de Jurin", précise Jean-Louis Poilane, de la société Iberia StopRise. Or, les remontées capillaires dépassent souvent cette hauteur pour atteindre parfois les 2 mètres. "C'est un phénomène physique électromagnétique lié au potentiel électrique de l'eau, dont les valeurs s'échelonnent de 50 à 500 mV".

    Toutes les régions et (presque) toutes les constructions touchées

    "Il n'y a pas de région plus particulièrement touchée qu'une autre", estime le professionnel, "contrairement à ce qu'on pourrait penser, le Sud est peut-être même plus susceptible de l'être".
    Les remontées capillaires seraient liées aux passages d'eau souterrains, aux lignes de fracture du sol et à sa composition, les sols argileux opposant plus de résistance que les autres. Le mode constructif choisi n'aurait pas non plus d'effet : construction en bois, en pierre ou en brique seraient affectées. "Seuls les murs banchés ne peuvent pas être affectés car le béton est introduit sous pression. D'ailleurs, on n'observe pas de remontées capillaires dans les parkings d'immeubles", fait remarquer Jean-Louis Poilane.
    Découvrez les conséquences des remontées capillaires en pages suivantes.
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    remontées capillaires
    remontées capillaires © Poilane - Iberia StopRise
    Les remontées de l'eau dans les murs a de graves conséquences : "La dégradation des matériaux, notamment des joints dans les murs de pierre. Une fois endommagés, on assiste à un tassement des pierres par le bas, puis à une chute de la toiture car la base de la structure ne tient plus", explique le spécialiste.
    Quant à la vitesse de propagation, elle serait fonction du débit d'eau dans le sous-sol. "Il est impossible de quantifier facilement, mais un bâtiment neuf peut être affecté en quelques années. L'eau cherche une zone d'évaporation et les enduits n'arrêtent rien", poursuit Jean-Louis Poilane.
    Plus un mur est épais plus la progression sera lente, mais l'attention portée à l'étape de réalisation des fondations est primordiale. "La construction d'un vide sanitaire d'au moins 80 centimètres de hauteur et d'une arase étanche, de préférence au goudron liquide afin de visualiser l'homogénéité du traitement, sont importants", précise-t-il. Car la remontée capillaire passe par la dalle de fondation puis par les cloisons qui sont posées dessus.

    Trois points à vérifier

    Outre le soin apporté lors de cette étape de construction, la ventilation est un autre facteur clé : "Le mur est comme un linge qui sèche au vent : s'il est fin et qu'il fait beau temps, il sèchera rapidement. S'il est épais et qu'il y a de l'humidité, il mettra longtemps", nous explique Jean-Louis Poilane qui insiste ensuite sur l'étape de diagnostic. "En cas de problème d'humidité, trois points sont à surveiller : l'analyse des sels - nitrates ou sulfates - contenus dans les murs. S'il n'y en a pas, ce n'est pas un cas de remontée capillaire.
    Ensuite, à l'aide d'un voltmètre, il faut vérifier le potentiel électrique du mur. Enfin, si la frange d'humidité est parfaitement rectiligne horizontalement, ce n'est pas non plus de la remontée capillaire
    ", insiste le professionnel. L'aspect de vagues irrégulières, très caractéristique du phénomène, serait lié au potentiel électrique de la ligne de fracture se situant sous la surface de la construction.
    Suite et fin de l'article en pages suivantes.
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    Solutions pour lutter contre les remontées capillaires

    Solutions pour lutter contre les remontées capillaires - remontées capillaires
    Solutions pour lutter contre les remontées capillaires - remontées capillaires © Poilne - Iberia StopRise
    Une fois le diagnostic établi, plusieurs techniques permettent de lutter contre ces remontées. "Des injections de résine dans le mur, dans des puits de 15 mm tous les 15 cm, permet de créer une barrière étanche. En revanche, comme il est impossible de traiter les dalles et les cloisons, cette technique d'assèchement n'est que partielle", confie-t-il. "La technique fonctionne bien mais sur des murs de pierre de forte épaisseur, l'opération est complexe à réaliser : il faut décrouter puis injecter les joints, sur trois ou quatre rangées en quinconce afin de créer la barrière. A raison de 80 ou 100 € du mètre linéaire à multiplier par le nombre de rangées, le coût est rapidement énorme !".
    Le professionnel évoque également l'électro-osmose qui consiste à pratiquer des saignées verticales dans les murs de 1 mètre de haut, espacées de 80 cm où sont placées des électrodes reliées par un fil de cuivre qui est mis à la terre (méthode passive) ou connectées à une batterie (méthode active).
    Enfin, Jean-Louis Poilane explique le principe d'une troisième solution, par inversion de polarité. "Un boîtier est posé dans le bâtiment d'après un calcul sur la surface à protéger. Le système est passif et fonctionne avec un courant très faible, de l'ordre de 40 mV. De la même façon que deux aimants s'attirent ou se repoussent selon leur orientation, le boîtier repousse les remontées capillaires. Attention, il est susceptible d'être perturbé par une grosse masse métallique comme un gros frigo américain ou un coffre-fort s'il est posé à proximité immédiate de ceux-ci", détaille-t-il.
    Le système, répandu en Allemagne, Autriche et Suisse, est actuellement commercialisé par trois sociétés en France. Mais si la technologie est déjà éprouvée dans ces pays pionniers, elle reste toutefois encore totalement ignorée par les bureaux de contrôle ou les organismes certificateurs, des expérimentations en laboratoire étant difficiles à mener.
    Solutions pour lutter contre les remontées capillaires
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