L'Europe traduit la France en justice pour le traitement de ses eaux usées

    Publié le 20 novembre 2009
    eau pretexte
    eau pretexte © fotolia
    La France ne respecte pas la législation européenne en vigueur relative au traitement des eaux urbaines résiduaires dans 64 de ses villes, dont Arles, Avignon, Bordeaux et Lyon. Elle devra en répondre devant la Cour de justice des communautés européennes, a annoncé ce vendredi dans un communiqué la Commission européenne.
    D'abord un constat : malgré deux avertissements, la France ne s'est toujours pas mise en conformité avec la directive 91/271/CEE relative au traitement des eaux urbaines résiduaires qui l'obligeait à mettre en place, avant le 31 décembre 2000, des systèmes de collecte et de traitement des eaux résiduaires dans les implantations urbaines de plus de 15 000 habitants situés dans des régions non sensibles : "64 agglomérations ne se sont toujours pas conformées à la directive". Ce qui lui vaut d'être assignée aujourd'hui devant la Cour de justice des Communautés européennes par la Commission européenne, explique cette dernière dans un communiqué publié ce vendredi.
    Arles, Avignon, Bordeaux, Lyon figurent notamment dans la liste des villes fautives. Mais ce n'est pas tout ! La France se voit également épinglée pour traitement insuffisant des eaux résiduaires dans les petites villes. Une infraction commise également par la Belgique, le Luxembourg, le Portugal et l'Allemagne, concernés comme l'Hexagone par cette autre procédure, qui prend cette fois la forme d'un avertissement écrit.
    Près de dix ans de retard pour les grandes villes
    Selon la directive en cause, les villes de l'UE ont obligation de collecter et de traiter leurs eaux urbaines résiduaires, contre notamment la contamination par des bactéries et le phénomène d'eutrophisation (la prolifération d'algues destructrices due à la présence de certains nutriments). Stavros Dimas, membre de la Commission européenne chargé de l'environnement, explique ainsi que "Les eaux urbaines résiduaires non traitées peuvent présenter un danger pour la santé des citoyens européens et pour l'environnement." Et d'ajouter que l'UE doit garantir"le même niveau de traitement des eaux urbaines résiduaires dans toute l'Union européenne. Il est inacceptable que les États membres ne se conforment pas à la législation."
    Le principal traitement des eaux résiduaires prévu par la directive est de type biologique ou "secondaire". Toutefois, précise la Commission, cela doit être compléter par un traitement plus rigoureux lorsque cela est nécessaire, pour les agglomérations de plus de 10.000 habitants, ce qui devait être fait au plus tard le 31 décembre 1998. "Les agglomérations de plus de 15.000 habitants qui ne rejettent pas leurs eaux résiduaires dans des zones sensibles devaient, quant à elles, être équipées d'une infrastructure de traitement secondaire au plus tard le 31 décembre 2000. Enfin, les petites agglomérations avaient jusqu'au 31 décembre 2005 pour se conformer à la législation."
    Observatoire services eau et assainissement
    Observatoire services eau et assainissement © Capture d'écran du site www.services.eaufrance.fr
     Lancement d'un Observatoire national des services d'eau et d'assainissement
    Avec cette action en justice de la Commission Européenne, la France devra accélérer le mouvement. Reste que décidément, la gestion de l'eau n'est pas le point fort de l'Hexagone. Cette mise en cause intervient en effet une semaine après la dénonciation par nos confrères du Journal du Dimanche, de l'état vétuste de nombre de canalisations urbaines dans le pays (voir article Les villes françaises qui gaspillent le plus).
    A noter cependant dans ce domaine, que la secrétaire d'Etat Chantal Jouanno a lancé ce mercredi 18 novembre, depuis le Salon des maires, un Observatoire national des services d'eau et d'assainissement. Un pas vers plus de transparence : "Pour la première fois, explique le ministère, une base de données nationale, alimentée par les collectivités locales, va rassembler l'ensemble des indicateurs de performance disponibles sur les services publics d'eau et d'assainissement. Avec l'observatoire, les élus vont ainsi disposer d'un outil pour piloter leurs services, suivre leurs évolutions d'une année sur l'autre, comparer leurs performances avec des services similaires. L'observatoire est aussi une réponse aux exigences des usagers et des citoyens soucieux d'avoir une information transparente sur le prix de l'eau et sur la qualité du service." Le service a été mis en ligne à l'adresse www.services.eaufrance.fr.

    Un plan lancé depuis deux ans

    Le Ministère de l'Ecologie a répondu vendredi soir à l'assignation de la France par la Commission Européenne dans un communiqué, précisant que dans la remise aux normes des stations d'épuration, "la France gagnera la bataille de l'assainissement". Le Ministère rappelle que la France a lancé il y a deux ans un "vaste plan" de remise aux normes des stations d'épuration, depuis l'appel "solennel pour gagner la bataille de l'assainissement" lancé par Jean-Louis Borloo le 14 septembre 2007 à Biganos, près d'Arcachon. A l'époque, 146 stations étaient toujours non conformes aux normes européennes, une situation qualifiée alors d'"alarmante". Ce plan, précise le ministère, était assorti de prescriptions très strictes : "mise en demeure de l'ensemble des collectivités non-conformes, obligation de contractualiser avec les agences de l'eau, nécessité de prévoir un calendrier ainsi qu'un plan de financement précis, consignation des fonds nécessaires auprès des collectivités récalcitrantes." La France a ainsi demandé à la Commission Européenne un délai de mise en œuvre de ce plan d'ici la fin 2011.
    Depuis le lancement, "parmi les 146 plus grosses agglomérations qui sont citées dans les procédures contentieuses avec la Commission européenne, 93 ont aujourd'hui terminé leurs travaux, 41 les ont démarrés et 12 agglomérations finalisent leurs études". Les derniers travaux devraient commencer en 2010, a indiqué Chantal Jouanno, secrétaire d'État chargée de l'Écologie, le 28 septembre dernier. Seules Saint-Denis de la Réunion et Cayenne ont des dates de conformité qui dépasseront la fin 2011. Le Ministère précise enfin que des conventions de prêts à taux bonifiés ont été signées en janvier, à hauteur d'1,2 milliards d'euros avec la Caisse des Dépôts et les agences de l'eau, "afin d'accélérer encore les programmes d'investissements pour la mise en conformité". Une carte de situation des 146 grosses agglomérations d'assainissement a par ailleurs été mise en ligne.
    La commission européenne épingle les Etats membres pour leur gestion des déchets
    Dans un autre communiqué publié ce 20 novembre, la Commission européenne précise avoir "adopté aujourd'hui deux rapports d'où il ressort que, dans bon nombre d'États membres, la législation communautaire en matière de déchets n'est pas mise en oeuvre et appliquée comme il se doit. L'évaluation souligne que les États membres doivent déployer des efforts considérables pour faire en sorte que la gestion des
    déchets réponde aux exigences définies par la législation de l'Union européenne. Ces efforts sont essentiels si l'on veut protéger l'environnement et la santé humaine."
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