Bien louer, c'est louer sans discriminer !

    Publié le 24 avril 2008 par P.P.
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    halde © Halde
    La Haute autorité de lutte contre les discriminations (Halde) lance une grande campagne d'information contre la discrimination dans la location. Pour la première fois elle s'adresse aux propriétaires et aux professionnels de l'immobilier et non aux victimes, leur démontrer l'importance de critères objectifs pour trouver un bon locataire.
    L'idée est simple : tout propriétaire a le droit de choisir son locataire, mais dans la limite des règles imposées par la loi. L'article premier de la loi du 6 juillet 1989 est en effet clair, en posant le principe de l'interdiction de refus d'un locataire au motif de son origine, de sa situation, de sa famille, de son handicap ou encore de son âge. Pourtant, les préjugés sont tenaces ! "Les cas les plus courants restent la question de l'origine, ainsi que de l'orientation sexuelle des candidats, explique Fabien Dechavanne, chef du pôle "Biens et services" à la Direction juridique de la Halde. Le propriétaire demandera des garanties supplémentaires, aura des réticences ou imposera un refus catégorique, sans explication."
    Pour la Halde, ce refus est le plus souvent la conséquence d'une peur de l'autre, de stéréotypes plus que du racisme pur, de la xénophobie ou de l'homophobie. Autre exemple de discrimination : "La question de la situation familiale revient très souvent : mariés ou pacsés, en concubinage... raconte le juriste, Beaucoup pensent que le Pacs indique une orientation sexuelle, alors que 90% des pacsés sont des couples ou non de sexes différents !"

    Lutter contre les stéréotypes et les préjugés

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    halde © Halde
     D'où l'idée de la Halde de s'adresser en premier lieu aux propriétaires et leur démontrer qu'il est dans leur intérêt pour "louer bien" que de "louer sans discriminer." Plus qu'une question de les prévenir de la sanction, l'envie est de faire tomber ces préjugés et stéréotypes. "Nous avons été confrontés à des situations aberrantes ! raconte Fabien Dechavanne, je repense par exemple à cette affaire où celui qui avait obtenu l'appartement gagnait moins et n'avait pas de caution alors que la personne discriminée à cause de son origine si !" Dans ce cas, le propriétaire a pris un risque locatif énorme, en raison d'un simple préjugé.
    La brochure, distribuée à quelque 150.000 exemplaires, établit donc un "code de bonne conduite", où il est expliqué par exemple qu'"en privilégiant les garanties offertes et présentées dans les dossiers, vous (le propriétaire) louez votre bien dans les meilleurs conditions." Elle rappelle ainsi les documents que l'on peut ou non demander au candidat locataire de même que les critères objectifs à prendre en compte, tels que le niveau de revenu ou encore la présence ou non d'une caution.

    Les agents immobiliers en première ligne

    Autre brochure, autre cible : les professionnels. Les agents immobiliers sont en effet en première ligne, coincés entre les demandes discriminantes d'un propriétaire et leur mise en cause au niveau judiciaire s'il les applique. "Ils se sentaient démunis. Avec cette brochure, ils trouvent des réponses," explique Fabien Dechavanne. Et en premier lieu, les bons mots. Car souvent, la situation peut être débloquée par le dialogue, "pour faire évoluer les mentalités." Ils trouveront ainsi les clés pour savoir "comment réagir quand un propriétaire fait une demande discriminatoire" ou "comment vaincre les idées reçues véhiculées par un collègue."
    L'agent immobilier a le pouvoir de dénoncer la discrimination, comme il doit saisir la Halde, notamment dans les cas extrêmes de personnes profondément xénophobes ou homophobes. "Il est de son devoir de se sentir concerné. On a quelques témoignages sur des personnes comme cela, émanant de professionnels, où trop c'est trop" raconte Fabien Dechavanne.

    Une discrimination de plus en plus cachée

    "Jusqu'à il y a cinq ans, les propriétaires ou agents immobiliers affichaient ouvertement et librement leurs convictions, parce qu'ils n'avaient pas le sentiment de pouvoir être sanctionnés, explique Fabien Dechavanne. Aujourd'hui, cela se fait à mots plus couverts, les raisons seront fallacieuses, du type, 'l'appartement a trouvé preneur', 'vous n'avez pas suffisamment de garanties'..." Pour la personne discriminée, il est donc devenu plus difficile de se reconnaître victime. Au moindre doute, elle pourra pourtant saisir la Halde, qui aura la compétence pour enquêter. Depuis sa création en 2005, 400 à 500 réclamations lui sont parvenues sur le logement. Dans 10% de cas, la discrimination a été reconnue. Selon Fabien Dechavanne, "Les réclamations vont croissantes du fait de la notoriété grandissante de la Halde et du travail effectué avec les professionnels. Avec la campagne, les chiffres vont sans doute encore augmentés."
    Avec ce paradoxe que, comme toute association qui lutte contre quelque chose, l'objectif est sa propre disparition, mais le travail reste malheureusement de longue haleine...
    Voir les brochures

    Démarche et recours juridiques contre la discrimination

    Nouveauté, depuis la mi-avril, toute personne peut saisir la Halde par le biais de son site internet (www.halde.fr), en remplissant un formulaire dédié. A défaut, il suffit d'envoyer une lettre simple, expliquant la situation rencontrée et donnant tous les éléments tendant à confirmer ou expliquer le pourquoi du sentiment d'existence du caractère discriminant. Il faut joindre ainsi tous documents, témoignages, enregistrements, susceptibles de le conforter. La Halde saisie du dossier, a compétence pour enquêter et, si la discrimination est établie, aidera la victime dans sa démarche juridique.
    Deux possibilités s'offrent à la victime : la voie pénale, qui conduit à une condamnation de la personne mise en cause - si la partie qui a porté plainte a réussi à prouver la discrimination - avec à la clé un risque d'amende et de peine jusqu'à 3 ans de prison ; ou la voie civile, qui conduit elle à l'obtention de dommages et intérêts en faveur de la victime.
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