La vente d'un logement occupé : démarches, droits et baromètre

    Publié le 29 juin 2009 par Pauline Polgar
    Peggy doit mettre en vente un studio actuellement occupé par deux jeunes filles. Elle s'interroge sur les démarches qu'elle doit entreprendre pour leur signifier leur congé. En même temps, elle aime bien ses locataires et aurait préféré le vendre occupé. Cela dépréciera-t-il la valeur de l'appartement ?
    Peggy nous interroge sur la vente de son studio occupé :
    "Bonjour,
    Je suis propriétaire d'un studio meublé à Paris, loué à deux jeunes filles, mais que je dois vendre. Je voudrais savoir combien de mois dois-je leur donner afin qu'elles quittent les lieux, sachant que le bail prendra fin en mars 2010.
    Ai-je le droit de leur donner congé avant la fin du bail ?
    Par ailleurs, une des deux locataires est en vacances à l'étranger jusqu'à fin août, dans ce cas, elle ne pourra pas retirer sa lettre recommandée avant cette date.

    Dois-je attendre son retour pour envoyer la lettre ?

    Aujourd'hui, j'ai des difficultés pour vendre mon bien car les futurs acquéreurs le préfèrent vide. En ce qui me concerne, j'aurai préféré le vendre occupé car les locataires sont absolument adorables."
    Pour répondre à Peggy, il convient ainsi de s'interroger sur deux aspects de la vente d'un bien occupé : le premier, les démarches à effectuer pour prévenir son locataire et dans un second temps, s'il est vraiment plus difficile de vendre un bien occupé et si cela le déprécie réellement. Pour ce faire, Maison à part a interrogé Maître Marc Renard, notaire à Pont de Roide (Doubs).
    vendre
    vendre © MD - Batiactu
     Maison à part : Quelles sont les démarches à entreprendre pour donner congé à des locataires d'un bien en vue de le vendre ? Peut-on le faire avant la fin du bail ?
    Maître Marc Renard: Le congé pour vente doit être donné soit par lettre recommandé avec accusé de réception, soit par exploit d'huissier (l'exploit est un acte de notification réalisé par un huissier, ndlr) et cela, six mois au moins avant la fin du bail. On peut ainsi le faire avant si l'on veut... Six, sept, huit mois avant, mais pas cinq !
    Attention, dans le cas de votre lectrice, si la location est au nom des deux jeunes filles, elle doit leur signifier à toutes les deux. Chacune doit avoir sa lettre et le délai de six mois court à partir du moment où la personne accuse réception de sa lettre. Dès qu'elle la retire au guichet de sa poste.
    Maison à part : Justement, que se passe-t-il dans le cas évoqué par Peggy : sa locataire partant à l'étranger, à quoi doit-elle faire attention ?
    Maître Marc Renard : Si la locataire est à l'étranger, le délai ne pourra courir que lorsqu'elle aura réceptionné la lettre, c'est-à-dire à son retour. Cela sera bon, à la condition expresse qu'elle revienne bien avant les six mois. Si l'on est trop juste en termes de délai, il vaut mieux donner congé au locataire par exploit d'huissier. Dans ce cas, même si l'acte est réalisé en l'absence du locataire, le délai court à partir de la date de sa réalisation.
    Maison à part : Les locataires de Peggy ont-elles la possibilité de préempter la vente ?
    Maître Marc Renard : Non, en matière de location meublée, le locataire ne bénéficie pas d'un droit de préemption.
    Maison à part : Peggy s'interroge également sur la vente occupé de son bien en elle-même. Entre vendre vide et vendre occupé, y a-t-il vraiment une différence ?
    Maître Marc Renard : Il faut s'interroger sur le profil de son acquéreur. Il y a deux solutions possibles : soit le bien loué a une situation attractive pour les investisseurs, notamment avec un bon loyer, il les intéressera et donc la vente se réalisera facilement occupée. La pierre est une valeur refuge ! Soit son acquéreur veut acheter pour habiter et là, il faudra vendre vide.
    Maison à part : Est-ce vraiment plus difficile de vendre occupé, cela déprécie-t-il beaucoup la valeur du logement ?
    Maître Marc Renard : Dans le cas de votre lectrice, dont le bien est un studio dans Paris, il n'est pas difficile de vendre occupé. Son attractivité intéressera des investisseurs et dans ce cas là, le montant ne sera pas déprécié. Evidemment, il est plus difficile de vendre occupé un appartement de 100m2 avec plusieurs pièces : les gens achètent ce type de bien pour y vivre. C'est une idée reçue de croire que la vente occupée signifie forcément une dépréciation du prix.

    Résumé :

    Vendeur-acquéreur
    Vendeur-acquéreur © fotko-FOTOLIA
     Peggy doit donner congé à ses deux locataires, une lettre recommandée avec AR chacune, si elles figurent toutes les deux sur le bail. Le contrat de location du studio meublé de Peggy expirant fin mars 2010, elle pourra leur notifier leur départ à la fin septembre dernier délai, soit six mois avant. Donc normalement, sa locataire qui partait à l'étranger sera revenue. Mais attention, Peggy, encore faut-il être sûre de son retour ! Pour assurer le délai, l'exploit d'huissier paraît être une meilleure solution, lorsque l'on ne sait pas si son locataire est présent, la notification est immédiate, même en cas d'absence. Quant à vendre vide ou occupé, tout dépend du profil des acquéreurs potentiels : si le bien est attractif pour les investisseurs, le vendre occupé ne posera pas de problème et ne dépréciera pas le logement.
    En page 2, un focus sur le congé pour vente et le droit de préemption du locataire, cliquez sur suivant.
    La vente d'un logement occupé : démarches, droits et baromètre

    Focus : Le congé pour vente et le droit de préemption du locataire

    Clés maison
    Clés maison © Photo d'illustration - MAP
    Lorsque l'on veut vendre son appartement vide, alors qu'un locataire l'occupe actuellement, il faut lui signifier son congé pour vente. Dans ce cas, la situation est plus compliquée car le locataire est prioritaire pour acheter le logement, sauf dans le cas - et c'est celui de notre lectrice Peggy - où la location est meublée, le droit de préemption n'existe alors pas.
    Dans un congé pour vente, le bailleur doit indiquer dans sa lettre (en recommandé avec avis de réception), outre le motif du congé, le prix et les conditions de vente du bien. A défaut, la résiliation du bail ne serait pas valable et il faudrait tout recommencer. Si le locataire n'accepte pas l'offre dans les deux mois (ou quatre, s'il sollicite un emprunt), il devra quitter les lieux à l'issue des six mois de préavis (délai courant à partir de la notification du congé-vente). Dans le cas contraire, le contrat de location est prorogé jusqu'à la fin des six mois. Au-delà, si la vente n'a pas été réalisée, le locataire est tenu de rendre les clefs.
    Attention le droit de préemption du locataire n'existe que si c'est la première vente du logement occupé depuis sa mise en copropriété ; ou alors, s'il s'agit de la vente en bloc d'un immeuble, de plus de 10 logements, le locataire bénéficie dans ce cas du droit, sauf si l'acquéreur s'engage à poursuivre la location pendant six ans à compter de l'acte notarié de vente ; ou enfin en cas de congé pour vente, comme précédemment expliqué.
    Retrouvez d'autres articles concernant ces thèmes sur Maison à part :
    Louer vide ou meublé, un choix décisif pour le propriétaire
    Mon propriétaire vend, quels sont mes droits ?
    Acheter un logement occupé, une bonne affaire ?
    Focus : Le congé pour vente et le droit de préemption du locataire

    Baromètre de la vente occupée en France (Avril 2009/Conseil supérieur du Notariat/Ad Valorem)

    conjoncture - illustration
    conjoncture - illustration © MAP
    En Avril 2009, le Conseil Supérieur du Notariat et Ad Valorem, publiait conjointement une étude sur la vente de logements occupés. Selon cette dernière sur ce marché, "la décroissance se poursuit".
    En 2008, le nombre de ventes de logements occupés a continué à diminuer, selon l'étude Ad Valorem/Conseil Supérieur du Notariat publiée en avril 2009. "6,7% des appartements vendus en province au cours de l'année 2008 étaient occupés par un locataire, contre 7,4% en 2007" note-t-elle. Une diminution continue depuis 2005, s'accompagnant "d'une détente depuis quelques années en termes de prix, après une période de forte hausse". L'étude explique ainsi que plus de 74% des transactions effectuées, le sont par des particuliers et que ce type de vente a connu l'embellie "lorsque les prix et la demande étaient au plus fort, puis a commencé à décroître lorsque l'offre est devenue plus abondante et les acquéreurs plus exigeants". Le désengagement des institutionnels et des marchands de bien (17,6% des transactions) explique également ce phénomène pour les auteurs de l'étude, "confrontés depuis 2006, à une réglementation plus protectrice des droits des locataires" (loi Aurillac).

    Les grandes métropoles régionales attirent l'investissement locatif

    Côté emplacement, l'analyse montre que les grandes métropoles continuent d'attirer les investisseurs, notamment Toulouse, Bordeaux, Montpellier, Strasbourg, Nantes, Rennes ou encore Lyon, des villes aux pôles universitaires importants.
    L'écart de prix entre vente libre et occupé se réduit
    Sur les prix enfin, les auteurs notent que "le marché de la vente occupé connaît des niveaux inférieurs à celui de la vente libre d'occupation." Mais l'écart se réduit ! En province, elle atteindrait les 14,4% en 2008, contre 17,7% en 2007. Au quatrième trimestre, elle ne serait même plus que de 11,1% ! En Ile de France, cette décote serait passée de 8% à 5,9%. Une réduction de décote à nuancer pour les analystes, car "les propriétaires institutionnels et les marchands de bien, à l'origine d'environ 18% des ventes occupés, ont en effet augmenté les décotes tout au long de l'année 2008 en raison de la crise." Ad Valorem fait ainsi le constat de l'augmentation des décotes sur les opérations de vente par lot d'immeubles : de 7,5% en 2007, elles sont passées à 12,3% en 2008, "avec une nette accélération depuis le troisième trimestre."
    Baromètre de la vente occupée en France (Avril 2009/Conseil supérieur du Notariat/Ad Valorem)
    Articles qui devraient vous intéresser
     
    Recevez gratuitement
    La newsletter Maison à Part
    L'e-magazine de l'habitat sous tous les angles
    Vous pouvez vous désabonner en un clic