Compte séparé : les copropriétés dénoncent les abus des syndics

    Publié le 16 décembre 2013 par Rouba Naaman-Beauvais
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    immeubles © V.B / MAP
    Selon l'ARC, de nombreux copropriétaires, ayant opté pour un compte séparé, seraient en réalité abusés par les syndics et les banquiers. Devant la difficulté pour les copropriétés de vérifier qu'un compte séparé a bien été ouvert en leur nom, l'association réclame le droit pour chacune de pouvoir choisir sa banque.
    C'est un petit scandale que compte faire éclater l'Association des responsables de copropriétés (ARC). L'organisme a récupéré, auprès de ses adhérents, diverses preuves d'abus des syndics de copropriété, concernant l'ouverture et la gestion d'un compte séparé. Absence de libellé sur les justificatifs de la banque, papiers sans valeur légale, voire faux documents, l'enquête révèle des dysfonctionnements majeurs dans de nombreuses copropriétés.

    Le compte séparé, une obligation rarement appliquée

    Pour rappel, l'article 77 de la loi SRU (votée en 2000) impose la création d'un compte séparé pour gérer les fonds d'une copropriété. Cependant, lors de l'assemblée générale annuelle, le syndicat des copropriétaires peut voter une dérogation (à la majorité absolue, dite de l'article 25), ce qui autorise le syndic à gérer les fonds propres de la copropriété sur un compte libellé à son nom.
    Les fonds des différentes copropriétés gérées par ce syndic atterrissent ainsi sur le même compte bancaire. Pour éviter les confusions, sont généralement créés des comptes individualisés pour faciliter la gestion des fonds à l'intérieur de ce compte unique.

    Difficile de vérifier l'ouverture d'un compte séparé

    En pratique, le compte séparé n'est pas la norme, bien qu'il soit la loi. Et, selon Emile Hagège, juriste qui a dirigé l'enquête au sein de l'ARC, même lorsque la dérogation n'est pas votée, il est difficile de vérifier qu'un compte séparé a bien été ouvert au nom de la copropriété. C'est justement ce qu'ont révélé de nombreux témoignages de copropriétés adhérentes à l'ARC.

    Quelques exemples d'abus

    Lors de l'ouverture d'un compte séparé, la banque doit fournir une convention d'ouverture. "Il a été extrêmement difficile, voire impossible, pour certaines copropriétés, de récupérer ce document, aussi bien auprès du syndic que de la banque", nous explique Emile Hagège.
    Les établissements bancaires ont régulièrement fait valoir le secret professionnel, arguant que le client n'était pas le syndicat de copropriétaires, mais le syndic. "Or c'est faux, dans le cas d'un vrai compte séparé" ajoute Emile Hagège.

    De nombreux documents sans valeur...

    L'ARC a également recueilli de nombreux documents sans valeur légale, comme des conventions d'ouverture rédigées à la main et sans tampon de la banque, des attestations d'ouverture de compte séparé ou des attestations de non-fusion des comptes, "qui n'ont aucune valeur officielle, car seule la convention dûment remplie est opposable" précise Emile Hagège, des conventions n'indiquant ni le numéro de compte ni le libellé, etc.
    Certains banquiers sont même allés jusqu'à rédiger un courrier à l'attention du conseil syndical, attestant d'une "gestion séparée" du compte bancaire - une notion différente de celle de compte séparée, et que la banque ne peut en aucun cas garantir. D'autres ont ouvert des comptes joints - qui ne sont donc pas des comptes séparés au nom de la seule copropriété - mais omettent de préciser ce point aux copropriétaires...

    ...des éléments cachés...

    Les subterfuges seraient donc légion pour faire croire aux copropriétaires qu'un compte classique est un compte séparé. Par exemple, le libellé du compte pouvant être différent du nom du titulaire du compte, même lorsque le libellé est celui de la copropriété, il est impossible de vérifier qu'il s'agit bien d'un compte séparé de celui du syndic.
    "Cette fois-ci, on a bien failli se faire avoir" admet Emile Hagège. Malgré l'existence d'une convention d'ouverture, prouvant effectivement l'existante d'un compte séparé, les copropriétaires ont découvert... qu'une procuration spécifique avait été signée par le syndic, pour rattaché ce compte séparé au compte principal au nom du syndic !

    ... et des documents faux !

    Enfin, l'ARC évoque le cas d'une banque qui a fourni au syndicat de copropriétaires un document sans logo, donc sans valeur légale. Confronté, le directeur financier soutient que l'établissement bancaire produit régulièrement ce genre de conventions... "ce qui n'est pas vrai, puisque nous nous sommes procurés de vraies conventions d'ouverture provenant de cette banque, qui ne ressemblent pas du tout au faux document fourni" explique Emile Hagège.

    Les copropriétés veulent choisir leur banquier

    Autant de raisons pour lesquelles l'ARC demande aujourd'hui à ce que soit intégrer dans la loi, la possibilité pour les copropriétés de choisir la banque auprès de laquelle sera ouvert le compte séparé. "Nous avons compris que, si c'est le syndic qui choisit le banquier, il n'y a quasiment aucune assurance qu'il s'agit bien d'un compte séparé" soutient Bruno Dhont, directeur de l'ARC.
    Mais l'association ne se voile pas la face : "nous sommes bien conscients que, si toutes les copropriétés optent pour le même banquier, c'est plus simple pour le gestionnaire de biens" ajoute Bruno Dhont. Dans ce cas, l'ARC propose que cet établissement bancaire ait été mis en concurrence, "afin de limiter l'opacité pour les syndicats de copropriétaires et d'éviter le monopole de deux ou trois banques".
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