Habiter sur l'eau, de l'utopie à la réalité...

    Publié le 18 juillet 2017 par G.N.
    Quitte à créer des îles artificielles pour y vivre, autant choisir un environnement paradisiaque. Le Seasteading Institute, qui promeut la colonisation des océans, s'est rapproché d'un archipel francophone, célèbre dans le monde entier pour la beauté de ses lagons. Mais en quoi consiste exactement ce projet ? Eléments de réponse.
    Alors que le Seasteading Institute semblait intéressé par les eaux situées au large de la Californie ou de l'Australie pour implanter ses utopiques villes flottantes, c'est finalement en Polynésie française que le projet libertarien pourrait finalement voir le jour. Les autorités locales, qui jouissent d'une grande autonomie, ont en effet signé un protocole d'accord avec l'institut qui promeut "le développement de l'humanité sur les océans". Ce dernier a été fondé en 2008 dans la Silicon Valley et porte l'ambition de mettre au point des technologies permettant à des communautés de s'établir sur des îles artificielles pour y vivre, y travailler et y mener des travaux scientifiques.
    Mais que contient vraiment le projet polynésien ? Selon un document du Seasteading Institute, il s'agira de "construire des plateformes flottantes écologiques dans un lagon (...) qui pourraient offrir une réponse aux défis liés à la montée des eaux et au développement durable". Ces îles artificielles constitueraient des bases rassemblant habitations, bureaux et infrastructures, où seraient explorées "de nouvelles manières de vivre ensemble" et des innovations dans les technologies digitales ou marines "en créant un pôle d'attractivité bénéficiant d'un cadre unique". Car l'archipel du Pacifique sud rassemble en effet toutes les conditions requises : climat idéal, eaux protégées et peu profondes dans certains lagons, activité cyclonique et de tsunamis limitée, infrastructures locales de qualité avec liaisons aérienne et maritime fréquentes et directes... Autre avantage pointé par l'institut californien : une "grande stabilité institutionnelle et un état de droit moderne". Des remarques cocasses lorsque l'on sait que l'idéal libertarien consiste justement à se libérer des institutions classiques en s'établissant loin des côtes, dans les eaux internationales !

    Beaucoup de promesses mais pour quel impact réel ?

    Autre question : le coût. Les porteurs du projet l'assurent, le gouvernement polynésien ne financera ni les études, ni la réalisation, et les contribuables ne verseront rien. "Il n'y aura pas non plus de défiscalisation locale", malgré un investissement de 30 à 50 M¤ pour la seule phase pilote. Mais un peu plus loin, les promoteurs déclarent : "Le projet d'île flottante va améliorer le cadre traditionnel des zones économiques spéciales avec des dispositions spécifiquement conçues pour attirer les investisseurs en Polynésie française. Les zones franches existent déjà un peu partout ailleurs et, pour attirer des investissements significatifs et des partenaires innovants dans un marché francophone assez restreint et éloigné, il nous faut innover, y compris sur le cadre législatif et les procédures administratives". L'institut semble donc réclamer quelques arrangements avec les autorités.
    Sur l'aspect et le contenu final des constructions, il se montre plus évasif : "Les spécifications exactes de chaque plateforme dépendront des études environnementales et du site choisi. Nos architectes ont pour tâche de concevoir des îles adaptées qui puissent répondre aux conditions climatiques locales, à nos exigences écologiques, aux besoins de leurs occupants, et se fondre dans le paysage polynésien". L'impact sera négligeable, assurent les promoteurs, qui s'engagent à utiliser des énergies renouvelables. Mieux, ils espèrent que l'implantation des îles pourrait même "selon certaines études préliminaires, conduire à une amélioration de l'écosystème", mais "sous certaines conditions". Miracle écologique et économique, on se demande encore pourquoi ces îles ne sont pas encore bâties !...
    Découvrez en images les premières impressions d'artiste dans les pages suivantes...
    Habiter sur l'eau, de l'utopie à la réalité...

    L'avenir de l'homme est-il sur l'eau ?

    L'avenir de l'homme est-il sur l'eau ? - Artisanopolis
    L'avenir de l'homme est-il sur l'eau ? - Artisanopolis © G. Scheare, L. & L. Crowley, P. White
    La colonisation des espaces océaniques n'en finit pas de stimuler l'ingéniosité humaine : le Seasteading Institute, soutenu par le milliardaire Peter Thiel, cherche à développer de véritables villes flottantes à partir de modules préfabriqués. Ces cités lacustres ne se contenteraient pas d'être côtières mais pourraient être installées au large, dans les eaux internationales, afin de devenir de véritables sociétés utopiques miniatures. Découverte.
    L'urbanisation galopante sur les littoraux et le manque d'espace qui en résulte donnent des idées à ceux qui deviendront - peut-être - des visionnaires. Outre Jacques Rougerie, architecte français spécialiste de la colonisation des océans, d'autres ingénieurs se penchent sur la question depuis des années. En 2008, Patri Friedman, petit-fils d'un prix Nobel d'économie, lance le "Seasteading Institute" qui se destine à bâtir des villes marines. Diplômé de Stanford et cadre chez Google, il n'a rien d'un doux rêveur mais il est au contraire un homme d'affaires averti qui obtient le soutien financier du milliardaire Peter Thiel, co-fondateur de PayPal. Ensemble, ils souhaitent larguer les amarres et se libérer de toutes les contraintes en développant des communautés "libertariennes" autogérées, dans les eaux internationales situées à 370 km des côtes.
    Et leur projet, bénéficiant de fonds importants, s'appuie sur divers travaux d'ingénierie, d'économie, d'écologie et même de droit international. Les premières expérimentations devront, toutefois, se faire avec l'accord d'un pays hôte, afin que l'assemblage des modules se fasse à l'abri d'une baie et non en pleine mer. Selon les documents rendus publics, les zones les plus propices, en termes de courants, de hauteur de vague, de température moyenne ou de sécurité, se situeraient au large de la Californie, au sud-est du Japon, en face de Sydney (Australie), en mer Baltique ou au nord du Portugal.
    L'avenir de l'homme est-il sur l'eau ?

    Un coût au m² comparable à celui de Londres

    Un coût au m² comparable à celui de Londres - Artisanopolis
    Un coût au m² comparable à celui de Londres - Artisanopolis © G. Scheare, L. & L. Crowley, P. White
    D'après le Seasteading Institute, la première ville flottante jouissant d'une certaine autonomie politique pourrait être inaugurée en 2020. Les études menées par le cabinet d'ingénierie DeltaSync démontrent la faisabilité d'une cité composée de carrés et pentagones flottants de 50 mètres de côté. Ces deux formes autoriseraient de multiples combinaisons similaires à des organismes marins coloniaux tels les coraux et constitueraient le meilleur compromis entre stabilité, maniabilité, utilisation des ressources et coût. Les structures flottantes en caissons de béton étanches pourraient supporter des superstructures de trois étages de haut. Il a été calculé que le prix unitaire d'un bloc carré avoisinerait les 13 millions d'euros : un montant finalement pas exorbitant puisqu'il amène le mètre carré habitable à environ 4.675 €, soit un tarif équivalent à celui d'une capitale comme Londres, bien inférieur au coût du mètre carré parisien.
    Un coût au m² comparable à celui de Londres

    Panneaux solaires et serres hydroponiques

    Panneaux solaires et serres hydroponiques - Artisanopolis
    Panneaux solaires et serres hydroponiques - Artisanopolis © G. Scheare, L. & L. Crowley, P. White
    La première ville, devrait, selon le cabinet DeltaSync, se composer de onze modules différents pour pouvoir accueillir 225 à 300 résidents à plein temps, plus une capacité hôtelière de 50 lits. L'investissement à consentir sera donc élevé, avec 144 M€ nécessaires à cette phase pilote. Mais les promoteurs espèrent que l'adoption d'un mode de vie libertaire, non soumis à des régulations pesantes, séduira suffisamment de (riches) investisseurs. Du côté de l'énergie, des panneaux solaires associés à un système de stockage par batterie seront embarqués, ainsi que des turbines exploitant la force des courants. Des espaces verts couvriront 20 % de l'ensemble et des modules de culture hydroponique ("hors sol") sous serre apporteront une partie des vivres nécessaire à la communauté, tandis que l'eau de mer sera désalinisée pour la rendre potable. Il est également prévu qu'une gigantesque digue flottante puisse venir protéger la ville des assauts d'une mer déchaînée. Elle s'enroulerait autour, ne laissant qu'un étroit chenal pour les bateaux. Chaque module pourra échanger de place avec n'importe quel autre par le biais de remorqueurs et s'interfacera avec ses voisins afin de constituer une plateforme cohérente et stable.
    Panneaux solaires et serres hydroponiques

    Utopie florissante ou future Atlantide ?

    Utopie florissante ou future Atlantide ? - Artisanopolis
    Utopie florissante ou future Atlantide ? - Artisanopolis © G. Scheare, L. & L. Crowley, P. White
    La vie sera-t-elle vraiment idyllique sur ces îlots artificiels ? Seul l'avenir dira si cette utopie libertarienne ne se transformera pas en funeste Atlantide engloutie...
    Utopie florissante ou future Atlantide ?

    Pentagone flottant - Habiter sur l'eau, de l'utopie à la réalité...

    Pentagone flottant - Artisanopolis
    Pentagone flottant - Artisanopolis © G. Scheare, L. & L. Crowley, P. White
    Un des éléments de base de la cité lacustre, le pentagone de 50 mètres de côté, construit sur trois étages. De quoi loger plusieurs dizaines de résidents dans des conditions de confort équivalentes aux meilleures stations balnéaires.
    Pentagone flottant - Habiter sur l'eau, de l'utopie à la réalité...

    Centre ville - Habiter sur l'eau, de l'utopie à la réalité...

    Centre ville - Artisanopolis
    Centre ville - Artisanopolis © G. Scheare, L. & L. Crowley, P. White
    Le centre de la colonie est symbolisé par cette structure en forme d'étoile de mer munie de cinq bras (et non de poulpe à huit tentacules...). Elle est en fait composée de six modules basiques (un pentagone central sur les faces duquel sont attachés des carrés). L'ensemble définit un agora abrité où peut se dérouler la démocratie directe revendiquée par les porteurs du projet.
    Centre ville - Habiter sur l'eau, de l'utopie à la réalité...

    Résidence de vacances ?

    Résidence de vacances ? - Artisanopolis
    Résidence de vacances ? - Artisanopolis © G. Scheare, L. & L. Crowley, P. White
    Les schémas proposés évoquent des résidences de vacances ordinaires, bardées de capteurs photovoltaïques.
    Résidence de vacances ?

    Brise lames - Habiter sur l'eau, de l'utopie à la réalité...

    Brise lames - Artisanopolis
    Brise lames - Artisanopolis © G. Scheare, L. & L. Crowley, P. White
    Un vaste système de brise-lames doit entourer la cité lacustre afin de la protéger des assauts de l'océan. Cette structure amovible pourra l'accompagner dans ses déplacements à travers les mers du globe. Une solution plus compliquée toutefois que le Freedom Ship, sorte de méga-paquebot, qui se déplace par ses propres moyens et qui offre moins de résistance hydrodynamique.
    Brise lames - Habiter sur l'eau, de l'utopie à la réalité...

    Le paradis terrestre est-il sur la mer ?

    Le paradis terrestre est-il sur la mer ? - Artisanopolis
    Le paradis terrestre est-il sur la mer ? - Artisanopolis © G. Scheare, L. & L. Crowley, P. White
    Les urbanistes de Port Camargue seraient fiers de voir que leur style revient à la mode...
    Le paradis terrestre est-il sur la mer ?

    Espaces verts - Habiter sur l'eau, de l'utopie à la réalité...

    Espaces verts - Artisanopolis
    Espaces verts - Artisanopolis © G. Scheare, L. & L. Crowley, P. White
    Un cinquième des espaces ne sera pas construit, laissant des places et des jardins pour les heureux résidents de la ville flottante.
    Espaces verts - Habiter sur l'eau, de l'utopie à la réalité...
    Articles qui devraient vous intéresser
     
    Recevez gratuitement
    La newsletter Maison à Part
    L'e-magazine de l'habitat sous tous les angles
    Vous pouvez vous désabonner en un clic