Château de Versailles : restauration au sommet pour la chapelle

    Publié le 1 juillet 2019 par Corentin Patrigeon
    La chapelle royale du château de Versailles fait l'objet d'un vaste chantier de restauration, le deuxième de ce type depuis la livraison de l'édifice en 1710. Charpentes, sculptures, vitraux... le savoir-faire des compagnons s'illustre magistralement dans cet écrin historique et architectural. Visite.
    "Ces projets de restauration permettent non seulement la transmission des savoirs, mais aussi la transformation d'un patrimoine ancien en un patrimoine vivant." Ainsi Pierre-André de Chalendar, président-directeur général de Saint-Gobain, a-t-il résumé le chantier de restauration de la chapelle royale du château de Versailles, lors d'une visite presse organisée le 18 juin 2019, et dont l'ancienne Manufacture des glaces est l'une des mécènes.
    L'édifice, jouxtant le palais et construit par la volonté de Louis XIV, fait en effet l'objet de colossaux travaux de rénovation à tous ses niveaux : charpentes, sculptures, vitraux... Autant dire que les différents corps de métiers intervenant sur le site peuvent faire valoir leur savoir-faire : 8 maîtres couvreurs, 8 maîtres charpentiers, 10 à 20 tailleurs de pierres, 8 sculpteurs, 4 maîtres verriers, 4 vitriers, 4 doreurs et 6 serruriers s'affairent autour du bâtiment. Le chantier, débuté en mars 2018 et qui doit s'achever fin 2020, permettra donc à la chapelle de rayonner de nouveau.
    Découvrez ce chantier exceptionnel en images.
    Château de Versailles : restauration au sommet pour la chapelle

    Une seconde restauration pour un monument hors normes

    Chapelle royale du château de Versailles
    Chapelle royale du château de Versailles © CP pour Batiactu
    La chapelle royale du château de Versailles est le dernier grand chantier lancé par le Roi Soleil. Débutés en 1699, les travaux se sont achevés en 1710, soit 5 ans avant la mort du monarque.
    A l'heure actuelle, les visiteurs du château peuvent encore admirer l'édifice tel que Louis XIV et sa cour le voyaient : en effet, tout le bâtiment est d'origine. Malgré des efforts financiers moindres - la France entrait alors dans la guerre de la Ligue d'Augsbourg -, la royauté y a tout de même consacré un budget de 2,5 millions de livres, dont environ 1 million dédié aux décors peints et sculptés. La chapelle affiche une hauteur de 40 mètres pour une longueur de 42 mètres, et une largeur de 24 mètres.
    Déjà restauré de 1875 à 1878, donc dans une période difficile et douloureuse - le Second Empire de Napoléon III venait de chuter après la défaite de Sedan en 1870, et la fragile IIIe République commençait tout juste sa longue existence -, l'édifice compte 5.200 m2 de façades, 28 statues, 12 gargouilles, 68 chapiteaux de pilastres, 17 têtes de chérubins et 46 baies. Des prodiges architecturaux que la jeune République a voulu conserver : les assemblées parlementaires ont siégé un temps au château de Versailles après la promulgation du nouveau régime, dans un contexte financier très délicat puisque la France devait alors verser d'énormes indemnités de guerre à l'Empire germanique.
    Aujourd'hui, c'est donc la seconde restauration dont fait l'objet la chapelle royale.
    Une seconde restauration pour un monument hors normes

    Un travail d'orfèvre pour un écrin doré

    Restauration bas reliefs chapelle royale
    Restauration bas reliefs chapelle royale © Château de Versailles
    Une étude préalable réalisée par une équipe pluridisciplinaire dirigée par l'architecte-en-chef des monuments historiques Frédéric Didier, a permis d'étudier en détail la pathologie du monument, et il en est ressorti que de graves désordres structurels nécessitaient une intervention rapide. Des problèmes de stabilité et de fissures localisés au niveau de la charpente, le renouvellement intégral des ardoises du toit, la corrosion des armatures des vitraux ou encore l'inexorable dégradation du temps sur la statuaire ont ainsi été mis en lumière.
    Deux phases de travaux ont alors été délimitées : dans un premier temps, soit d'août 2017 à juin 2019, les équipes de compagnons se sont attelées au montage des 400 tonnes d'échafaudage et du parapluie, avant de déposer les éléments existants puis de restaurer et de consolider la charpente. Par la suite, les groupes sculptés et plombs de toiture ont été restaurés en atelier, avant que les parties hautes de la façade, en pierres de taille, ne soient à leur tour rénovées. Les bas-reliefs en couronnement des grandes fenêtres ont ensuite été restaurés, avant de céder leur place aux baies et vitraux. Commencée en juin 2019, la réfection de la couverture doit durer jusqu'à fin avril 2020, puis les équipes se chargeront de la dorure des ornements en plomb de la toiture de fin 2019 à début 2020. Le budget de la première phase se chiffre à 11 millions d'euros.
    La seconde phase du chantier concentrera les travaux de restauration additionnels et se décomposera en trois tranches localisées sur la partie basse de la chapelle, les décors sculptés et les vitraux. C'est une enveloppe de 5 millions d'euros qui sera débloquée pour cette phase-ci. Au total, quelques 3.000 m2 de façades auront été traités.
    Un travail d'orfèvre pour un écrin doré

    15 types de pierres différents

    Contraintes chantier chapelle royale
    Contraintes chantier chapelle royale © CP pour Batiactu
    On l'aura compris, un chantier de cette taille et de cette symbolique implique de nombreuses contraintes d'ordre à la fois technique et stylistique. Quelques exemples : pour les dorures, les compagnons posent des feuilles d'or, dont le matériau vient d'Italie ou d'Allemagne - il n'y a plus d'entreprise française spécialisée dans ces produits. Idem pour les ardoises (qui composent les 125 m2 de toiture), qui proviennent d'Espagne.
    Concernant les types de pierres utilisés, on en dénombre 15 différents : "Le génie de Jules Hardouin-Mansart [l'architecte de la chapelle royale de Versailles, ndlr] se retrouve dans l'utilisation raisonnée de la pierre, notamment pour l'exploitation des carrières", explique Frédéric Didier. "6 à 7 types de pierres étaient utilisés au début de la construction, les autres se sont rajoutés lors des phases de restauration. Les pierres sont toutes des calcaires plus ou moins durs selon les soubassements et les assises." Fait notable : les pierres ne sont pas maçonnées mais entaillées de manière à laisser passer et respirer le bois.
    15 types de pierres différents

    La charpente, achevée en 1705, est toujours en place

    Charpente chapelle royale
    Charpente chapelle royale © CP pour Batiactu
    De l'aveu-même de l'architecte-en-chef des monuments historiques, l'état de conservation de la charpente est exceptionnel. Achevée en 1705, celle-ci bénéficie aujourd'hui d'une restauration étalée en 3 ans et recourant aux savoir-faire traditionnels : les bois sont assemblés avec des chevilles, et des ponts-roulants permettent de transborder les pièces. Composée de 1.015 m2 de chêne, la "forêt" nécessite le changement de 18 m3 de pièces de bois.
    La charpente, achevée en 1705, est toujours en place

    Des sculptures façonnées avec un "souci de la perfection"

    Sculptures chapelle royale
    Sculptures chapelle royale © CP pour Batiactu
    Autre élément majeur du chantier de restauration de la chapelle royale de Versailles : les sculptures. "Il y a une extraordinaire conservation des sculptures, notamment celles des guirlandes de fleurs, qui sont même en meilleur état que les façades du château", poursuit Frédéric Didier. "C'est le paradoxe : les parties basses sont en fait plus abîmées que les parties hautes." Et l'architecte-en-chef des monuments historiques de souligner la dextérité et le talent des tailleurs de pierre de l'époque : "Les sculptures ont été façonnées sur place avec un souci de la perfection, alors qu'elles sont à plus d'une trentaine de mètres de hauteur, et que personne ne risquait de voir d'éventuels défauts à cet endroit ! C'est l'excellence-même."
    Le tandem pierre/chaux, utilisé à l'époque du Roi Soleil, assurait une bonne résistance aux intempéries et aux ravages du temps. De plus, chaque statue a été numérisée en un modèle 3D au micron près pour rendre possible une réparation rigoureuse au cas où des dommages seraient constatés. Pour autant, "la dégradation des pierres est due aux conditions météorologiques, aux dégâts du temps et aux fientes de pigeons, et nous avons détecté la présence de sulfate".
    Des sculptures façonnées avec un "souci de la perfection"

    Un mois de travail sur chaque vitrail

    Pose_des_vitraux
    Pose_des_vitraux © CP pour Batiactu
    Symboles-même des lieux de culte, les 1.794 panneaux de vitraux profitent eux aussi d'une cure de jouvence. Un mois de travail est nécessaire pour chaque vitrail, entre la dépose, la restauration en atelier et la repose de l'élément. Les maîtres-verriers font montre d'un véritable "travail de fourmi", en examinant à la loupe chaque vitrail. Mais là encore, l'état de conservation des éléments a interpellé les équipes du chantier, qui estiment la chose unique dans l'histoire des monuments historiques. "Ces oeuvres qui sont là depuis trois siècles sont en relatif bon état", insiste Frédéric Didier.
    Un mois de travail sur chaque vitrail

    Restauration de la chapelle du château de Versailles

    Sculpture L couronné
    Sculpture L couronné © CP pour Batiactu
    Fiche technique
    Maître d'ouvrage : Etablissement public du château, du musée et du domaine national de Versailles / Direction du patrimoine et des jardins
    Maître d'oeuvre : Frédéric Didier ACMH - 2BDM Architectes
    BET Technique : Coseba
    Ordonnancement, pilotage, coordination : Direct & Org-Go
    Coordonnateur SPS : Acor Etudes
    Bureau de contrôle : Apave
    Echafaudages : Layher
    Maçonnerie - pierre de taille : H. Chevalier
    Sculpture / Restauration de sculptures en pierre : Groupement Tollis & Art Graphique et Patrimoine
    Restauration de sculptures en plomb : Socra
    Charpente : Aubert Labansat
    Couverture - Ornements métalliques - Ligne de vie - Paratonnerre : SAS Le Bras Frères
    Vitraux : Vitrail France
    Menuiserie - Serrurerie : Ateliers Saint-Jacques
    Peinture - Dorure : Atelier Gohard
    Electricité : Spie
    Désamiantage - Déplombage : Amiante Services
    Restauration de la chapelle du château de Versailles

    Le mot de Jacques-François Blondel

    Vue_interieure_de_la_Chapelle_royale
    Vue_interieure_de_la_Chapelle_royale © Château de Versailles
    "La beauté, l'ordonnance, la richesse des matières, l'excellence de la sculpture et de la peinture, l'éclat de la dorure, rien n'y est épargné : [...] l'intention qu'on a eue de faire de cet édifice, quoique renfermé dans un assez petit espace, un chef-d'oeuvre dans tous les genres, et la perfection des parties de détail qu'on y remarque, sont autant de motifs qui doivent faire passer par-dessus la prodigalité de la peinture et de la sculpture. Cet édifice est digne surtout de servir de modèle à nos artistes, soit par [sa] construction admirable, [...] soit par la régularité de la plus grande partie de sa décoration, soit enfin par la pureté de l'architecture qui y préside, la correction des profils et le choix des formes, ou en la considérant par la beauté de la sculpture et de la peinture, qui s'y font admirer."
    Texte issu de L'architecture française (1756) de Jacques-François Blondel (1705-1774)
    Le mot de Jacques-François Blondel
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