Quand le château de Versailles faisait rêver les architectes

    Mis à jour le 11 mars 2019
    Date de publication et auteurs
    Publié le 20 février 2019 par Corentin Patrigeon
    Dans le cadre de la Biennale d'architecture qui se tiendra à Versailles en 2019, le château réaménagé par Louis XIV accueille une exposition intitulée "Versailles. Architectures rêvées 1660-1815", du 3 mai au 3 août prochain. Est ainsi présentée la variété des projets architecturaux qui auraient pu façonner un autre visage de ce lieu de pouvoir symbolique.
    "On ne fait jamais rien d'extraordinaire, de grand et de beau, qu'en y pensant plus souvent et mieux que les autres." Cette phrase de Louis XIV, issue de ses Mémoires, pourrait bien se transposer à l'histoire du pavillon de chasse qu'il a transformé en lieu de pouvoir, symbole de la toute-puissance française : le château de Versailles, à travers sa longue histoire, n'a cessé d'être un "chantier permanent". De l'installation du Roi-Soleil dans ses murs à sa conversion définitive en musée sous le règne de Louis-Philippe, nombreux furent les projets architecturaux visant à conférer une nouvelle esthétique et une majesté réaffirmée au palais. C'est l'objet de l'exposition intitulée "Versailles. Architectures rêvées 1660-1815", qui prend ses quartiers du 3 mai au 3 août 2019, dans la galerie de pierre haute de l'aile nord du château.
    S'inscrivant dans le cadre de la Biennale d'architecture et de paysage de la région Ile-de-France, qui prend place à Versailles du 3 mai au 13 juillet 2019, ce rendez-vous se veut avant tout historique : "Le but de cette exposition est de montrer ce que Versailles aurait pu être si d'autres décisions avaient été prises", explique la commissaire de l'évènement, Elisabeth Maisonnier, également conservateur au château. "L'originalité de l'exposition tient au fait qu'elle est présentée dans la galerie de pierre haute, dans l'aile nord, qui est un lieu à la fois linéaire et minéral, et qui s'harmonise avec l'architecture."
    Les organisateurs ont opéré une sélection de 120 dessins, uniquement des documents papiers, sous forme de fac-similés, provenant soit des collections versaillaises, soit d'autres institutions : Archives nationales, Bibliothèque nationale de France, Institut de France... Quelques tableaux et un dispositif multimédia complèteront la visite, qui s'intègrera dans le parcours classique du château, après la section consacrée à l'histoire de sa construction.
    Découvrez à quoi aurait pu ressembler le château de Versailles dans les pages suivantes.
    Quand le château de Versailles faisait rêver les architectes

    Une exposition en six parties

    Versailles par Jean-François Heurtier
    Versailles par Jean-François Heurtier © Jean-François Heurtier
    L'exposition se composera de six parties : le règne de Louis XIV, les travaux de réflexion autour de deux lieux spécifiques (le théâtre et la chapelle), l'architecture des jardins (en se focalisant sur les bâtiments du parc), les projets de Ange-Jacques Gabriel (Premier architecte de Louis XV), et les plans dessinés sous l'Empire. "Il n'y a eu aucune rupture architecturale pendant les différentes périodes historiques", note Elisabeth Maisonnier. "Certains des projets présentés n'étaient pas loin d'aboutir. Mais l'enjeu est de ne pas faire une exposition sur la construction du château. Nous voulons montrer le moins possible l'état réel du palais, pour éviter la confusion entre l'état réel et l'état projeté, et faciliter l'entrée du public dans les dessins."
    Une exposition en six parties

    Colbert lança un appel à projets en 1669

    Versailles par Pierre Adrien Pâris
    Versailles par Pierre Adrien Pâris © Pierre Adrien Pâris
    "Contrairement à ce que beaucoup de gens pourraient penser, Versailles ne s'est pas construit avec une idée directrice. Au contraire, cela s'est fait par tâtonnements, ordres et contre-ordres, particulièrement sous le règne de Louis XIV. Le goût du monarque changeait rapidement", précise la commissaire. Jean-Baptiste Colbert, un des plus fidèles ministres du Roi-Soleil, craignait une dérive des coûts pour le chantier de reconstruction du château. Celui qui fut contrôleur général des Finances du royaume et surintendant des Bâtiments du Roi lança ainsi, en 1669, un appel à projets pour centraliser toutes les réflexions architecturales, ayant pour objet la métamorphose de l'ancien pavillon de chasse de Louis XIII. Une initiative qui avait aussi pour objectif d'écarter l'architecte du roi, Louis Le Vau, avec lequel Colbert n'était pas en bons termes, et de trier les nombreuses influences auxquelles Louis XIV était soumis.
    Colbert lança un appel à projets en 1669

    "La question de la noblesse de la façade reste posée"

    Versailles par Marie-Joseph Peyre
    Versailles par Marie-Joseph Peyre © Marie-Joseph Peyre
    L'exposition débute en 1668, mais une problématique est mise en exergue tout au long de la visite : "C'est toujours la façade sur la ville qui va poser problème. La question de la noblesse de la façade reste posée, car quelque part elle ne correspond pas à un château royal ; elle manque de majesté. Louis XIV ne voulait sans doute pas trop modifier le pavillon de chasse de son père, mais peut-être aussi qu'il a croulé sous un trop grand nombre de projets. C'est pourquoi Versailles ne ressemble à aucun autre château ou monument historique. De plus, il faut toujours prendre en compte le contexte politique, économique et militaire de chaque époque." En 1682, la Cour s'installe à Versailles, ce qui institutionnalise encore plus ce lieu symbolique du pouvoir.
    "La question de la noblesse de la façade reste posée"

    Louis XVI était prêt à lancer des travaux, juste avant la Révolution

    Versailles par Dufour & Fontaine
    Versailles par Dufour & Fontaine © Pierre-François-Léonard Fontaine
    "Cette exposition est un véritable catalogue d'architecture. Les contributions proviennent aussi bien d'architectes célèbres que d'illustres inconnus. Mais d'une manière générale, les idées de bâtiments faisaient dans le spectaculaire, le grandiose", ajoute Elisabeth Maisonnier. L'évènement s'attarde particulièrement sur le "grand projet" de Ange-Jacques Gabriel, qui se soldera malheureusement par un "grand échec". "Il a proposé des plans extrêmement détaillés qui auraient grandement changé le château, en permettant une meilleure circulation et une harmonisation des façades, mais son rêve de reconstruction ne se réalisera pas."
    Par la suite, Louis XVI se dotera d'une sorte de ministre des Arts, dont le rôle et l'influence furent comparables à ceux de Colbert, en la personne de Charles Claude Flahaut de la Billarderie, comte d'Angiviller. En 1780, ce dernier proposera au monarque de sortir de l'impasse des projets de Gabriel et de lancer un nouveau concours d'architecture.
    Une partie des réponses à cet appel d'offres est exposée durant la visite, mais le "cahier des charges" de l'appel à idées lui-même n'a pu être retrouvé. "Ce que nous sommes en mesure d'affirmer, c'est que Louis XVI a hérité d'un château parfaitement hétéroclite, sans doute très laid, et donc plus du tout satisfaisant. Les réponses à ce concours sont globalement uniformes : il semblait difficile d'imaginer autre chose qu'une grande façade avançant sur la cour. Les contributeurs de ce second appel à idées étaient soit des architectes travaillant déjà au château, soit des architectes parisiens, réputés davantage pour leur utopie que pour leurs constructions." Au final, les réponses n'étaient pas vraiment réalistes mais s'inscrivaient plutôt dans l'illusion de ce que devait être un palais. Quoi qu'il en soit, Louis XVI était certainement prêt à lancer les travaux de modernisation de Versailles. Mais, l'Histoire étant ainsi faite, rien ne pourra voir le jour à cause de la crise économique des années 1780 et de la crise politique et sociale qui s'ensuivra, prélude à la Révolution.
    Louis XVI était prêt à lancer des travaux, juste avant la Révolution

    Fontaine, architecte de Napoléon, avait synthétisé les projets

    Versailles par Pierre Drahonet
    Versailles par Pierre Drahonet © Pierre Drahonet
    Sous l'Empire, le premier architecte de Napoléon Ier, Pierre-François-Léonard Fontaine, a compilé les projets, les archives et les mémoires de ses prédécesseurs. Le travail de synthèse, repensé pour l'Empereur, lui a ensuite été présenté, puis conservé dans le bureau de Fontaine. Or celui-ci sera mis à sac et brûlé lors de la révolution de 1848, anéantissant ainsi les sources dont les historiens pouvaient disposer. "Beaucoup de feuilles ont dû être exposées et sont restées au château. Et il est possible que d'autres feuilles soient encore présentes quelque part", souligne Elisabeth Maisonnier. Par la suite, Louis XVIII décida, avant de prendre ses quartiers à Versailles, de faire détruire le pavillon de la vieille aile pour en faire construire un nouveau, symétrique à l'aile Gabriel, renforçant encore plus l'ensemble hétéroclite du site. Puis les projets finirent par se tarir, puisque plus aucun gouvernement ne souhaita s'installer dans ce lieu emblématique de l'Histoire de France.
    Pour conclure la présentation de cette exposition "Versailles. Architectures rêvées 1660-1815", une citation de l'architecte Fontaine semble fort à propos, issue de son journal à la date du 30 juillet 1810 : "Examen des projets faits jusqu'ici, grands pourparlers, discussions, incertitudes, choses inutiles et pour tout résultat, rien."
    Fontaine, architecte de Napoléon, avait synthétisé les projets
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