Accessibilité : où en sommes-nous ?

    Publié le 8 novembre 2013 par Sébastien Chabas
    La loi Handicap de 2005 impose que les établissements recevant du public (ERP) ainsi que les services de transports collectifs soient rendus accessibles d'ici à 2015. Où en sommes-nous ? Quels sont les principaux freins à la réalisation des travaux sur le marché du neuf ou de la rénovation ? Eclairage avec la délégation ministérielle à l'accessibilité et des réactions d'architectes conseils.
    A l'heure actuelle, réglementations techniques obligent, les déambulations urbaines se transforment rapidement, pour les personnes à mobilité réduite, en parcours du combattant lorsque les infrastructures ne sont pas adaptées aux situations de handicap. L'accessibilité demeure donc plus que jamais une question primordiale. Elle a d'ailleurs été l'un des thèmes majeurs abordés lors du salon de la construction Batimat.
    Une bonne occasion de faire le point sur la situation. Alors que la loi Handicap de 2005 impose que les établissements recevant du public (ERP) ainsi que les services de transports collectifs soient rendus accessibles d'ici à 2015 : où en sommes-nous ? Quels sont les principaux freins à la réalisation des travaux sur le marché du neuf ou de la rénovation ? Autant de questions qui préoccupent architectes, urbanistes, agences conseils, collectivités, sans oublier l'Etat.
    "L'échéance de 2015, on ne l'a pas sortie du chapeau"
    "Tout est une question d'approche s'agissant de la question des freins à l'accessibilité et au respect des normes sur le marché de la rénovation et du neuf, commente Soraya Kompany, architecte-urbaniste, conseillère accessibilité au ministère des Affaires sociales et de la Santé. Si l'on continue de croire que l'accessibilité concerne uniquement les personnes handicapées en fauteuil roulant, le processus n'avancera jamais. Mais si on considère que l'accessibilité s'adresse à un plus grand nombre de personnes et qu'elle est un facilitateur de démarche qui apporte du confort d'usage pour tous, les comportements changeront et l'accessibilité deviendra une priorité dans les politiques publiques."
    "On conçoit pour des utilisateurs et non pas contre les architectes"
    Et de poursuivre : "L'échéance de 2015, on ne l'a pas sortie du chapeau. Son but principal était de fixer un objectif et un cap assortis d'une obligation de résultats. C'est une question de culture et de regard de la société d'une partie de la population. Et pour les freins ? L'objectif est clair : ne pas vouloir faire des bâtiments uniquement pour ceux qui répondent aux normes, mais prendre en compte, dans la mesure du possible, la situation de tout le monde ! Il s'agit de concevoir pour l'usage pour de tous, personnes jeunes, âgées, en situation de handicap... Qui dit handicap, cela comprend le voyageur portant une valise à la gare du Nord... Soyons clairs : on conçoit accessible pour les utilisateurs et non pas contre les architectes." D'après elle, la créativité de la conception peut être stimulée par la recherche de solutions pour la mise en accessibilité.

    "Pas en un coup de baguette magique"

    Par ailleurs, d'après la conseillère technique, la réalisation d'usages accessibles n'a rien de naturel. Or, si c'est une "révolution culturelle", la société ne peut pas changer en un coup de baguette magique. D'après nos sources proches du dossier, les gestionnaires d'ERP n'ont pas encore une bonne compréhension du dispositif même s'il y a souvent la volonté de faire. De plus, Soraya Kompany, souligne que "la limite financière est contraignante". "Lorsque ce sont des travaux légers, ajoute-t-elle , ils peuvent intervenir rapidement. Mais si le parc immobilier est trop important, il est nécessaire de programmer les travaux sur plusieurs années. Sur les 650.000 ERP en France, il est donc illusoire de penser que tout sera fait avant 2015, estime-t-elle.
    La suite de l'article en page suivante.
    Accessibilité : où en sommes-nous ?

    L'accessibilité, un sujet qui fait encore peur

    Artibat 2012 et accessibilité
    Artibat 2012 et accessibilité © S.C. Batiactu
    Autre question : les industriels présents, par exemple, sur le salon Batimat, sont-ils suffisamment sensibilisés pour répondre à ces problématiques ?
    Réponse ? Encore trop peu d'entreprises sont formées, reconnaît le ministère. "L'erreur d'un corps d'état sur un bâtiment peut suffire à ce que la mise en accessibilité ne soit pas efficiente, ajoute Soraya Kompany. Mais on voit bien que par exemple, la FFB et la Capeb se mobilisent sur le sujet forment leurs adhérents."
    Et d'ajouter sans détour : " Le problème ne vient pas des industriels. Il y a toute une chaîne très performante en France. En revanche, on voit bien que l'usage des produits accessibles ne sont pas généralisés afin de les trouver en libre service chez les distributeurs et magasins de bricolages..."
    Côté architecte, l'agence d'architecte experte en accessibilité, Handigo, reconnaît, par exemple, que les "derniers textes liés à l'accessibilité sont interprétés de travers par les professionnels car c'est un sujet qui fait peur ou fascine".
    Xavier Berthet, architecte et consultant associé chez Handigo, confie, quelques jours après la tenue des Rencontres-Inovaccess, à Grenoble, qu'"une majorité de praticiens de l'aménagement continuent d'appréhender l'accessibilité par la petite fenêtre du handicap."

    "Le diagnostic doit respecter les conditions d'usages"

    "La loi du 11 février 2005 pose le principe revendiqué de l'autonomie des personnes handicapées, rappelle Xavier Berthet. Satisfaire cet objectif implique de concevoir des lieux - et services - prenant en compte les besoins de chacun pour les intégrer dans une démarche de conception universelle. Cette réflexion, menée en amont de toute démarche constructive, évite d'exclure ou de mettre en place a posteriori des solutions correctrices souvent inadaptées et onéreuses."
    Et d'expliquer la problématique en profondeur : "L'important est de ne pas tomber dans l'économie et non plus dans l'exagération. J'ai, par exemple, revu un projet avec un maître d'ouvrage, une Mdph* car il avait calibré son budget d'opération sur les seuls points réglementaires. Toutefois, il n'a pas pris en compte la lumière... Cela demeure gênant lorsqu'on accueille des personnes malvoyantes, par exemple... Au final, on a pu rediscuter le programme pour réintégrer des solutions qui apporteront de la lumière naturelle dans le bâtiment. Le diagnostic doit respecter les conditions d'usages. C'est fondamental.
    Par ailleurs, de nombreuses normes issues de la loi 2005, comme la douche sans seuil, la terrasse de plain pied construisent le nouveau standard en terme de confort des constructions. La norme de l'offre évolue, la demande avec. Les réfractaires à l'accessibilité aujourd'hui sont les ringards de demain.
    "
    Alors où en sommes-nous ? Les ERP neufs ne peuvent ouvrir que s'ils sont conformes. Il en est de même en cas de rénovation nécessitant un dépôt de permis de construire. Ensuite, en ce qui concerne l'existant, tout dépend du volontarisme du propriétaire de l'ERP, signale la délégation ministérielle à l'accessibilité. "Mais on ressent une vraie dynamique de la part de la plupart des acteurs concernés. A ce sujet, il faut porter un coup de chapeau aux élus locaux. Il y a eu beaucoup de progrès depuis 2005, nous allons dans la bonne direction."
    *MDPH: Maison départementale des personnes handicapées.

    L'accessibilité en chiffres

    20,4 milliards d'euros TTC : coût de la mise en accessibilité (3,6 milliards pour les 20.000 ERP nationaux et 16,8 milliards pour les 313.000 ERP des collectivités locales)
    Moins de 20 % des travaux de mise en accessibilité des ERP publics sont réalisés (environ 10 % en 2010).
    68 % des ERP municipaux de 1re et 2e catégories ont fait ou font l'objet d'un diagnostic.
    17 : le nombre moyen d'obstacles par bâtiment (communes de plus de 3.000 habitants).
    Coût moyen de mise en accessibilité d'un ERP : 10.775 euros pour une commune de moins de 3.000 habitants, 73.000 euros pour les villes de plus de 3.000 habitants, 170.400 euros pour les départements, 226.000 euros pour les régions, 140.000 euros pour l'Etat.
    Sources : Délégation ministérielle à l'accessibilité (DMA), ministère des Affaires Sociales et de la Santé. FFB, Fédération des Apajh.
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