eBay assigné en justice

    Publié le 4 décembre 2007 par Pauline Polgar
    ebay justice
    ebay justice © MAP
    Le "gendarme public" du secteur des ventes aux enchères assigne le célèbre site eBay pour "infraction à la loi". Le Conseil des ventes volontaires de meubles aux enchères publiques (CVVMEP) entend ainsi le contraindre à se plier à la réglementation des maisons de ventes. eBay se défend : il n'est qu'un "intermédiaire" et son honnêteté comme ses garanties n'ont pas à être remises en cause.
    Querelle de clochers ? Concurrence déloyale ? Vrai problème de législation ? En tous cas, eBay déchaîne les passions ! Avec près de 10 millions d'utilisateurs en France, son implantation dans l'hexagone ne fait plus aucun doute. Mais là où le bât blesse pour le Conseil des ventes volontaires de meubles aux enchères publiques (CVVMEP), autorité publique de régulation du secteur, c'est que le site aux enchères ne se plie pas à la réglementation du 10 juillet 2000 au même titre que les maisons de ventes traditionnelles. Un commissaire-priseur par exemple devra obtenir un agrément, signe de transparence, garantir une traçabilité des objets, etc. Le tout pour éviter toute fraude, contrefaçon ou recel mais également apporter des garanties au vendeur, comme à l'acheteur.

    "Une petite corporation poussiéreuse…"

    "Nous avons laissé le temps au dialogue, mais devant les dénégations d'eBay, nous l'assignons en justice pour défaut d'agrément", explique à Maison à part Christophe Eoche-Duval, le secrétaire général du CVVMEP. Selon lui, après un an d'enquête, de contacts avec l'entreprise, de demandes officielles de se mettre en conformité, l'autorité n'a plus eu le choix que d'assigner eBay, laissant à la justice le soin de se prononcer sur ce défaut d'agrément. "Un baroud d'honneur", selon Alexandre Menais le directeur juridique d'eBay, interrogé par la rédaction, "nous avons 10 millions d'utilisateurs, nous avons inventé un nouveau mode de transactions, et ça, cela pose problème à une petite corporation un peu poussiéreuse qui a loupé le virage technologique."

    Pas de corporatisme

    Alors eBay est-il en infraction ou le Conseil n'a-t-il pas encore pris le pli des nouvelles technologies et veut défendre la pratique des ventes tenues par les commissaires priseurs ? C'est en substance ce à quoi devra répondre le Tribunal de grande instance de Paris prochainement. La question de fond qu'il devra se poser sera : eBay est-il une "maison de vente", parce qu'il fait office de mandataire pour le vendeur, comme pour l'acheteur, selon la thèse défendue par le Conseil ou n'est-il qu'un "intermédiaire", un "courtier" comme le site se défend ?
    Christophe Eoche-Duval explique la position de l'autorité : "Ebay prétend, contre toute espèce d'évidence, qu'il n'est qu'un hébergeur." Pourtant, il n'y a pas de doute pour le conseil : "Notre enquête a démontré l'inverse, il est un intermédiaire proactif des enchères" en tant que "mandataire du vendeur comme de l'acheteur". Prix de réserve, ordres d'achats.... Ebay procède également, selon lui, à l'adjudication des biens "immatérielle certes, mais cela ne change rien : il désigne la personne qui emporte le bien au terme d'un délai précis, il envoie des courriels de confirmation..."

    "Que craint eBay ?"

    citation A. Menais ebay
    citation A. Menais ebay
     Enfin, l'autorité se défend de tout corporatisme, rappelant qu'il est une autorité publique de régulation, non pas composé de commissaires priseurs mais de membres divers, nommés par le Garde des Sceaux, comme des professeurs d'économie ou encore des magistrats. Alors "pourquoi eBay ne se range-t-il pas sous la loi ? Ou bien est-ce l'obligation de transparence qui le gêne (imposant notamment la traçabilité des objets) ou bien est-ce les risques de sanctions déontologiques associées (de l'avertissement au retrait du droit à faire des enchères) qui lui fait peur. EBay craint-il les conséquences de son agrément ?", s'interroge Christophe Eoche-Duval.
    eBay lui n'en démord pas : "c'est une vieille rengaine que l'on nous ressert" assure Alexandre Menais. "Nous tombons sous le régime du courtage des enchères électroniques de la loi du 10 juillet 2000. Nous ne sommes qu'un intermédiaire entre le vendeur et l'acheteur." Et donc pas mandataire comme l'affirme le Conseil ? "D'abord nous ne sommes pas dépositaires des objets, nous ne faisons pas non plus acte d'expertise, nous ne garantissons pas la livraison et le paiement et en aucun cas nous ne sommes adjudicataire !" C'est là la différence fondamentale, selon le directeur juridique d'eBay : dans le cadre des enchères électroniques, le vendeur comme l'acheteur a le droit de se rétracter affirme-t-il. "C'est l'offre de la seconde chance", seconde chance qui n'est de toute façon jamais la dernière pour eBay.

    "Une action opportune"

    Et de pointer du doigt un "pot-pourri" d'actions opportunes. L'assignation pour l'agrément et… un article du quotidien Libération dénonçant les dérives de "son laisser-faire en matière de fraude", avec intervention appuyée du Conseil. "Nous avons des garanties, précise Alexandre Menais, des messages d'informations et d'éducation à l'adresse des vendeurs comme des acheteurs les incitant à se méfier, un système d'évaluation de la qualité des transactions, une protection financière, etc. On a également développé des mesures de protections, poursuit-il, nous sanctionnons en cas de mauvais comportements, nous engageons des actions contre les mauvais vendeurs comme acheteurs, nous coopérons avec les autorités en cas de problèmes… Nous n'avons pas de leçons à recevoir du Conseil des ventes !" Et la meilleure preuve conclut-il, "nous avons la confiance des internautes : les utilisateurs sont toujours là et sont même en constante augmentation ! C'est mépriser ces 10 millions de Français que de nous mettre en cause comme cela."
    Persuadé du parti-pris du Conseil en faveur des maisons de ventes donc des commissaires-priseurs, eBay affute ses arguments. "Nous sommes très confiants quant à l'issue de l'assignation." De son côté, le Conseil des ventes l'est tout autant.
    Car le problème est juridique : en définissant la notion de courtage dans la loi du 10 juillet - "Les opérations de courtage aux enchères réalisées à distance par voie électronique, se caractérisant par l'absence d'adjudication et d'intervention d'un tiers dans la conclusion de la vente d'un bien entre les parties, ne constituent pas une vente aux enchères publiques" - mais sans en préciser le régime, le législateur a préféré un "flou artistique". Seule la justice pourra les départager ! Un débat passionnant à suivre prochainement…
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