Le CFAI appelle les pouvoirs publics à définir l'architecture intérieure

    Publié le 15 décembre 2025 par Claire Tardy
    Christophe Sarlandie
    Christophe Sarlandie © CFAI
    ENTRETIEN. Christophe Sarlandie, vice-président du Conseil Français des Architectes d'Intérieur (CFAI), revient plus en détail sur la pétition lancée par l'organisation professionnelle pour faire reconnaître la place de l'architecture intérieure dans la réhabilitation du bâti existant. L'occasion de faire un état des lieux de la profession.
    Vous avez lancé une pétition visant à faire reconnaître la pratique de l'architecture intérieure dans la réhabilitation du bâti existant. Pouvez-vous revenir sur les raisons de cette démarche ?
    Dans notre pays, le travail de l'architecte est réglementé avec un ordre professionnel et un parcours d'études identifié. A l'inverse, notre métier n'a aucune réglementation, hormis l'obligation d'avoir une assurance décennale. Nous observons ainsi de fortes disparités entre le niveau de formation et d'expertise des professionnels qui exercent la profession : aussi bien des titulaires d'un bac+5 que des personnes avec un niveau d'études inférieur, voire absent.
    Nous avons donc réuni toutes les associations professionnelles (la Fédération Française des Architectes d'intérieur, des Pôles Action des Architectes d'intérieur et l'Union Nationale des Architectes d'Intérieur et Designers), en lien avec l'European Council of Interior Architects (ECIA), pour encourager à un échange avec les pouvoirs publics, les architectes et les personnes intéressées, dans le but de définir la pratique de l'architecture intérieure afin de protéger les professionnels et le grand public.

    Qu'attendez-vous de cette pétition ?

    Depuis la loi Spinetta, notre activité professionnelle n'est pas définie malgré l'existence d'écoles privées et publiques de haute qualité et de notoriété nationale, comme internationale. Un diplômé de ces écoles peut donc se retrouver au même niveau qu'une personne autodéclarée, créant une confusion pour identifier les professionnels compétents.
    Nous attendons une prise de conscience des autorités sur l'importance de la qualification de notre métier. Nous souhaitons que les compétences et les prérequis pour la pratique de l'architecture intérieure soient vérifiés, que ce soit par l'obtention d'un diplôme ou par la validation des acquis de l'expérience, et que l'obligation d'assurance décennale soit contrôlée.
    Ce qui nous pose problème, c'est l'absence de définition à l'entrée dans la pratique professionnelle et l'éclectisme des formations existantes, qui peuvent actuellement se faire en cinq ans comme en trois mois.
    Pourquoi maintenant alors que votre combat n'est pas nouveau ?
    Nous avons pu observer, il y a un an, une action du Syndicat des Architectes, appuyée par l'Ordre des Architectes, pour inscrire la réhabilitation dans la loi de 1977 sur l'architecture. Cette démarche nous semble intéressante et nous souhaitons être partie prenante de ce débat. L'objectif étant d'avoir un rôle prédéfini, dans une idée de complémentarité avec les architectes. Nous pensons que leur initiative peut permettre de positionner l'architecture intérieure dans notre pays.

    Combien comptez-vous d'architectes d'intérieur en France ?

    Quantifier le nombre de professionnels de l'architecture intérieure en France est complexe en l'absence de définition claire. En comptant nos adhérents et ceux des autres associations, nous estimons néanmoins entre 4.000 et 5.000 le nombre de personnes exerçant correctement la profession. Au total, même si cela est dur à estimer, le nombre de personnes se revendiquant faire de l'architecture intérieure pourrait être compris entre 8.000 et 12.000 en France.
    En Europe, l'European Council of Interior Architects (ECIA) compte 21 pays adhérents pour un nombre de professionnels estimé à 20.000. L'ECIA a rédigé une charte de l'enseignement, cofinancée par l'UE, avec un parcours de cinq années d'études obligatoires.

    Quel est le danger autour de l'assurance décennale ?

    Le Code civil indique que toute personne qui entreprend des interventions sur un bâtiment, qu'elles soient de réalisation ou de conception, doit être assurée en responsabilité civile et en décennale. Cela concerne même les modifications légères, comme la dépose d'une cloison ou la modification d'une salle de bain.
    Que les entrepreneurs qui réalisent les travaux soient assurés n'exonère pas le professionnel qui conçoit le projet d'être aussi assuré. Si tout le monde n'est pas assuré, le maître d'ouvrage n'est pas protégé. C'est comme prendre un chauffeur professionnel qui n'a pas son permis de conduire ou d'assurance et se dire que ce n'est pas grave car les autres conducteurs sur la route ont leur permis.
    Pour rappel, un défaut d'assurance décennale, c'est 6 mois de prison et 75.000 euros d'amende pour le professionnel. Au moindre litige, une expertise est ouverte et les assurances de tous les partis sont vérifiées. Le but de notre tribune est aussi de sortir de ces situations dangereuses pour les professionnels et les clients.

    Quelles sont les formations reconnues ?

    A ce jour, le CFAI reconnaît 18 écoles privées et publiques sur l'ensemble du territoire. Nous effectuons un suivi régulier de ces établissements avec une présence dans les jurys, aux portes ouvertes et aux événements, pour nous assurer que les étudiants sont formés de manière adaptée.
    Quelle comparaison faites-vous sur la place de l'architecture intérieure avec les autres acteurs européens ?
    Nos échanges avec nos confrères nous apprennent que certains exemples fonctionnent. Aux Pays-Bas, par exemple, un registre de l'architecture a été créé il y a plus de 30 ans, incluant les architectes, les paysagistes, les urbanistes et les architectes d'intérieur. En Allemagne, la réglementation permet aux architectes d'intérieur diplômés de travailler dans un cadre légal défini.
    Notons que, dans les années 1970-1980, la réputation des architectes d'intérieur français dans le monde était excellente, avec de grands noms qui travaillaient aux quatre coins du monde. Aujourd'hui, nous observons une tendance à la dilution du savoir. Sont en cause le côté très médiatisé du métier, affichant une image glamour et haut de gamme qui masque le fond du travail, le développement massif de formations privées et d'écoles en ligne, ou encore l'absence de volonté des pouvoirs publics de se positionner sur ce métier.
    Quel bilan tirez-vous de l'année 2025 en termes d'activité pour les architectes d'intérieur ?
    Nous avons connu une période difficile dès la fin de l'année 2023, avec une succession de crises, énergétiques, politiques, liées à la hausse des taux d'intérêt et des prix des matériaux. L'année 2025 semble plus équilibrée, mais reste impactée par les variations macroéconomiques et les éléments que nous ne maitrisons pas, comme la situation nationale et internationale.
    Il est aussi important de noter que le nombre d'étudiants et de reconversions vers nos métiers explose, sans que le marché ait les capacités de tout absorber.
    Comment évolue le métier d'architecte d'intérieur avec les nouveaux enjeux liés à l'environnement et à l'intelligence artificielle ?
    La problématique environnementale est parfaitement intégrée dans les cursus, étant même devenue un élément fondamental.
    Sur les avancées technologiques, nous avons déjà vécu la CAO (Conception Assistée par Ordinateur) dans les années 2000, qui avait alors transformé les agences. Aujourd'hui, l'intelligence artificielle devrait accentuer la différence entre les chefs de projets, les concepteurs, et les personnes davantage positionnées sur les tâches d'exécution. L'IA reste néanmoins un outil et ne pourra pas remplacer les fondamentaux du métier.
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