Comment en êtes-vous arrivé à vous spécialiser dans les hôtels et restaurants ?
J'ai choisi ce métier pour la créativité et c'est un élément presque vital pour l'hospitality de manière générale. Les espaces y sont plus travaillés que dans un appartement et les identités plus marquées, car il est important de se démarquer dans un paysage qui s'enrichit chaque semaine de nouveaux lieux.
Aussi, travailler dans des lieux publics nous pousse à trouver des solutions pour connecter les gens et leur faire vivre des expériences. Nous devons faire en sorte qu'ils conservent une trace mémorielle de ces lieux. C'est un véritable challenge alors que chaque projet est une page blanche. Il n'y en a pas deux qui se ressemblent car aucun lieu n'est identique. Si cela pourrait en angoisser certains, j'y trouve une certaine liberté malgré les normes et contraintes qui vont avec.

Cédric Grolet Opéra © Maison Malapert
C'est difficile car aucun projet ne se ressemble. Á chaque fois, nous cherchons à analyser le contexte, le bâtiment, la clientèle pour écrire une histoire différente, plutôt qu'un style qui se retrouverait ailleurs.
Certaines choses reviennent néanmoins, comme la connexion entre les intérieurs et les extérieurs ou l'ouverture des espaces pour la circulation des énergies. Nous cherchons aussi à faire évoluer les lieux en fonction des moments de la journée, en jouant sur les éclairages ou les sons. La lumière est très importante : un mauvais projet bien éclairé peut devenir un bon projet, alors que l'inverse n'est pas possible. Nous dessinons de plus en plus de luminaires sur mesure, et de mobilier.
La couleur a également son importance. Si elle en effraie certains, nous la prenons comme une vibration qui donne une identité au lieu. Nous aimons bien identifier des couleurs signatures pour chacun de nos projets.

Le Boudoir des Muses © Maison Malapert
Mais ce qui nous caractérise souvent, c'est la théâtralité. En plus de marquer un lieu, elle permet de transmettre des valeurs, des codes, des atmosphères sans les écrire ou les expliquer. Le Boudoir des Muses, par exemple, est un ancien hôtel particulier du Marais dont l'histoire est romanesque : le bâtiment a servi de couvent, de maison close et de théâtre. Il nous a donc semblé intéressant de piocher des codes dans ces opposés pour créer l'identité du lieu. Nous avons travaillé une sensualité d'un côté, et une spiritualité de l'autre, que nous avons théâtralisées par des mises en scène.
Comment votre travail a-t-il évolué depuis la création de votre agence ?
La philosophie de l'agence n'a pas changé : nous cherchons toujours à analyser le contexte pour en tirer un fil rouge. Seule notre expérience, que nous devons à nos interventions dans quelque 60 restaurants et 30 hôtels, nous permet d'être plus précis dans notre travail.

L'hôtel Urban Hive © Maison Malapert
Parlez-nous de vos projets en cours et à venir…
Nous avons travaillé au sein de l'hôtel Urban Hive de Madrid qui ouvrira ses portes en début d'année 2026. Près de l'Opéra de Madrid, les anciens bureaux de l'entreprise espagnole de télécommunication, Telefónica, ont été transformés en hôtel de 120 chambres avec des lieux de vie assez riches, comprenant une piscine et un rooftop. En partant de l'idée de créer une atmosphère comme à la maison, nous y avons réinventé les codes domestiques, tout en faisant intervenir des artisans et artistes locaux. Nous avons aussi fait en sorte d'en faire un lieu de vie, pas seulement pour les clients, mais aussi pour la ville.

Le Posidonie © Maison Malapert
Le début de l'année 2026 sera également marqué par l'ouverture d'un boutique-hôtel à Nice, le Posidonie. A l'inverse de celui de Madrid, c'est un établissement plus petit, travaillé sous le format maison de famille en réinterprétant les codes de la Riviera française.

Chérie Cherry © Maison Malapert
Nous venons aussi de créer un nouveau concept de restauration pour les casinos du Groupe Barrière, baptisé Chérie Cherry. Le premier a été ouvert à Enghien-les-Bains, l'idée étant de proposer une pause visuelle dans un lieu chargé de lumières, de sons et de clignotements. La décoration est ainsi très chaleureuse avec un mélange des codes français et anglais.

Le restaurant Frivole © Maison Malapert
Toujours dans la restauration, Frivole est le nouveau restaurant de la Maison des Champs-Élysées, à Paris. Nous l'avons travaillé comme un jardin d'hiver un peu baroque pour mettre en valeur cette cour végétale assez inattendue dans un immeuble haussmannien.
D'autres ouvertures suivront en 2026, à Lisbonne, à Athènes et au Maroc.

Hôtel Renaissance, Bordeaux © Maison Malapert
Quelles sont les principales tendances que vous identifiez en termes de design hôtelier ?
J'observe un paradoxe entre les demandes de nos clients et celles des particuliers : les hôteliers veulent que leurs clients se sentent comme chez eux à l'hôtel, quand les particuliers souhaitent se sentir chez eux comme à l'hôtel. Je pense que les codes de l'hôtellerie influencent les autres secteurs de manière générale, bureaux et retail inclus, et séduisent pour les expériences qu'ils proposent.
Ce sont aussi des lieux évolutifs, qui changent tout au long de la journée et en fonction des événements qui y sont organisés. Dans la restauration, par exemple, on observe depuis le covid la tendance des restaurants festifs ou expérientiels. Alors que les boites de nuit ont eu du mal à se remettre de la crise sanitaire, les restaurants sont devenus des lieux où l'on vient écouter de la musique, chanter et danser après le repas.

Maison Hamelin © Maison Malapert
Les hôtels et restaurants sont ainsi des lieux de vie plus aboutis et mieux intégrés dans les villes. Les hôtels deviennent de plus en plus des hubs de quartier, où l'on vient faire du sport, manger ou travailler. Ce qui était au départ des fonctions annexes devient presque aussi important que les chambres. L'hôtel-dortoir classique, qui constituait 90 % du parc parisien il y a 30 ans, ne plait plus.
Enfin, on observe une montée en gamme générale dans l'hospitality. Le basique de l'hôtellerie est maintenant le quatre étoiles, mais les établissements de toutes les gammes sont plus qualitatifs alors que les attentes des clients augmentent.