Philippe Demougeot, une ''sensibilité à l'échelle humaine''

    Publié le 30 janvier 2007 par Propos recueillis par Pauline Polgar
    L'architecte vedette de France 5, Philippe Demougeot, nous parle de son parcours, de sa façon de travailler et nous livre le regard qu'il porte sur sa profession.
    « J'ai envie de rester vivant »

    Quel est votre parcours ?

    J'ai commencé par faire de la science politique, en attendant d'être reçu dans une école d'art. J'ai ensuite intégré l'école Boulle où j'ai été formé à l'architecture intérieure et à la création de mobilier. Mais, comme je trouvais bizarre de m'arrêter à l'intérieur, j'ai passé mon diplôme d'architecture DPLG. Je me dis ainsi architecte avec une sensibilité à l'échelle humaine.

    Quelles sont vos principales activités ?

    Dans mon agence, nous nous occupons d'appartements complets et pour avoir une variété de chantiers, je m'occupe également d'immeubles collectifs. Depuis plus de 10 ans l'activité est stable. Je ne cherche pas à grossir. Avant j'avais cinq demandes j'en prenais 3, aujourd'hui j'en ai 50 mais je n'en prends toujours que 3. Je veux m'occuper personnellement des chantiers. Dans Question Maison, je fais des chantiers courts et de petites dimensions.
    J'ai envie de rester vivant, d'avoir un renouvellement permanent. J'aimerais également me lancer dans l'édition de meubles. Je souhaite environner la personne. Architecture, architecture intérieure, mobilier et le reste.
    Philippe Demougeot, une ''sensibilité à l'échelle humaine''

    « La sensibilité du client doit rencontrer celle de l'architecte »

    Comment s'exprime votre travail ? Comment sentez-vous ce dont a besoin votre client ?
    En général, c'est le client qui apporte la solution. Je parle avec lui pour « attraper » sa demande. Quand on imagine bien la personne, on voit dans quoi il peut vivre. Si la personne en face de moi me disait « voilà, qu'est ce que vous feriez pour cet appartement », je n'y arriverais pas. Il faut qu'elle me raconte comment elle vit et ensuite j'imagine dans quelle « boîte » elle veut vivre.
    On reproche souvent aux architectes d'intérieur une certaine forme de copier-coller...
    Chacun a plus ou moins son style ou sa sensibilité. Il est important que le client rencontre celle de son architecte. Il faut qu'il y ait un échange entre les deux. Alors que la plupart des architectes ont développé avec la longueur de leurs études une sensibilité propre, un coach va se faire influencer par celle de son client : « vous voulez ça ? Je vais vous le faire ». C'est une manière de choisir son architecte : il faut aller vers celui dont la sensibilité vous est proche.
    L'architecte doit toujours être au courant de ce qui se passe, des nouveaux produits, des nouveaux modes de vie, pour se renouveler spontanément et alimenter son style. Il est juste qu'il y a quelques répétitions : pour le « SOS Maison » par exemple, quand il y a les mêmes problématiques, il est logique qu'il y ait la même solution... J'ai ma façon de m'exprimer.

    Justement, quelles sont vos techniques de prédilection ?

    Cela évolue ! En revanche, j'ai des obsessions dans la méthode, celle du rangement par exemple. Les gens sont ensuite libres pour meubler ou peindre. Je m'intéresse plus au volume qu'à la couleur. J'aimais bien les faux plafonds, pour avoir de la lumière et des volumes. Mais actuellement, j'aurais tendance à aller plus vers l'essentiel, plus brut. Si on a un beau mur, on le garde : on ne va pas le doubler ou l'habiller, il
    « La sensibilité du client doit rencontrer celle de l'architecte »

    « La maison mérite mieux que du bricolage »

    philippe demougeot bis
    philippe demougeot bis © philippe demougeot
    Quel regard portez-vous sur votre profession aujourd'hui ?
    J'y fais attention depuis que je participe à l'émission de télévision « Question Maison » pour la rubrique « Sos Maison » : j'ai plein de retour des gens, par mail en particulier. Je me suis aperçu qu'il y avait un énorme besoin de spécialistes, de conseils sur mesure. Les gens ont peur d'aller dans des grands magasins pour acheter des choses qui brillent et bricoler.

    Quelle différence faites-vous avec la profession de coach ?

    Je m'intéresse à un problème de fond, de fonctionnement d'un lieu. Le coach déco va faire en sorte que les gens dépensent de l'argent dans le mobilier ou la décoration sans résoudre un vrai problème.

    Certains architectes d'intérieur disent aujourd'hui faire du coaching déco...

    Si faire du coaching, c'est faire du conseil cela m'arrive. Il y a une vraie demande. Mais je n'ai pas envie de voir des gens pour la couleur de leur mur mais pour un vrai problème de fonctionnement. Comment faire pour que cela soit pratique et beau ?
    Comment expliquez-vous cette tendance actuelle au « tout déco » ?
    Je crois que la tendance actuelle vient du fait que l'on n'a pas beaucoup de place chez soi et comme l'on ne peut pas non plus déménager...au lieu de changer de chez soi, on change son chez soi. La chasse au m² pousse les gens à nous appeler, c'est une opportunité pour notre profession.
    Il y a également une évolution du mode de vie : pour la distribution des pièces, on cherche aujourd'hui à avoir un grand salon multimédia d'un côté, et une cuisine-salle à manger de l'autre, alors que dans les habitats les plus modernes, c'est une cuisine américaine qui donne sur un salon-salle à manger. Et puis la tentation fait beaucoup. Par exemple, si on achetait avant des meubles pour la vie, avec l'arrivée d'IKEA, on achète plus facilement pour son studio et après on jette. Ce jeu de vouloir changer attaque maintenant les murs.

    Pourquoi les architectes sont-ils victimes d'idées reçues ?

    Ils avaient mauvaise presse entre l'après-guerre et aujourd'hui. Mais, et c'est la première chose qui m'a surpris quand j'ai commencé la télévision, j'ai vu que les architectes n'étaient plus si mal perçus que cela. Les gens ont maintenant envie de plus personnaliser leur maison. Avec Internet qui les sensibilise sur tous les sujets, ils ont en deux secondes tout l'éventail des possibles.
    Il est vrai que c'est cher, mais une personne vraiment qualifiée prendra moins de temps et le client sera plus satisfait. Enfin, proportionnellement à la hausse des prix des maisons, l'architecte n'a pas augmenté ses revenus d'autant, donc on peut dire qu'il est relativement moins cher qu'avant.
    Quand faut-il franchir le pas et faire appel à un architecte ?
    Quand on a un problème auquel on ne trouve pas de solution ou que cette dernière est trop compliquée pour l'assumer soi-même. C'est également à partir du moment où la dimension économique du problème mérite que l'on dépense de l'argent pour faire appel à un spécialiste.
    Sur toutes les surfaces inférieures à 50 ou 60 m², il faut le faire soi-même. Il y a des surfaces qui excluent l'architecture. Comme si j'appelais Jean-Paul Gautier pour me faire un costume pour Halloween ! Il faut que le jeu en vaille la chandelle. L'architecture ne relève pas du bricolage et la maison mérite mieux que du bricolage ! Elle nécessite un vrai budget.
    Son actualité :
    SOS Maison, Philippe Demougeot, éditions Hoebeke, 2006, 26€.
    rubrique SOS Maison, Question Maison, samedi 11h, France 5.
    http://demougeot.blogspot.com/
    www.prod.fr/
    « La maison mérite mieux que du bricolage »
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