Mal-logement : le rapport accablant de la Fondation Abbé-Pierre

    Publié le 4 février 2013 par Sébastien Chabas
    La crise du logement est une réalité. Près de 3,6 millions de personnes sont mal logées en France, auxquelles s'ajoutent 5 millions de personnes occupant une copropriété en difficulté, un logement surpeuplé, ou devant faire face à des impayés. Des chiffres qui émanent du dernier rapport de la Fondation Abbé-Pierre sur l'état du mal-logement publié vendredi 1er février 2013.
    Reçue par le chef de l'Etat, jeudi 31 janvier, la Fondation Abbé-Pierre a rendu public vendredi 1er février son 18ème rapport annuel sur l'état du mal-logement en France. Quel constat dresse-t-elle en 2012 ? "La crise (...) continue de produire des effets particulièrement inquiétants pour les personnes les plus modestes et les moins qualifiées", observe-t-elle. Il y a dix ans, les rapports alertaient sur les cas de personnes exclues socialement et déjà tombées dans une grande précarité. Puis le cercle des mal-logés s'est élargi aux classes moyennes.
    Une précarité qui touche les femmes seules
    En outre, la crise économique est passée par là, l'évolution des structures familiales aussi. Les chiffres cités par le rapport sont alarmistes (voir encadré) : 685.000 personnes sont dépourvues de logement personnel en France, dont 133.000 sans domicile fixe, mais au total 3,6 millions sont "non ou mal logées" et plus de 5 millions sont "fragilisées" par la crise du logement. De plus, il y a aujourd'hui 1,7 million de femmes seules avec enfants et un tiers d'entre elles vivent sous le seuil de pauvreté -contre 6,5 % des couples avec enfants - une mère seule sur deux finit le mois à découvert. "Ces chiffres montrent l'extrême fragilité des personnes séparées. C'est incroyable comme le couple protège et comme la rupture précarise, parfois violemment", déplore la Fondation Abbé-Pierre.
    Alors, quel est l'impact de ces séparations sur le logement ? Pour la Fondation, "le cas de Mme L., trois enfants et en 'mi-temps contraint'", est révélateur. "La jeune femme gagne 500 euros par mois. Elle parvient à payer une partie de son loyer de 680 euros grâce à l'aide personnalisée au logement (APL). Mais les 240 euros qui restent à sa charge représentent 50% de son salaire et limitent drastiquement les autres dépenses essentielles", ajoute-t-elle. S'en suivent de nombreuses situations critiques...
    Loyers impayés: la FNAIM dresse le même constat dans les copropriétés
    Signe d'une dégradation de la situation pour les locataires, au final "les impayés progressent" et de "nouveaux records" ont été atteints pour les expulsions (113.000 en 2011). Même constat dans les copropriétés. Dans celles-ci, "certains habitants demandent des reports ou des étalements pour acquitter leurs charges", nous confirme Jean-François Buet, président de la Fédération nationale de l'immobilier (Fnaim). Toutefois, on ne peut pas dire qu'il y a une hausse intempestive des loyers impayés. Globalement, les impayés contentieux et amiables ne dépassent pas les 2 %." Pour les sans domicile, la Fondation observe, par ailleurs, que l'augmentation des appels au 115 "se manifeste dans des territoires jusqu'à présent épargnés, y compris dans les zones rurales".

    *Les chiffres du mal-logement, selon la Fondation Abbé-Pierre

    Parmi les 3,6 millions de personnes "non ou très mal logées", La Fondation Abbé-Pierre recense dans son rapport publié mardi 1er février 2013:
    -1,22 million de personnes en attente d'un logement social.
    -685.142 personnes "privées de domicile personnel" (133.000 sans domicile).
    -18.142 en résidence sociale, 38.000 en chambre d'hôtel.
    -85.000 dans des "habitations de fortune" et 411.000 chez des tiers.
    -Plus de 2,7 millions vivant dans des conditions de logement "très difficiles", sans confort ou très surpeuplés.
    -172.847 personnes locataires de meublés.
    -71.188 gens du voyage ne pouvant accéder à une aide d'accueil.
    Découvrez la suite de l'article dédié au rapport de la Fondation Abbé-Pierre en page 2.
    Mal-logement : le rapport accablant de la Fondation Abbé-Pierre

    Tous les territoires concernés

    logement ancien
    logement ancien © CG - batiactu
    Les métropoles régionales au marché immobilier tendu, les zones touristiques du littoral et certaines zones transfrontalières connaissent le même phénomène de ségrégation territoriale et relèguent, elles aussi, les mal-logés extra-muros, poursuit le rapport. Dans les zones rurales et les territoires urbains désindustrialisés, -Ndlr: le rapport cite les cas de Roubaix et Mulhouse- les difficultés sont aussi liées à l'état des logements souvent bon marché, mais vétustes et coûteux à chauffer pour leurs occupants.

    Quelles solutions la fondation préconise-t-elle ?

    L'association Abbé-Pierre milite donc pour la mise en place d'aides temporaires via les conseils généraux, les villes ou les aides personnalisées au logement pour permettre aux personnes qui se séparent de financer leur déménagement, les frais de caution du nouveau logement, etc. "Ce serait une aide transitoire, plus souple et plus réactive que les solutions actuelles", estime-t-elle dans son document.

    Le chef de l'Etat rappelé à ses objectifs

    En attendant la grande loi-cadre sur le logement et l'urbanisme prévue en juin prochain, la Fondation salue d'ores et déjà l'encadrement des loyers à la relocation, le passage de 20 à 25% de logements sociaux par commune dans la loi SRU, ainsi que la cession de terrains publics pour en construire. Toutefois, pour atteindre l'objectif fixé par le chef de l'Etat de produire 500.000 logements par an, dont 150.000 logements sociaux, il faudra que l'Etat s'implique davantage financièrement, insiste la Fondation.
    A ce sujet, la ministre du Logement, Cécile Duflot, a affirmé, vendredi 1er février que le Gouvernement "a les moyens les moyens de réaliser les 150.000 logements sociaux par an".
    Au final, l'association réclame surtout une vraie "cohérence" de la politique du logement, pour que les plus modestes, fragilisés par la crise, ne se retrouvent pas à la rue.
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