Accessibilité : le dossier avance, mais encore trop lentement

    Publié le 8 octobre 2012 par C.L.
    Le "rapport sur les modalités d'application des règles d'accessibilité du cadre bâti pour les personnes handicapées" a rendu son verdict à la mi-septembre. Si pour les bâtiments neufs, la mission semble bien avancée, en revanche, coup dur pour la rénovation des établissements recevant du public qui affiche un très faible taux de réalisation de travaux. Outre une mission parlementaire, des initiatives voient le jour.
    Marie-Arlette Carlotti, ministre délégué aux Personnes handicapées et de la lutte contre l'exclusion, a commenté le 12 septembre dernier le rapport intitulé "Modalités d'application des règles d'accessibilité du cadre bâti pour les personnes handicapées". Cette mission - confiée au Conseil général de l'environnement et du développement durable (CGEDD), à l'Inspection générale des affaires sociales (IGAS) et au Contrôle général économique et financier (CGEFi) - a mis à jour trois principales constations, et a formulé six recommandations.
    Ainsi, la mission a constaté, en ce qui concerne la construction de bâtiments à usage d'habitation, que les dispositions issues des textes réglementaires pris pour l'application de loi du 11 février 2005, "n'entraînaient qu'exceptionnellement des impossibilités de construire et que les difficultés techniques qu'elles avaient pu soulever - balcons et douches notamment - étaient réglées ou en passe de l'être". Côté surcoût, là encore, les rédacteurs du rapport ont indiqué que " les surcoûts occasionnés par ces nouvelles normes étaient modérées et en toute hypothèse modestes, à moyen terme (...)". Conclusion : "Ces surcoûts ne peuvent en aucun cas justifier une remise en cause des avancées de la loi de 2005", assène le rapport.

    Des règles trop strictes et un encadrement trop souple

    Si le domaine de la construction neuve est en passe de réussir son pari, il n'en est pas de même pour la rénovation des établissements publics - qui ont, rappelons-le, l'obligation de se mettre en conformité avant le 1er janvier 2015. "Cette obligation ne pourra en aucun cas être tenue", affirme la mission, qui estime "de sa responsabilité de l'écrire sans ambiguïté". Certes ce n'est pas une surprise - deux sénatrices avaient déjà déclaré que "les objectifs ne seraient pas atteints en 2015" - mais le coup est d'autant plus rude que le résultat annoncé est édifiant. En effet, à ce jour et à trois ans de l'échéance, le niveau de réalisation des travaux dans les ERP est de l'ordre de 15% ! En cause, l'ampleur considérable des travaux à réaliser dans un contexte économique difficile, mais également "des normes le plus souvent identiques à celles établies pour des constructions nouvelles", ce qui crée un "choc des contraintes inévitable". Ainsi, le fait d'avoir prévu pour la mise en accessibilité des ERP existants - souvent anciens et construits selon des conceptions architecturales et urbanistiques d'une autre époque - donnent aujourd'hui lieu à « une avalanche de dérogations, à des coûts prohibitifs » et ce pour des résultats incertains, s'indigne la mission.
    Enfin, troisième constat : la conduite des procédures n'est pas encadrée comme il le faut. "Rien n'est prévu pour harmoniser les positions des nombreuses commissions d'accessibilité alors qu'elles disposent avec l'avis conforme d'un pouvoir quasi décisionnel", explique la mission. D'où un risque " d'imprévisibilité dans l'application concrète des textes".
    Lire la suite en page 2, notamment les réactions de l'APF.
    Accessibilité : le dossier avance, mais encore trop lentement

    Remèdes et diagnostic

    accessibilité
    accessibilité © Capeb
    Des solutions viables ?
    Face à ce diagnostic, la mission préconise quelques solutions comme "faire évoluer dans un sens plus performantiel" la forme de la réglementation. Ou encore, "harmoniser le fonctionnement des commissions d'accessibilité" afin de faire émerger une doctrine nationale explicite pour l'application des règles. Pour le logement neuf, elle suggère la notion "d'adaptabilité des constructions" et met en avant celle de "visitabilité".
    Elle recommande également une "révision rapide des exigences pour la mise en accessibilité des établissements recevant du public existants". Dans tous les cas, elle demande, pour ces structures, le "maintien de l'échéance du 1er janvier 2015, mais avec une révision du contenu de l'objectif à atteindre (...)" et ne remet aucunement en cause l'objectif ultime fixé par la loi. Pour cela, la mission évoque la construction d'un échéancier "plus réaliste" au regard des possibilités des collectivités et des entreprises.
    Le rapport de la mission conjointe du CGEDD, de l'IGAS et du CGEFi, et les propositions qui en émanent, "visent à trouver un nouveau point d'équilibre, supportable par les différents secteurs concernés, mais garantissant le maintien d'une dynamique forte pour l'accessibilité", tant pour les bâtiments neufs que pour les ERP.
    La ministre veut y croire, même si elle sait la chose difficile
    Quelques semaines après cette remise de rapport, Marie-Arlette Carlotti, a réaffirmé ce 2 octobre: "Je veux maintenir l'échéance de 2015". La ministre déléguée chargée des personnes handicapées et de la lutte contre l'exclusion a félicité de même, la décision du Chef de l'Etat de faire en sorte que chaque texte de politique publique compote un volet Handicapés. Mais elle a redit également ne pas se voiler la face sur l'accessibilité des bâtiments publics : "Il faut dire la vérité : l'échéance de 2015 sera difficile à tenir", a-t-elle déclaré. D'où la mission parlementaire confiée, à Mme Campion, sur les moyens à mettre en œuvre pour atteindre l'objectif. D'une durée de 3 mois, cette mission permettra de "fixer un échéancier et un plan d'actions crédible". Et de confirmer : "A l'issue de ce rapport, début 2013, j'annoncerai des mesures précises".
    Enfin, elle a également redit sa satisfaction de voir qu'en cette période de tension budgétaire,"la solidarité avec les personnes handicapées voit ses moyens augmenter de 6.3% dans le projet de loi de finances et de 3.3% dans le projet de loi de financement de la sécurité sociale." Une autre bonne nouvelle...
    Parmi les dernières initiatives, retrouvez en page suivante, celle des architectes, qui se sont engagés, via une charte, signée avec des associations représentatives des personnes en situation de handicap.
    Association des Paralysés de France : "le principe d'accessibilité n'est ni divisible, ni négociable !"
    "Suite à la parution du rapport sur les modalités d'application des règles d'accessibilité du cadre bâti pour les personnes handicapées, annonçant que l'objectif de 2015 ne serait pas tenu, l'Association des paralysés de France (APF) tient à rappeler que le principe d'accessibilité n'est ni divisible, ni négociable !", s'indigne l'APF dans un communiqué.
    Qui réagit à la proposition de la mission de modifier le contenu de la loi en définissant des objectifs d'accessibilité intermédiaires : "Choisir, parfois à l'intérieur même des lieux, ce qui doit être accessible ou pas, consiste à demander aux personnes en situation de handicap de choisir à quelle part de leur citoyenneté elles auront accès ! L'APF refuse ces choix qui n'en sont pas et déplore le retour en arrière décrit dans ce rapport !". Et d'ajouter : "Un bâtiment doit être accessible dans son intégralité, sinon il n'est pas accessible. Tout est important et prioritaire pour les personnes en situation de handicap. La citoyenneté des personnes en situation de handicap n'est pas divisible !"
    Concernant l'accessibilité des bâtiments existants, le rapport met en avant " un manquement au principe de proportionnalité"déplorant que les bâtiments existants soient soumis aux mêmes normes que les bâtiments neufs. Pourtant l'APF rappelle que la loi de 2005 prévoit déjà des dérogations pour la mise en accessibilité des bâtiments existants, permettant amplement la mise en accessibilité de tous les bâtiments telle que prévue par la loi handicap de 2005.
    Remèdes et diagnostic

    Architectes et associations signent une charte

    L'Ordre des Architectes et plusieurs associations représentatives des personnes en situation de handicap ont signé, le 19 septembre, une charte pour permettre l'accessibilité à tout et pour tous. Celle-ci repose sur trois engagements, dont ceux de développer le dialogue et la concertation, mais aussi de développer des outils visant la qualité d'usage et la conception universelle.
    Mercredi 19 septembre, l'Ordre des Architectes, l'Association des paralysés de France (APF), l'Union nationale pour l'insertion sociale du déficient auditif (UNISDA), l'Union nationale des associations de parents, de personnes handicapées mentales et de leurs amis (UNAPEI) et la Confédération française pour la promotion sociale des aveugles et amblyopes (CFPSAA) ont signé une charte d'engagement en faveur de la conception universelle et de l'accessibilité à tout et pour tous.
    Prendre en compte toutes les déficiences et adapter la qualité d'usage du bâti : telle est la vocation de cette charte qui a pour but de remettre, en effet, la qualité d'usage et les exigences de l'accessibilité universelle au cœur du débat, reposant sur une démarche fondée sur le dialogue, l'échange d'expériences et de bonnes pratiques.

    La concertation pour mieux se comprendre

    Fort du constat que la réglementation "accessibilité" - issue de la loi du 11 février 2005 - a été mise en place avec trop peu de pédagogie et de visibilité de la part des pouvoirs publics, qu'elle est, en outre, vécu comme une contrainte, et que la technique prend plus souvent le pas sur la qualité d'usage, les signataires de la charte ont souhaité entreprendre une nouvelle démarche qui repose sur trois principes :
    - la mise en place d'un comité de l'accessibilité, lieu de débat et de conciliation : il s'agira d'identifier et de recenser les bonnes pratiques prenant en compte la réalité des bâtiments sur l'ensemble du territoire, et d'apporter des réponses adaptées et sur-mesure ;
    - renforcer la formation continue des professionnels : aller au-delà des règles de l'art habituelles et faire un effort particulier de conception lié à la qualité et au confort d'usage ;
    - disposer d'outils privilégiant la valeur d'usage : destinés aux professionnels et aux maîtres d'ouvrage, ils serviront à analyser et relayer les expériences remarquables auprès des réseaux, à analyser la réglementation, à établir un document synthétique pour les concepteurs, à recenser tous les points de vigilance liés à la prise en compte de la réglementation "accessibilité", et aussi à rédiger un guide des bonnes pratiques pour alimenter les réflexions des pouvoirs publics.
    Les signataires sont persuadés que c'est, main dans la main, que la qualité et le confort d'usage doivent être pris en compte pour une universalité de la conception et pour l'accessibilité à tous et pour tous.
    Architectes et associations signent une charte
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