Tout savoir sur la majoration de 30% des droits à construire

    Publié le 12 mars 2012 par C. Chahi Bechkri
    Le Parlement a entériné mardi 6 mars le projet de loi visant à augmenter de 30% les droits à construire. Que va changer concrètement le texte ? Quels logements sont concernés ? Maison à part fait la lumière sur cette nouvelle mesure.
    Le projet de loi relatif à la majoration de 30% des droits à construire a beaucoup fait, et continue à faire parler de lui. Lancée par Nicolas Sarkozy au début du mois de février lors d'une allocution télévisée afin de doper le secteur de la construction et tenter d'endiguer la crise du logement, l'idée vient tout juste de se concrétiser avec un texte de loi.
    Définitivement adopté le 6 mars dernier par le Parlement. Son objectif ? Accroître la surface constructible sur un terrain. "Concrètement, expliquait le Chef de l'état, vous avez un pavillon en banlieue, et en grande banlieue, vous aurez le droit de construire 30% de plus sur ce pavillon (...) Vous êtes une collectivité, vous avez un terrain où il y a 1.000 m2 de droits à construire, et bien, vous aurez le droit de construire 1.300 m2".
    En théorie, la mesure semble simple mais comment s'appliquera-t-elle concrètement ? Qui pourra en bénéficier ? Maison à part a voulu en savoir plus en passant à la loupe ce texte de loi dont l'adoption a été mouvementée et suscite encore de nombreuses réactions.
    Pour connaîtres tous les détails du texte, cliquez sur les pages suivantes.
    Tout savoir sur la majoration de 30% des droits à construire
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    Les dates clés de la loi sur la majoration des droits à construire

    Début février 2012 : le président de la République, Nicolas Sarkozy, émet l'idée de majorer de 30% les droits à construire afin de relancer la construction et résoudre, du même coup, la crise du logement. Le gouvernement estime que près de 40.000 logements supplémentaires par an pourraient être créés grâce à cette mesure.
    21 février 2012 : le texte est adopté en première lecture par l'Assemblée Nationale. Logements neufs et existants pourront bénéficier d'une plus grande surface constructible sur un même terrain. A noter que le texte ne s'appliquera pas si "le conseil municipal ou l'établissement public de coopération intercommunale a pris une délibération" contraire. Prochaine étape : le passage du texte devant le Sénat.
    28 février 2012 : Provocation de la part du Sénat. La commission des affaires économiques vote la suppression de l'article unique du texte créant le dispositif de majoration de 30% des droits à construire, qui était prévu pour trois ans, et adopte, dans la foulée, un amendement permettant à l'Etat de céder ses immeubles bâtis ou non bâtis avec possibilité d'une décote de 100% de la valeur vénale pour construire des logements sociaux - une proposition du candidat François Hollande. La commission justifie cette suppression évoquant une mesure "précipitée", "inutile", "porteuse de risques contentieux lourds" ou encore "inefficace" voire "contre-productive à court terme". Le projet de loi retourne à l'Assemblée Nationale pour un ultime examen.
    6 mars 2012 : Sans surprise, le texte relatif à la majoration de 30% des droits à construire adopté en première lecture est rétabli. Dans le cadre d'une procédure accélérée, comme c'est le cas ici, l'ultime vote de l'Assemblée vaut adoption définitive par le Parlement. A noter que le texte a une date de validité de trois ans, jusqu'en 2015.
    Pour consulter le texte adopté le 6 mars, cliquez ici.
    Les dates clés de la loi sur la majoration des droits à construire

    Que prévoit la loi sur la majoration des droits à construire ?

    Le texte prévoit une majoration de 30% "des droits à construire résultant des règles de gabarit, de hauteur, d'emprise au sol ou de coefficient d'occupation des sol* (COS) fixées par le plan d'occupation des sols ou le plan d'aménagement de zone". En termes plus clairs, il permet d'augmenter de 30% la surface constructible sur un même terrain.
    *Le COS est fixé par la commune sur un secteur donné et inscrit dans le plan local d'urbanisme ou le plan d'occupation des sols. Il s'agit d'un coefficient qui détermine le nombre de m2 constructibles en fonction de la surface du terrain : c'est lui qui fixe la densité maximale de construction sur un terrain.
    Si l'on possède un terrain de 100m2 avec un COS d'une valeur de 1, cela signifie que l'on peut construire une maison ou un bâtiment d'une surface de 100m2 maximum. Donc, plus on augmente le COS, et plus on accroît la surface constructible du terrain.
    Attention toutefois, car toutes les communes ne possèdent pas de COS. Dans ce cas, la majoration s'applique aux règles de gabarit, de hauteur, d'emprise au sol qui sont, elles-aussi, fixées par le plan d'occupation des sols ou le plan d'aménagement de zone. Concrètement, si la règle de hauteur est fixée à 2 mètres, elle pourra passer à 2,60 mètres.
    Que prévoit la loi sur la majoration des droits à construire ?

    Qui est concerné par la loi sur la majoration des droits à construire ?

    Au niveau des communes : toutes les communes dotées d'un plan local d'urbanisme, d'un plan d'occupation des sols ou d'un plan d'aménagement de zone en vigueur à la date de promulgation de la loi sont concernées.
    Au niveau des propriétaires : la loi concerne tous les propriétaires de logements existants - maison ou appartement - et de terrains constructibles : particuliers, promoteurs immobiliers et opérateurs de HLM. A noter qu'elle peut aussi s'appliquer dans le cadre des copropriétés sous réserve, bien sûr, que tous les copropriétaires soient d'accord.
    Au niveau du terrain : le terrain ne doit répondre qu'à un seul impératif : être constructible.
    Exceptions : si l'éventail des biens concernés est très large, il y a quand même des exceptions. Certes, elles sont peu nombreuses mais elles méritent quand même d'être signalées.
    Cas dans lesquels la majoration ne peut pas s'appliquer :
    - Si le terrain est situé dans les zones A, B ou C des plans d'exposition au bruit
    - Si le terrain est situé dans un secteur sauvegardé
    A noter, par ailleurs, que la majoration ne peut pas non plus s'appliquer si elle entraîne la modification d'une règle édictée par l'une des servitudes d'utilité publique. Enfin, elle ne peut pas aller à l'encontre des règles d'urbanisme en vigueur dans la commune.
    Qui est concerné par la loi sur la majoration des droits à construire ?

    Comment et quand sera-t-elle appliquée ?

    L'application de cette loi est très encadrée puisqu'elle ne peut intervenir qu'après une consultation du public. Toutes les communes sont invitées à élaborer, dans un délai de six mois, une note d'information présentant les conséquences de l'application de la majoration. Cette dernière devra être affichée pendant un mois afin de laisser le temps aux habitants d'en prendre connaissance et de faire, s'ils le souhaitent, des observations.
    A charge ensuite pour la commune d'en faire la synthèse et de la présenter au conseil municipal ou à l'organe délibérant de l'établissement public de coopération intercommunale. La loi pourra être appliquée huit jours à compter de la date de cette séance et, au plus tard neuf mois à compter de sa promulgation, à tous les permis de construire déposés avant le 1er janvier 2016.

    La commune a son mot à dire...

    Lors de cette séance, il peut être décidé que la majoration ne s'applique pas ou ne s'applique seulement qu'à une partie de la ou des communes concernées. Les communes gardent ainsi la main sur leurs stratégies locales d'urbanisme. D'ailleurs, lorsqu'il avait soumis l'idée de ce texte, Nicolas Sarkozy avait d'emblée précisé qu'il garantirait "le respect du principe de libre administration des collectivités locales". Un engagement respecté qui ne suffit cependant pas à satisfaire certains élus, à l'instar de Michel Raymond, maire de la commune de Trévoux, dans le département de l'Ain, et conseiller régional.
    Pour lui, le fait que les promoteurs immobiliers soient également concernés par la loi représente un danger. "La majoration de 30% des droits à construire est une aberration qui risque de défigurer nos villes et nos villages. J'invite les maires à s'y opposer", a-t-il déclaré au lendemain de l'adoption du texte.
    Comment et quand sera-t-elle appliquée ?

    A quoi la loi sur la majoration des droits à construire ?

    Le projet de loi a été élaboré pour deux raisons : d'une part, pour relancer le secteur de la construction qui a fortement pâti depuis le début de la crise économique, et d'autre part, pour tenter d'endiguer la crise du logement. Le gouvernement espère en effet que cette majoration aura pour effet de créer des logements supplémentaires - selon lui, près de 40.000 logements supplémentaires par an pourraient être créés - et aussi, conséquence logique, de faire baisser les prix de l'immobilier.
    Est-ce possible ? Oui, selon le Pdg de Century 21, Laurent Vimont, qui affirme que l'augmentation de 30% du nombre de logements fera diminuer les prix. Bémol ? "Les effets positifs se feront surtout sentir dans la construction neuve, les particuliers n'ont pas obligatoirement besoin de s'agrandir", indiquait-il dans les colonnes du journal Le Monde.
    A quoi la loi sur la majoration des droits à construire ?

    Un projet qui suscite de multiples réactions

    Depuis l'annonce de l'élaboration de ce projet de loi, les réactions se multiplient au sein de la classe politique et des associations. Si les acteurs du bâtiment, en particulier les artisans et les constructeurs, se frottent les mains, certains maires, notamment ceux de l'opposition, voient ce projet de loi d'un très mauvais œil.
    Une "bonne idée" pour les uns, une "aberration" pour les autres
    "Cela va dans le sens de la densification et des lois du Grenelle 2", soulignait Didier Ridoret, président de la Fédération française du bâtiment (FFB) au lendemain de l'annonce de Nicolas Sarkozy. Un point de vue que ne partage pas du tout le maire de la commune de Trévoux, dans le département de l'Ain. "Décréter qu'à Paris l'on peut ajouter automatiquement et partout 30% de construction est un non-sens, une aberration sur le plan urbain, une négation du travail approfondi fait localement", a-t-il récemment indiqué dans un communiqué de presse.
    Un avis partagé par France Nature Environnement qui considère que relever les droits à construire est "déraisonnable" et "contradictoire avec la politique de lutte contre l'étalement urbain". Par ailleurs, l'association craint que la mesure accroisse l'imperméabilisation des sols et la pression sur la biodiversité.
    Du côté des architectes, on pense qu'il s'agit d' "une fausse bonne idée, car on sait tous que c'est le prix du terrain qui arbitrera", confiait la présidente de l'Union nationale des syndicats français d'architectes (Unsfa), Marie-Françoise Manière interviewée le 23 février dernier par Batiactu.com.
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