Le béton en fibres de lin, nouveau champ des possibles

    Publié le 23 avril 2015 par Céline Galoffre
    Btonlin
    Btonlin © Btonlin
    Après le béton translucide, le béton drainant, voici le béton lin. Ingénieurs, scientifiques et industriels travaillent actuellement à la création d'un matériau biosourcé qui remplacerait les fibres de verre et fibres métalliques habituellement présentes dans le béton par des fibres de lin. Explications avec les porteurs du projet.
    Avec 500.000 tonnes par an de lin textile, la France est le premier producteur mondial. Depuis quelques années, cette culture connaît des difficultés en raison d'une demande moins forte de la part de son principal acheteur : la Chine. De son côté, le béton reste le matériau de construction le plus utilisé dans le monde.
    A partir de ces deux constats, la création d'un béton à base de fibres de lin a progressivement émergé. "C'est une rencontre d'idées de différents laboratoires", souligne Matthieu Dufeu, ingénieur R&D pour l'entreprise CMEG qui pilote le projet. Et de poursuivre : "Notre société travaille sur l'intégration de fibres dans les matrices composites dans différents domaines comme l'aéronautique ou l'automobile... A l'Esit (école d'ingénieur), ils sont spécialisés dans le BTP. On a donc décidé d'associer nos compétences dans le programme Btonlin". Partant du postulat qu'il fallait avoir un temps d'avance sur la réglementation et les labels, tous ont réfléchi à un produit qui diminuerait l'impact environnemental des bétons. Un objectif atteignable si "l'on utilisait la fibre de lin au lieu des armatures de fibre de verre ou métalliques", selon l'ingénieur.

    Phase d'optimisation

    Le programme, doté de 510.215 euros sur deux ans, a donc démarré au sein du laboratoire de recherche de l'ESITC Caen avec, en ligne de mire, la mise au point d'un béton composé de fibres végétales pouvant supporter une application structurelle. Actuellement en phase d'ajustement, le produit Btonlin est bien avancé. "Nous sommes dans l'étape d'optimisation, nous confie Mohamed Boutouil, directeur de la recherche de l'ESITC Caen. Désormais, nous devons trouver l'équilibre entre le volume et la longueur des fibres de lin à introduire. Sur ce dernier point, elles oscillent entre 1,5 et 3,5 cm. Mais il faut trouver un optimum pour la maniabilité et la résistance, et faire attention avec les fibres car plus on en met, plus elles se mettent en boules et après la matière est moins facile à manipuler. De plus, nous devons penser à disperser le lin dans le béton afin qu'il joue un rôle anti-fissuration".

    Un calendrier jusqu'en 2016

    Les chercheurs tentent donc d'améliorer le procédé afin de présenter un produit ayant la même résistance mécanique qu'un béton classique. Actuellement, le niveau de flexion s'établit entre 2,5 et 3 mégapascal et celui de compression entre 25 et 30 mégapascal : "Il s'agit de la performance laboratoire, il faudra adapter le produit par la suite en fonction de comment l'entreprise souhaite le mettre en œuvre", précise le chercheur.
    Côté calendrier, l'année 2015 sera consacrée à la recherche et au développement. En 2016, une pièce à l'échelle 1 en usine sera fabriquée. Entre temps, les chercheurs devront résoudre plusieurs questions : comment le produit vieillira-t-il ? Comment la fibre va-t-elle se dégrader dans la matrice ? Des interrogations qui sont autant de défis pour un secteur (BTP), mais aussi une filière.

    Un partenariat à quatre têtes

    - L'entreprise CMEG est spécialisée dans la préfabrication de panneaux de façades et de bardage en Composite Ciment Verre. Son rôle est d'améliorer les parements bétons (fissuration, homogénéité) et proposer des bétons à l'impact environnemental réduit.
    - L'entreprise Teillage Vandecandelaère a un long savoir-faire dans la production et la préparation de fibres de lin et de semi-produits pour matériaux composites. Elle contribue à la diversification de l'emploi des fibres de lin.
    - L'ESITC Caen, pour sa part, mène depuis longtemps des recherches sur la formulation et caractérisation des éco-matériaux de construction.
    - Le CNRT Matériaux (Centre National de Recherche Technologique) - Division Laboratoire de CRIstallographie et Sciences des MATériaux, (CRISMAT )
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