La taxe carbone en questions

    Publié le 30 juillet 2009 par Pauline Polgar
    Le collège d'experts réunis autour de Michel Rocard pour étudier la faisabilité d'une contribution climat-énergie a rendu sa copie ce mardi. Pourquoi cette taxe ? Qui en sera redevable ? De combien ? Détails du rapport.
    Contribution climat-énergie (CCE), appelée plus couramment taxe carbone : l'idée est de relever le coût des énergies polluantes, pour influer sur les habitudes et réduire ainsi les émissions de gaz à effet de serre. Dans le cadre du Grenelle de l'Environnement, la France s'est en effet engager à les diviser par quatre d'ici 2050. Un pari d'envergure, mais nécessaire à la planète ! Pour étudier la faisabilité et les modalités que pourraient prendre une telle taxe, l'ancien Premier ministre socialiste Michel Rocard a été chargé de réunir un collège d'experts indépendants, dont le rapport a été remis mardi à Jean-Louis Borloo, Chantal Jouanno et Christine Lagarde. En résumé : oui, une telle taxe peut et doit être mise en place. Reste à en déterminer et à en faire accepter les limites et les modalités, plusieurs pistes étant suggérées dans le rapport. Celle-ci ne devrait vraisemblablement pas être prête cependant pour 2010, en raison de la complexité du travail administratif, a estimé l'ancien premier ministre.
    Cliquez sur suivant pour découvrir les principales lignes du rapport de Michel Rocard.
    La taxe carbone en questions

    Quelles sont les énergies concernées ?

    Dans un premier temps, seules énergies fossiles sont concernées, c'est-à-dire celles utilisées pour les transports et le chauffage des bâtiments. Le ministère de l'Ecologie, de l'Energie, du Développement durable et de la Mer a précisé que cette taxe concernait "tous les secteurs non soumis au marché des permis de CO2, à prélèvements obligatoires constants, de façon à préserver le pouvoir d'achat des ménages et améliorer la compétitivité des entreprises". La taxation ne concerne donc pas l'électricité, les experts ayant notamment souligné que les producteurs d'électricité étaient déjà soumis aux permis d'émission de CO2. "Cela n'a pas de sens de taxer l'électricité alors qu'elle n'est produite qu'en faible partie à partir de combustible fossile", a déclaré Colette Lewiner, analyste chez Capgemini.
    Michel Rocard a cependant suggéré la possibilité d'instaurer des tarifs différenciés aux heures de pointe, afin d'éviter les pics de consommation d'électricité qui engendrent le recours à des centrales extrêmement polluantes.
    Quelles sont les énergies concernées ?

    Qui touchera-t-elle ?

    Ainsi, entreprises comme particuliers seront soumis au paiement de la CCE. Pour les ménages, cela signifie une hausse des factures d'essence, de fioul, de charbon, de gaz, et comme vu précédemment, peut-être l'électricité. Ce, afin qu'en plus de la réduction des émissions d'origine industrielle, se couple un changement d'attitude de la part des particuliers : moins de voiture, travaux pour améliorer l'isolation des habitats, économies de chauffage, etc.
    Qui touchera-t-elle ?

    A combien s'élèvera la taxe ?

    Le rapport de 84 pages suggère de taxer le CO2 émis par le transport et l'habitat à hauteur de 32 euros par tonne. Ensuite, une hausse de 5% par an serait mise en place pour atteindre 100 euros par tonne en 2030. Idem pour les entreprises, même si le rapport demande que soient exonérés de cette mesure les sociétés les plus gourmandes en énergie, car elles sont déjà soumises au marché européen des quotas d'émissions. Au total, la taxe devrait générer entre 8 et 9 milliards d'euros la première année, qui seront entièrement redistribués.
    Concrètement, selon Michel Rocard, cette taxe augmenterait par exemple le litre de carburant à la pompe d'environ 7 centimes et impliquerait une augmentation d'environ 15% du prix du gaz de ville vendu en France. Pour pallier l'impact de ces hausses sur le pouvoir d'achat des ménages, Michel Rocard insiste sur le fait que "les modalités de la compensation doivent en tenir compte très précisément." Pour les ménages des classes moyennes et des classes populaires particulièrement touchées, cette compensation doit venir notamment pour lui, "justement du produit de la CCE." Et surtout, il faut également ne pas oublier que dans les critères de taxation "le niveau de revenu" soit complété avec d'autres, "tel que l'éloignement, l'habitat en zone rurale, ou les horaires de travail atypiques."
    A combien s'élèvera la taxe ?

    Comment faire accepter cette taxe aux Français ? Quelle compensation ?

    Même si elle semble globalement faire consensus sur le fond, pour l'ancien Premier ministre, trois conditions politiques sous-tendent l'acceptation d'une telle taxe sur la forme, "faute de quoi la France se déchirerait en conflits d'une rare intensité". Ces conditions sont : "tout le monde participe à l'effort" ; seule "la lutte contre les dangers du réchauffement climatique" doit la justifier et en aucun cas combler le trou fiscal (réponse à ceux qui pensent qu'elle viendrait pallier la suppression de la taxe professionnelle) ; son acception tient enfin également à "la visibilité de la pertinence du système" soit à la cohérence des politiques environnementales dans la lutte contre le réchauffement climatique qui doit avoir une vision globale et non par à-coups.
    Enfin, Michel Rocard précise qu'une Commission de la contribution climat-énergie devra être mise en place, dont la principale mission sera "l'évaluation permanente du système".
    Comment faire accepter cette taxe aux Français ? Quelle compensation ?

    Réactions politiques et des associations de consommateurs

    Le PS a indiqué qu'il soutenait les propositions du rapport mené par l'ancien Premier ministre socialiste, mais qu'il veillerait "à ce que le gouvernement n'en dévoie pas les principes". La CCE "ne peut se substituer à la suppression de la taxe professionnelle ni être prétexte, comme le souhaitent les lobbies économiques déjà à l'œuvre, à un transfert de charges des entreprises vers les ménages", a indiqué a indiqué Laurence Rossignol, secrétaire nationale PS à l'environnement. De plus, le produit de la contribution "doit être exclusivement affecté à l'équité contributive et aux investissements nécessaires pour soutenir les énergies renouvelables et initier une politique industrielle ambitieuse dans une économie décarbonée et sobre en énergie".
    Du côté des associations de consommateurs, l'UFC-Que choisir craint un "hold-up fiscal", au détriment des particuliers : "l'Etat va prélever plusieurs milliards d'euros sur les consommateurs, explique l'association, leur restituera une partie et en gardera une part substantielle pour son budget général ou pour baisser les taxes sur les entreprises." Et d'ajouter dans son communiqué : "Il ne fait nul doute que plus la taxe augmentera, car c'est sa vocation, plus l'Etat captera la recette fiscale au détriment des consommateurs." Pour la CLCV, si, sur le principe elle se déclare "favorable à une refonte de notre fiscalité pour tenir davantage compte des impacts environnementaux et sociaux des produits et services", elle se dit "néanmoins sceptique et vigilante sur l'évolution actuelle des travaux" sur cette nouvelle taxe carbone, craignant notamment pour le pouvoir d'achat des familles modestes, durement touchés, qui n'auraient pas les moyens de changer de comportements.
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    Réactions politiques et des associations de consommateurs
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