Acheter/louer : "le raisonnement financier doit venir en second"

    Publié le 19 juillet 2007 par Propos recueillis par Pauline Polgar
    Quelle est la situation du pouvoir d'achat immobilier en France ? Quelles sont les bonnes questions à se poser pour arbitrer son choix entre la location et l'achat ? Maison à part a interrogé Geoffroy Bragadir, fondateur d'Empruntis.com, société de courtage en ligne.
    Une pièce. Petite certes, mais 10 m2 en moins tout de même. En 6 mois en Ile de France, la surface d'achat s'est réduite à ce point, selon la dernière étude Empruntis / Bipe datée du 28 juin 2007. Face à des prix élevés et la hausse des taux d'intérêt, la surface d'achat en pâtit.
    Un critère de plus qui pourrait faire pencher la balance vers la location aux dépens de l'achat. Mais dans un même temps, des mesures incitatives à l'achat sont prises par le Gouvernement. Comment s'y retrouver ? Quelles sont les bonnes questions à se poser pour arbitrer son choix ? Les réponses de Geoffroy Bragadir, fondateur d'Empruntis.com, société de courtage en ligne.
    CONTEXTE ACTUEL DU MARCHE
    Maison à part : Quelle est la situation actuelle du marché immobilier en France ?
    Geoffroy Bragadir : Le marché immobilier est très élevé, il a connu une hausse de +123% entre 1998 et 2006. On table sur un atterrissage en douceur de cette augmentation pour 2007 comprise entre 0 et 3%. Mais la stabilisation s'effectue à un haut niveau. Par rapport à nos pays voisins, nous sommes toujours relativement en retard au niveau des prix (à Londres, par exemple, ils sont encore bien supérieurs). Ainsi, même si nous sommes en haut d'un cycle, ils vont probablement continuer à grimper. Voilà pour la situation globale.
    MAP : Et par là même, la situation du pouvoir d'achat ?
    G. B. : Il y a notamment deux tendances contradictoires. D'un côté, les dispositions récentes redonnent du pouvoir d'achat aux Français (NDLR : le crédit d'impôt sur les intérêts des emprunts immobilier). Nos études parlent notamment d'un gain de 1 à 4 m2 de surface. Bien sûr, cela ne compense pas la perte enregistrée depuis quelques années. Mais ce n'était pas là l'objectif premier de ces mesures. Ce dernier est de faire de la France un "pays de propriétaires". Ainsi, les banques pourront prendre en compte ce bonus fiscal pour "resolvabiliser" certains ménages (qu'on évalue de 20 000 à 30.000).
    L'effet de cette mesure sera sans doute de "ralentir le ralentissement" de la hausse des prix. Avant nous tablions sur 2%. En les prenant en compte aujourd'hui, nous prévoyons de 0 à 3% d'augmentation. Le marché du neuf comportant tellement de facteurs, ce n'est pas le bonus fiscal qui pourra le modifier. En revanche, sur l'ancien, le vendeur risque d'avoir la tentation d'en capter une partie. Là se situe la problématique : s'il l'inclut dans son prix. Pour autant, il ne devrait pas y avoir de tentation inflationniste dans la mesure où, par le passé, des expériences du même type n'ont pas eu cette influence.
    MAP : Et l'autre phénomène ?
    G.B. : Il existe un mécanisme inverse : la hausse des taux de crédits immobiliers. Celle-ci diminuera le nombre de ménages potentiellement "resolvabilisés" par le bonus fiscal, passant de 30.000 à 10.000. Pour un taux fixe sur 15 ans, on ne trouve rien en dessous de 4,5%. Mais, si l'on prend une photo aujourd'hui, les taux de crédits restent historiquement bas par rapport aux niveaux atteints il y a une quinzaine d'années. Nos parents avaient des taux de crédits autrement plus importants.
    MAP : D'autres facteurs entrent en compte…
    G.B. : En effet, le prix de la location augmente également. Prenons, par exemple, ma situation personnelle. Je suis locataire depuis un certain temps du même appartement, mes voisins d'immeuble, en dessous de chez moi, louent 70% plus cher pour les mêmes surface et configuration que moi ! Le jour où je pars, mon propriétaire m'embrasse !
    Pour la suite de l'interview, cliquez sur suivant... Geoffroy Bragadir vous donne les conseils pour bien arbitrer.
    Acheter/louer : "le raisonnement financier doit venir en second"

    Les conseils pour arbitrer

    empruntis impact durée coût crédit 2007
    empruntis impact durée coût crédit 2007 © Empruntis/BIPE juin 2007
    MAP : Quels conseils donneriez-vous à un particulier qui s'interroge sur le fait d'acheter ?
    G.B. : Quand on achète aujourd'hui, il ne faut pas commencer par un raisonnement financier ! La question fondamentale à se poser, c'est quel est le prix accordé à la jouissance d'être propriétaire ? C'est une valeur que l'on passe toujours sous silence au milieu d'une quantité de calculs de taux, de crédits, de suppositions difficiles - pour ne pas dire impossibles à faire (surtout au-delà de deux ou trois ans). Il faut pourtant se poser la question de son avenir dans les 5 et 10 prochaines années. Si l'on doit déménager dans les deux ans, la location n'est pas un mauvais pari car elle coûtera moins cher. Mais si c'est pour sa résidence définitive, pourquoi pas ?
    MAP : Quels sont les facteurs d'arbitrage pour le particulier ?
    G.B. : Il y a trois facteurs d'arbitrage entre la location et l'achat : la surface - vous voulez vivre à Paris intra-muros, ce ne sera pas forcément dans les 100 m2 escomptés - la durée de votre emprunt - en moyenne, il dure 21 ans - et enfin la localisation - choisir la banlieue coûtera moins cher, le phénomène TGV bouleverse également les choses. L'arbitrage entre les deux revient à un choix de vie : par exemple, si je veux absolument habiter Paris, certaines concessions devront se faire.
    MAP : Y a-t-il d'importantes différences entre les régions ?
    G.B. : Il y a une différence de pouvoir d'achat entre les régions, mais surtout liées à des considérations sociodémographiques. Vous vous doutez bien qu'entre la Creuse et Paris, la capacité d'achat n'est pas la même ! Mais ce qu'il y a d'intéressant, c'est notamment le fait que la politique des taux d'intérêt n'est pas la même partout. D'une région à une autre la différence peut atteindre 0,40%. C'est l'intérêt de recourir à un courtier : il cherchera le meilleur taux, la meilleure solution pour votre achat, de quel type de produit vous avez besoin et ce, dans tout le pays.
    MAP : Peut-on se lancer dans l'achat sans apport ?
    G.B. : On ne peut pas nier que l'adage « on ne prête qu'aux riches » se vérifie. L'écart entre une bonne et une meilleure offre peut être important. C'est la réalité du marché, une banque trouvera un profil moins risqué en cas d'apport... Pour avoir un meilleur taux, cela joue évidemment.
    L'ACHAT PLUS CHER QUE LA LOCATION ?
    MAP : Dans le contexte de marché actuel, quel est le plus cher, l'achat ou la location ?
    G.B. : Fort de ce constat d'existence de facteurs difficilement - voire impossible - à déterminer à l'avance (déménagement, divorce, mutation professionnelle etc.) et toutes choses égales par ailleurs, nous avons essayé de mesurer le coût instantané d'une location et d'un achat pour le même bien immobilier. Ce ratio montre qu'à Paris, pour un loyer de 1000 €, nous avions un appartement qui, à l'achat, nous reviendrait à 1320 €/mois, pour une durée de crédit d'en moyenne 21 ans. Mais cela ne reste qu'une vision instantanée.
    MAP : Cela dépend notamment de la durée de son crédit ?
    G.B. : Le fait est que l'on s'endette pour très longtemps, la revente aura donc sans doute lieu avant la fin de son crédit. Sachant que la part du capital remboursé dépend de la durée du crédit prévue au départ, nous l'avons calculée au bout de 5 ans. Pour un crédit de 20 ans, elle est de 18%, à 30 ans, elle passe à 9%, à 40 ans 5% et à 50 ans, 3 % ! Le crédit sur 20 ans coûte environ 73.000 € et sur 50 ans, on dépasse 250.000 € ! Cela veut dire quoi ? Que si l'engagement porte sur un crédit étalé sur 50 ans, qu'entre temps le marché de l'immobilier a baissé de 10% en 5 ans et que l'on est obligé de revendre, non seulement nous n'aurions effectué que 3% de l'achat mais en plus nous effectuerions une moins value. Et serions seulement en situation d'acheter plus petit. Aujourd'hui de plus en plus de jeunes se lancent dans l'achat, avec un risque important de déconvenues.
    Il faut donc faire attention à se poser les bonnes questions lors du choix de la durée son crédit. Aujourd'hui, sur l'année 2007, le marché se stabilise et il n'y a aucun signe de redémarrage fort de l'immobilier en 2008. La hausse des taux est compensée pour partie par les mesures fiscales. On peut donc acheter, mais on ne peut dire à l'avance si l'achat sera bon, trop de facteurs personnels entrent en compte. On ne le saura que dix ans après.
    Cliquez sur suivant pour des graphiques de l'étude Empruntis/Bipe de juin 2007.
    Les conseils pour arbitrer

    Des taux en hausse

    hausse des taux d'intérêt empruntis
    hausse des taux d'intérêt empruntis © Empruntis/ Bipe Juin 2007
    Les taux d'intérêt remontent mais restent tout de même en deçà des taux pratiqués il y a une dizaine d'années.
    Des taux en hausse

    Des disparités régionales

    carte crédit immobilier disparité régionale
    carte crédit immobilier disparité régionale © Empruntis/Bipe juin 2007
    D'une région à l'autre, selon l'étude Empruntis/Bipe, la différence peut atteindre 0,40%.
    Des disparités régionales

    Stabilisation du montant d'achat moyen d'un bien

    montant d'achat moyen empruntis
    montant d'achat moyen empruntis © Empruntis/Bipe juin 2007
    L'étude montre que le montant moyen a augementé en 2006 d'environ 5% par rapport à 2005.
    Stabilisation du montant d'achat moyen d'un bien

    Une surface d'achat qui se réduit

    diminution surface achat empruntis
    diminution surface achat empruntis © Empruntis/Bipe juin 2007
    Prix élevés et hausse des taux d'intérêts : la surface d'achat diminue.
    Une surface d'achat qui se réduit

    Bonus fiscal : les réductions potentielles

    bonus fiscal les plafonds empruntis
    bonus fiscal les plafonds empruntis © Empruntis / Bipe juin 2007
    Les crédits d'impôts sur les intérêts des emprunts immobiliers, plafonnés par an, concernent les propriétaires les cinq premières années de l'achat ou de la construction de leur résidence principale.
    Bonus fiscal : les réductions potentielles

    Crédit immobilier : photographie régionale

    photographie régionale credit empruntis
    photographie régionale credit empruntis © Empruntis / Bipe juin 2007
    Cliquez sur zoom pour voir le graphique.
    Crédit immobilier : photographie régionale
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