Guillaume Poitrinal annonce la révolution du bois massif

    Publié le 18 octobre 2013 par Propos recueillis par Pauline Polgar
    Dans un long entretien, Guillaume Poitrinal, l'ancien président du directoire d'Unibail-Rodamco, nous confie se lancer un nouveau défi, et là où on ne l'attendait pas forcément : dans la construction en bois massif. Il a en effet pris la tête de l'entreprise Woodeum & Cie, qui devient l'agent commercial exclusif de l'offre CLT Strora Enso, leader européen. Rencontre.
    Là où on ne l'attendait pas, quoique. Ceux qui le connaissent diraient que cela ne les surprend guère : Guillaume Poitrinal est un homme de projets, sans cesse en mouvement. Et plus le défi est grand, plus il le relèvera. Après l'avoir quitté quelques semaines avant son départ d'Unibail-Rodamco - entreprise du CAC 40 qu'il a hissée et laissée au plus haut - et en tant qu'auteur de l'ouvrage "Plus vite, la France malade de son temps", nous le retrouvons dans les bureaux de Woodeum&Cie. Woodeum, un spécialiste de la construction bois et qui compte moins d'une dizaine de salariés - contre 1.500 auparavant !

    Woodeum, agent commercial exclusif de Stora Enso

    Un Guillaume Poitrinal plus en forme que jamais, passionné et prêt pour une révolution : celle du bois massif. Et sans plus attendre, il nous annonce que Woodeum devient le partenaire commercial exclusif du groupe Stora Enso, premier producteur de bois scié en Europe - C.A. de 11 milliards €, 30.000 salariés et une capitalisation boursière de 4,2 milliards € -, pour qui il va promouvoir et lancer les chantiers de technologie constructive CLT (Cross Laminated Timber).
    L'on ne doit pas perdre une minute, la France n'a pas le temps, elle doit rattraper son retard ! Le bois ne représente environ que 10 % de la construction hexagonale et le temps, on l'a compris, est un facteur clé.
    "Dans les 18 ans de ma vie de promoteur immobilier, j'ai eu des petits et des grands projets et, pour chacun, j'ai été confronté à quatre grands défis, nous raconte-t-il. Ces défis sont : l'écologie - même si l'on a été bon sur la performance énergétique, nous sommes en retard sur la performance du matériau lui-même ; les nuisances de chantier : le public, les autorités, etc, les supportent de moins en moins, ce qui conduit à des situations absurdes comme des chantiers arrêtés ou suspendus par des maires qui en ont besoin ; la rapidité : le monde change plus vite, il faut donc construire encore plus rapidement ; et enfin, l'évolutivité : aujourd'hui, on nous demande de faire évoluer les squelettes des bâtiments". Et d'asséner : "Le CLT offre une solution à ces quatre défis."
    Quels sont les arguments de Guillaume Poitrinal et quels sont ses projets en cours ? La suite de l'article en page suivante.
    Guillaume Poitrinal annonce la révolution du bois massif

    Le CLT, un matériau aux multiples qualités

    Centre commercial G3 - Gerasdorf - Autriche - 2012
    Centre commercial G3 - Gerasdorf - Autriche - 2012 © Centre commercial G3 en Autriche, réalisé en CLT - Stora Enso
    "Avec le CLT, on gagne du temps sur la construction, avec des chantiers deux fois plus courts, on divise la rotation des camions par cinq !"
    Le CLT, ce sont des voiles de bois massif assemblées à plis croisés qui forment des murs porteurs ou des planchers. Les panneaux préfabriqués et prédécoupés peuvent atteindre 16 m de long pour 2,95 m de large.
    Matériau léger et porteur, 99% naturel, entièrement recyclable, structurellement isolant, à haute performance énergétique, il piège le CO2 pour une durée illimitée - "c'est l'élément qui m'a le plus impressionné, raconte Guillaume Poitrinal : dans le bâtiment, nous sommes fortement émetteur de CO2, cela change avec le CLT : nous étions pollueurs, nous avons la chance de pouvoir devenir dépollueur." Simple et rapide à poser, il permet également une grande évolutivité.
    Chantier deux fois plus rapide, division des rotations des camions par cinq
    "Avec le CLT, on gagne du temps sur la construction, avec des chantiers deux fois plus courts - gain de 40 à 60% en moyenne de temps pour le chantier de la superstructure et de 30 à 50% sur l'achèvement tout corps d'état - on divise la rotation des camions par cinq !". Et le matériau peut se prêter à toutes sortes de projets, notamment ceux de grande envergure, car il allie la performance technique en matière de reprise de charge, d'isolation et de capacité de surélévation.
    Des exemples : en Italie, à Milan, le programme Polaris s'achève en 2014. Il représente quatre bâtiments, comptant neuf étages chacun, dont la structure est entièrement réalisée en CLT Stora Enso. A Londres, c'est le siège de Google Europe, un symbole, qui sera réalisé en CLT. Au Royaume-Uni d'ailleurs, en 2010, le pays comptait deux fois plus de bâtiments en CLT qu'en France.
    Voir notre reportage, Une maison en bois massif montée en 4 jours.
    Le CLT face aux critiques et les projets en cours en pages suivantes
    Le CLT, un matériau aux multiples qualités

    Le CLT face aux critiques

    signature Poitrinal Stora Enso
    signature Poitrinal Stora Enso © Woodeum
    "Si j'étais encore promoteur, oui je paierais le surcoût, sans hésiter !"
    Et Guillaume Poitrinal et ses ingénieurs ont réponse à tout. La résistance au feu ? L'hygrométrie ? L'isolation acoustique ? "Tous les agréments ont été passés. Oui, le bois brûle, à 400° C, et il ne transmet pas tout de suite la chaleur - soit vingt fois moins vite que le béton armé conventionnel - et cela laisse le temps aux pompiers d'intervenir. Quand le feu atteint 1000° C dans une pièce, dans la pièce d'à côté, séparée par du CLT, la température reste à 20°C un certain temps."
    "Si j'étais encore promoteur, oui je paierais le surcoût, sans hésiter !"
    Et le coût ? "C'est une vraie question. Oui, il y a surcoût par rapport à des matériaux traditionnels. En France, c'est 50 à 200 € le m2 plus cher", reconnaît l'ancien grand patron du CAC 40. "Mais c'est avant d'avoir pris en compte le nombre d'économies que le CLT permet de réaliser : moins d'isolation, de fondations et des corps d'état secondaires simplifiés. Prenons un bâtiment en ÃŽle-de-France, son prix de revient est compris entre 4.000 et 6.000 € le m2. Prenons une hypothèse conservatrice. Disons que le CLT est 100 €/m2 plus cher, cela reviendra à un surcoût de 2%, mais on aura livré six mois plus tôt et si je loue à 400 €/m2, j'ai déjà gagné deux fois le surcoût en loyer. En plus, je m'insère dans un éco-quartier de manière parfaite... Alors oui, je vous dis oui, tous les jours, je paierais les 2% de plus !" Et d'ajouter : "L'analyse économique est aujourd'hui favorable au CLT."
    Les projets Woodeum en cours en page suivante
    Le CLT face aux critiques

    Les projets Woodeum en cours

    projet Woodeum/JPViguier
    projet Woodeum/JPViguier © Le projet Woodeum/Jean Paul Viguier - JP Viguier et Associés
    "Ce matériau apporte énormément aussi d'un point de vue architectural"
    Pour lancer sa révolution, Guillaume Poitrinal et donc Woodeum veulent mettre tous les atouts de leur côté et donc, s'allier avec les meilleurs : Stora Enso, on l'a dit pour le matériau, mais aussi en partenaires techniques, Setec en soutien technique, Socotec, pour la réglementation, un professeur de l'Ecole des Ponts et Chaussées pour les données économiques et techniques, Saint-Gobain, pour l'isolation acoustique, et Franck Boutté Consultants pour l'ingénierie environnementale.
    "Ce matériau apporte énormément aussi d'un point de vue architectural", ajoute Guillaume Poitrinal. Et d'annoncer que du côté des architectes, Jean-Paul Viguier et Jean-Michel Wilmotte planchent chacun sur un projet. Le premier prototype concerne un immeuble urbain R+6, R+7. Celui de Wilmotte devrait démarrer au premier trimestre 2014. Il cible, quant à lui, des quartiers résidentiels avec du R+2.
    Et la maison individuelle ? "Le bois marche bien en maison individuelle, mais pour le CLT, il va y avoir une grosse concurrence de l'ossature bois. Mais tant mieux ! Il y aura aussi des choses à faire en CLT pour la maison individuelle aussi." Cela viendra.
    "Le marché est prêt", la fin de l'entretien avec Guillaume Poitrinal, en page suivante.
    Les projets Woodeum en cours

    La révolution est pour bientôt

    projet en allemagne CLT Stora Enso
    projet en allemagne CLT Stora Enso © Grundschule, Allemagne - CLT - Stora Enso 2012
    "Le marché est prêt"
    Au-delà de son entreprise, c'est aussi toute la filière bois qui devrait profiter de l'arrivée de ce nouvel acteur qui dit se mettre "à la fois au service de la filière en plus des développements de ses propres projets." A noter d'ailleurs que le président de Woodeum nous annonce avoir conclu avec Stora Enso, que ce dernier s'est engagé à étudier l'implantation d'un site industriel en France dès lors qu'est dépassé un certain volume de CLT vendu.
    La culture de la construction en bois en France ne demande qu'à se répandre : "Il est temps aujourd'hui de lancer une alternative aux modes de construction traditionnelle. Et il y aura des 'hybrides', car chaque matériau a ses avantages et ses inconvénients. Le marché est prêt".
    Ce qu'il y a de sûr, c'est que l'on n'arrêtera pas Guillaume Poitrinal comme cela : pétri de projets, il se donne les moyens de réussir. "La culture du bois existe en France, mais elle reste encore dans l' 'entre-soi', même si cela commence à faire son chemin. Le marché est prêt et se créera par la demande. Vu le potentiel et l'urgence, il faut y aller !"
    La révolution est pour bientôt
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