Global Award 2011 : une architecture engagée au service de l'humain

    Publié le 25 mai 2011 par Pauline Polgar
    Pour sa cinquième édition, et tandis qu'il se place désormais sous le haut patronage de l'Unesco, le Prix de l'Architecture Durable (Global Award for Sustainable Architecture) affirme plus que jamais ses fondamentaux : promouvoir l'architecture durable sous toutes ses facettes. Illustration avec les cinq nommés révélés ce 23 mai.
    Pour ce cinquième anniversaire de la création du Prix de l'architecture durable - Global Award for Sustainable Architecture - le maître-mot est l'engagement. Un mot indispensable tant la question première est fondamentale : "comment habitons-nous sur Terre ?". Comment concilier les paramètres et impératifs sociaux, géographiques, politiques, économiques, comme environnementaux pour un habitat durable ?
    Engagée, Jana Revedin, la fondatrice de ce prix, l'est plus que jamais ! Elle l'est pour promouvoir l'architecture durable à travers le monde, en mettant en avant des architectes aux pratiques variées, des "grands" comme des inconnus, leurs histoires d'architecture, leurs recherches, leurs projets... aidée de son comité d'experts à travers le monde.
    Engagé est le Fonds Locus - "Dare, Transmit, Federate" (Oser, transmettre, fédérer) - qui, en rassemblant les lauréats, permet un véritable échange au niveau international, une promotion du dialogue entre les architectures, comme une mobilisation des compétences en faveur de projets concrets*.
    Engagés sont surtout tous ces lauréats. Le palmarès 2011 démontre une fois de plus la diversité et la richesse de l'architecture durable aujourd'hui. Shlomo Aronson, grande figure israélienne de l'architecture et du paysage, côtoie le collectif islandais Vatnavinir, l'Américain Teddy Cruz, la jeune allemande Anna Heringer ou encore la fascinante communauté péruvienne de Huinchiri bâtisseuse du Pont Q'eswachaka (voir diaporama). Tous ont en commun une démarche innovante et l'amour de la Terre et de son patrimoine.
    Une benjamine qui a tout d'une - très - grande
    Engagée l'est ainsi, par exemple, l'allemande Anna Heringer, la benjamine, née en 1977. Un talent immense dans un petit bout de femme, découverte notamment par ses projets au Bangladesh - son premier étant celui de son diplôme, alors qu'elle n'est âgée que de 19 ans. Pour elle, "l'architecture est un outil pour améliorer nos vies". "Des rêves plein la tête", elle démontre par sa fraîcheur, sa joie de vivre et de se mettre au service des autres, comment "un architecte écologique, juste, créatif, communicant... est un architecte heureux, dont on a besoin !". Plus jeune lauréate du concours certes, elle n'en est pas moins l'une de ses figures les plus exemplaires, tant ses projets fondés sur le développement du travail et des techniques locales, dans un échange réciproque "constructif" - dans tous les sens du terme - entre tous les acteurs, illustrent parfaitement la philosophie de l'architecture durable. Une démarche qu'elle transmet de manière pédagogique à tous, étudiants occidentaux comme populations qui profitent de ces infrastructures.
    L'architecture durable est une architecture plus que jamais ancrée dans le réel, plaçant non seulement l'environnement et, surtout, l'humain au coeur de sa démarche globale, forcément. Une vocation, bien sûr, mais loin d'être utopique. Quant à être engagée... toujours !
    Découvrez l'ensemble des lauréats 2011 en pages suivantes.
    Retrouvez l'historique du Global Award sur Maison à part.
    A noter :
    Exposition des lauréats 2010 actuellement à la Cité de l'Architecture, partenaire historique du Global Award.
    Sortie du tome II Sustainable Design, de Marie-Hélène Contal et Jana Revedin (respectivement responsable du prix à la Cité de l'architecture et commissaire du Global Award, également initiatrices de l'événement) aux éditions Actes Sud en septembre.

    * Le fonds Locus - Dare, Transmit, Federate

    Jana revedin
    Jana revedin © Jana Revedin - DR
     
    Créé l'année dernière à l'initiative de Jana Revedin, le Fonds Locus - placé sous le patronage de l'Unesco et soutenu par la fondation GDF Suez - entend valoriser l'architecture durable à travers le Global Award mais, aussi, à agir en tant que "Do tank", à travers la transmission et la promotion des savoirs de tous les lauréats par des expositions, conférences et autres formations continues. Agissant en réseau d'experts, il travaille aussi à projets concrets, comme celui, à l'initiative du lauréat Wang Shu, de la redynamisation durable d'une zone portuaire historique chinoise. il lui faudra encore "oser" - Dare - avec le prochain, encore en recherche de financements, qui emmènera les architectes au coeur du quartier des chiffonniers au Caire, dont un des porte-paroles fut Soeur Emmanuelle, afin de participer au réaménagement d'espaces partagés qui aideront cette communauté.
    Plus d'infos : www.global-award.org
    Global Award 2011 : une architecture engagée au service de l'humain

    Shlomo Aronson - Jérusalem, Israël

    Shlomo Aronson
    Shlomo Aronson © 2010 S-Aronson Ltd.
    Shlomo Aronson, entouré de son fils et de sa belle-fille Barbara L'agence est aussi une histoire de famille !
    "Shlomo Aronson appartient comme Doschi (Prix architecture durable 2010, NDLR) à une génération d'architectes qui ont participé à la construction moderne de leur pays mais l'ont fait en tant que précurseurs d'un rapport raisonné entre le terre et l'occupation humaine, démarche opposée aux logiques d'urbanisation de la plupart des modernismes de l'après-guerre." Marie-Hélène Contal, directrice adjointe de l'Institut Français de l'Architecture 5IFA), responsable du Prix à la Cité de l'Architecture et du Patrimoine.
    Né en 1936 à Haïcha, l'architecte et paysagiste s'est formé notamment aux Etats-Unis. Après un passage à Londres, il revient en Israël et crée en 1969 Shlomo Aronson and Associates, agence multidisciplinaire rassemblant architectes, paysagistes et urbanistes, à qui sera confiée, en cette période de développement du pays, de nombreux projets de grandes dimensions. Leur conviction : "Nous pensons qu'il faut concevoir l'architecture et le paysage ensemble et cela sur la plus grande échelle possible car c'est le meilleur moyen d'exprimer complètement notre vision philosophique et de la formuler à l'échelle des politiques urbaines."
    Shlomo Aronson - Jérusalem, Israël

    Shlomo Aronson - Global Award 2011 : une architecture engagée au service de l'humain

    Shlomo Aronson
    Shlomo Aronson © 2010 S-Aronson Ltd.
    Shlomo Aronson Plan national pour le reboisement Israël, 1986
    "La population d'Israël double aujourd'hui chaque année, explique Barbara Aronson, belle-fille de l'architecte. Nous devons travailler à toutes les échelles. Notre plus grande réussite ? Le plan national pour Israël : depuis 2005 nous avons un plan contraignant pour tout le pays, qui sert de base à tous les projets."
    Shlomo Aronson s'est vu confier de nombreux plans directeurs d'aménagement paysager : des villes de Carmiel, Nazareth, Ceinture verte de Jérusalem, Parc national de la Mer Morte, l'aménagement de l'aéroport international Ben Gourion. Quartiers, parcs, infrastructures, campus... Parmi ses projets exemplaires, citons le projet du désert du Néguev, fer de lance du développement pour le fondateur du pays Ben Gourion. "La construction du paysage comme inscription dans l'histoire et moyen d'habitabilité est menée cette fois à l'échelle du territoire, explique Marie Hélène Contal, avec des méthodes patientes et mesurées aux ressources. Dans les conditions extrêmes du désert, ses paysages viennent 'fixer' l'eau disponible, rendre peu à peu un espace habitable, apprendre aux habitants à gérer la rareté de la ressource..." La philosophie de Shlomo Aronson ? Il faut "Faire la paix avec la Terre", titre de l'un de ses ouvrages. "Faire un paysagisme le plus respectueux de l'endroit" - l'agence étudie systématiquement le paysage historique - et des besoins de la population.
    Shlomo Aronson - Global Award 2011 : une architecture engagée au service de l'humain

    Vatnavinir - Reykjavik, Islande

    Vatnavinir - Reykjavik, Islande
    Vatnavinir - Reykjavik, Islande © le collectif Vatnavinir - Reykjavik, Islande
    "L'Islande est le pays du bien être". Porté par cette philosophie et poussé par l'urgence d'un pays en faillite, un collectif multidisciplinaire, rassemblant jeunes architectes, paysagistes, designers, experts du tourisme, de la santé ou encore du marketing, a décidé il y a trois ans de redonner à ce pays la place qui est la sienne et une économie durable. En respectant ce qu'elle a de plus beau : ses ressources naturelles. Et notamment, son eau. "En utilisant les moyens locaux et des techonologies simples, combinés à des coûts raisonnables, le tout dans une coopération et un soutien mutuel."
    Vatnavinir - Reykjavik, Islande

    Vatnavinir - Reykjavik, Islande

    Vatnavinir - Reykjavik, Islande
    Vatnavinir - Reykjavik, Islande © Vatnavinir - Reykjavik, Islande
    Krossneslaug
    Le collectif met en place des circuits touristiques, ravive des bassins d'eau chaude historiques... De la petite intervention - installer un pont de pierres sur un cour d'eau - à la transformation à grande échelle - centrale hydrolique - il poursuit le même but sous-jacent : offrir à l'Islande des activités liées à sa ressource naturelle la plus abondante, tout en la préservant et en totale collaboration avec les populations.
    En réalisant la carthographie de leur pays, leur idée est ainsi "de doter chaque lieu d'un projet d'aménagement tout en assurant le développpement économique durable".
    Vatnavinir - Reykjavik, Islande

    Anna Heringer - Rudrapur (Bangladesh) - Linz - Boston

    Anna Heringer - Rudrapur (Bangladesh) - Linz - Boston - Anna Heringer
    Anna Heringer - Rudrapur (Bangladesh) - Linz - Boston - Anna Heringer © Anna Heringer
    Benjamine des lauréats du Prix de l'architecture durable - elle est née en 1977 - Anna Heringer est une jeune mère de famille avec des "rêves plein la tête". C'est surtout une architecte pétrie de talent, qui a décidé de s'engager au service des autres. Sa vision de l'architecture ? "L'architecture est un outil pour améliorer nos vies". il faut "ancrer la durabilité dans le monde réel".
    Anna Heringer - Rudrapur (Bangladesh) - Linz - Boston

    Anna Heringer - Rudrapur (Bangladesh) - Linz - Boston

    Anna Heringer
    Anna Heringer © Bauteam / BASEhabitat
    "Handmade school" Rudrapur, Bangladesh 2005
    Pour l'architecte, l'essentiel tient dans l'humain et le local. Il faut associer les populations locales à la conception, en étudiant ses besoins, mais aussi associer la main d'oeuvre : "mon architecture fait participer un grand nombre de personnes". Les ressources seront aussi locales : au Bangladesh, lieu de son diplôme - alors qu'elle n'a que 19 ans - ce sera la terre et le bambou. En étudiant le matériau à la lumière de l'existant et des développements innovants, ses qualités peuvent être améliorées sur place. Et la jeune femme transmet aujourd'hui le fruit de ses travaux dans les universités. Nous reviendrons prochainement sur ses travaux dans un portrait.
    Anna Heringer - Rudrapur (Bangladesh) - Linz - Boston

    Teddy Cruz - Tijuana (Mexique) - San Diego (Californie)

    Teddy Cruz
    Teddy Cruz © Teddy Cruz - Estudio Teddy Cruz
    L'architecte américain Teddy Cruz est né en 1962, il a fondé une agence et est professeur et chercheur. Son lieu de recherches ? La frontière entre San Diego et Tijuana, lieu de flux migratoires très importants. Il les étudie pour mieux améliorer les conditions d'habitat dans les quartiers précaires. Il travaille notamment sur "l'urbanisme d'urgence". Là, à cette frontière, "L'avenir de l'urbanisation dépend moins de la construction que des transformations sociales et j'espère, explique l'architecte, que cela va mener à l'architecture."
    Teddy Cruz - Tijuana (Mexique) - San Diego (Californie)

    Teddy Cruz - Tijuana (Mexique) - San Diego (Californie)

    Estudio Teddy Cruz
    Estudio Teddy Cruz © Estudio Teddy Cruz
    Installations temporaires avec le studio Frontière Tijuana / San Diego
    Faire bouger les lignes passe par un processus politique. Tous les acteurs locaux sont associés. "J'essaie de jeter des ponts de stratégies informelles" entre les deux villes, si antinomiques, alors qu'elles ne sont qu'à vingt minutes l'une de l'autre. Elles doivent apprendre l'une de l'autre, utiliser les ressources de chacune pour mieux grandir ensemble.
    Du côté mexicain à Tijuana, l'architecte a mené un projet de rénovation avec une ONG : "Les quartiers informels de cette ville croissent plus vite que les pôles urbains, les cernent, transforment les règles de croissance et effacent les distinctions entre urbain, suburbain et rural (...), explique-t-il (propos repris par Marie Hélène Contal dans la présentation des lauréats). Notre démarche a commencé ici par aborder le conflit qui prévaut entre habitat d'urgence, le travail précaire et les entreprises des zones franches d'activité ('maquiladoras')." Les entreprises utilisent la main d'oeuvre bon marché, sans rien lui donner en retour. "Notre intervention s'est déplacée sur ces usines elles-mêmes, en proposant qu'elles fabriquent des composants utilisables par les habitants pour leur logement."
    Et de négocier ainsi par exemple, l'utilisation d'un portique fabriqué sur place dans l'entreprise, comme un élément constructif "pour assembler les matériaux que les habitants récupèrent de San Diego et réutilisent à Tijuana".
    Teddy Cruz - Tijuana (Mexique) - San Diego (Californie)

    Q'Eswachaka - Communauté de Huinchiri, Pérou

    Q'Eswachaka
    Q'Eswachaka © David Ducoin / Patronato de Cultura Machupicchu
    C'est l'histoire d'un pont, reconstruit chaque année à la même période et ce, depuis plus de cinq siècles, par une communauté péruvienne... "Le pont Q'Eswachaka est un ouvrage de cordes, sur une des pistes du QhapacNan, la grande voie inca qui traversait l'intégralité de la Cordillère des Andes à plus de 3.000 mètres d'altitude pour aboutir à Cuzco."
    Long de 28,67 mètres, le pont a survécu : "Il a fallu pour cela que de génération en génération, les matériaux soient produits et préparés, que les techniques soient transmises, explique Carmen Arrospide Poblete, présidente de l'Ong Patronato Machupicchu, qui s'est mis en tête de valoriser cette fabuleuse aventure humaine et constructive ! Il est incroyable, poursuit-elle, qu'une telle tradition se soit maintenue jusqu'à ce jour. Cela repose sur des savoirs, des rituels et surtout un système de services communautaires."
    Q'Eswachaka - Communauté de Huinchiri, Pérou

    Q'Eswachaka - Communauté de Huinchiri, Pérou

    Q'Eswachaka
    Q'Eswachaka © David Ducoin / Patronato de Cultura Machupicchu
    La présidente de l'Ong parle au nom des quatre communautés qui ont en charge la construction de ce pont depuis plus de 5 siècles. "Face à ses enjeux économiques et sociaux, explique Marie Hélène Contal, la survivance du Pont Q'Eswachaka est une fable sur la durabilité." Et de poursuivre : "Elle commence par un paradoxe - l'ouvrage le plus fragile a tenu alors que sur la route, les puissantes architectures des relais de poste ou des forteresses se sont effondrées. Elle poursuit par une question d'une très grande acuité et qui met en question le lecteur : pourquoi dans une société un projet est-il plus durable qu'un autre et par quels moyens ? Elle se termine par une morale, une phrase brève et que le lecteur est invité à creuser car le fond y manque le moins : 'le Q'Eswachaka symbolise la validité de la culture, matérielle et immatérielle."
    La prochaine étape : inscrire le Q'Eswachaka au Patrimoine mondial de l'humanité. Faite de paille tressée, sa construction procède d'un rituel ancestral. Il a lieu toujours à la même période début juin. Cette formidable aventure humaine fera donc l'objet très bientôt d'un article complet dans votre e-magazine.
    Q'Eswachaka - Communauté de Huinchiri, Pérou
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