Face à la crise, les aides au logement pas assez efficaces

    Publié le 26 juillet 2012 par Rouba Naaman-Beauvais
    Un rapport de l'Inspection générale des affaires sociales (IGAS) révèle que les différentes aides au logement (APL, ALF, ALS) auraient perdu de leur efficacité. En cause, une actualisation du barème sous-évaluée, et un décalage du système de gestion, compte tenu de l'actuelle crise du logement. Décryptage.
    ALF, ALS et APL. Derrière ses acronymes, se cachent les trois aides personnelles au logement, allouées aux ménages les plus modestes, qu'ils soient locataires ou propriétaires. L'efficacité de ces prestations sociales est aujourd'hui mise en doute par un rapport de l'Inspection générale des affaires sociales (IGAS), réalisé entre juillet 2011 et mars 2012, et publié le 24 juillet dernier. Face à l'augmentation en flèche des prix et des loyers ces dix dernières années, les aides n'auraient pas suivi, aggravant ainsi la fracture sociale.
    L'Allocation de logement familiale (ALF), créée en 1948, l'Allocation de logement sociale (ALS, 1971) et l'Aide personnalisée au logement (APL, 1977) représentent, à elles trois, pas moins de 15,9 milliards d'euros par an, versés à 6,3 millions de Français, en majorité locataires, soit en moyenne une allocation de 212 euros par mois. "L'importance des financements consacrés aux aides personnelles, tout comme les caractéristiques de leur barème, dégressif avec le revenu, en font la prestation sociale la plus importante en direction des ménages modestes" précise l'étude.

    Des aides importantes... mais pas assez efficaces

    "Les aides personnelles permettent en moyenne de couvrir un peu plus de la moitié [des loyers de ces ménages]" a rappelé Cécile Duflot, ministre de l'Egalité des territoires et du Logement. Pourtant, les aides n'auraient pas l'effet escompté. "L'efficacité sociale des aides personnelles s'est détériorée au cours de la dernière décennie" explique l'IGAS.
    En moyenne, les aides réduisent le taux d'effort des ménages de 35,8 à 19,5% hors charges, soit un taux à 30% charges comprises, une valeur communément jugée acceptable pour les dépenses de logement. Mais l'on constate que, en fonction de la taille et de la composition du foyer, ainsi que du type du logement, certaines familles sont moins bien loties, et doivent supporter des taux d'effort que le rapport juge "prohibitifs".
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    Face à la crise, les aides au logement pas assez efficaces

    Un barème qui ne suit pas les évolutions du marché

    En cause, la "sous-actualisation du barème", dont le poids est resté constant par rapport au produit intérieur brut (PIB), mais qui n'a pas suivi les variations du marché. Autrement dit, les aides ont augmenté en dix ans, mais pas assez, compte tenu de la crise du logement, des montants des loyers, des prix à l'achat et des évolutions des taux des crédits immobiliers. Un problème qui touche surtout les locataires du parc privé, mais qui commence à se faire sentir dans le logement public.
    De même, les seuils en-deçà desquels les aides sont versées seraient presque obsolètes. "Les ménages allocataires ont ainsi des revenus qui les placent pour plus de la moitié d'entre eux, sous le seuil de pauvreté" précise l'étude. Là encore, la situation témoigne d'une véritable dichotomie entre les aides au logement et la situation de crise que vit le marché de l'immobilier.
    Enfin, le rapport souligne l'impact des modalités de gestion et de versement des aides au logement. Les personnes bénéficiaires du RSA, retrouvant une activité, voient parfois leurs allocations logement baisser brutalement et fortement, ce qui est jugé par l'IGAS comme "un facteur majeur d'inefficacité sans doute au moins aussi important que l'augmentation des taux d'effort".

    Vers des aides qui "aident véritablement"

    Pour rendre à nouveau efficaces les aides au logement, l'étude préconise, non seulement une augmentation des sommes allouées à ces prestations, mais surtout une réorganisation en profondeur du système. "L'aide, dans ses modalités, doit véritablement aider, c'est-à-dire être versée au bon moment et à bon escient lorsque la situation des bénéficiaires est déjà marquée par une grande précarité" expliquent les auteurs.
    La mission de l'IGAS propose plusieurs axes d'évolution. Concernant l'aide aux locataires, les auteurs évoquent la création de deux barèmes distincts public/privé. "Dans le parc privé, le barème devrait mieux prendre en compte les zones où les bénéficiaires supportent aujourd'hui des taux d'effort très élevés" évoque le rapport, en proposant une élévation du seuil de revenus maximal dans certaines régions, à titre expérimental. Un changement qui pourrait coûter de 76 à 421 millions d'euros, selon l'IGAS.

    Le cas particulier des étudiants

    Est également évoqué le cas particulier des étudiants. "Le cumul de l'aide personnelle au logement pour un étudiant, avec un avantage fiscal pour sa famille, pose une question d'équité et d'efficience de la dépense publique" affirme l'IGAS. Les ménages pourraient être forcés de choisir entre les deux allocations, comme le suggérait le précédent gouvernement, à l'exception de ceux des étudiants boursiers ou poursuivant leurs études loin du domicile familial. Cet aménagement pourrait permettre "des économies substantielles" qui n'ont pas été encore chiffrées.
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    Un barème qui ne suit pas les évolutions du marché

    Plusieurs axes d'évolution

    Selon les auteurs du rapport, une réforme efficace du système d'aide doit passer par une modification des règles de gestion de ces aides. Dans le collimateur, la CAF et Pôle emploi, encouragés à mieux communiquer, et à "améliorer le paiement à bon droit des aides personnelles au logement".

    Un travail d'équipe

    La Caisse d'allocations familiales est également sollicitée concernant la non-décence des logements. Le bon état du bien est actuellement une condition d'obtention des aides au logement en tiers payant, versées aux propriétaires. "Il apparaît nécessaire de réviser la réglementation applicable, en prévoyant que la suspension de l'aide au logement ait un rôle incitatif pour les bailleurs et les conduise à effectuer les travaux nécessaires" suggère le rapport.
    Cécile Duflot a salué "la qualité des travaux présentés" par l'IGAS, avant de rappeler qu'elle "souhaite offrir un accès à un logement décent pour l'ensemble des Français, tout en favorisant leur pouvoir d'achat". La ministre devrait étudier les propositions de la mission, afin "d'améliorer l'efficacité de la gestion des aides, de favoriser l'accès aux droits, de contribuer à la prévention des expulsions et lutter contre le logement indécent".
    L'intégralité du rapport en trois parties est accessible sur le site de l'IGAS : www.igas.gouv.fr
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