Renaissance pour l'Hôtel de la Marine après une spectaculaire rénovation

    Publié le 18 juin 2021 par Corentin Patrigeon
    Un spectaculaire chantier de rénovation pour l'Hôtel de la Marine
    Un spectaculaire chantier de rénovation pour l'Hôtel de la Marine © Corentin Patrigeon
    L'un des bâtiments les plus emblématiques de la Place de la Concorde, à Paris, vient d'être inauguré après quatre années d'un chantier de rénovation spectaculaire : l'Hôtel de la Marine, à deux pas du Louvre, s'apprête à connaître une nouvelle destinée. L'occasion de (re)découvrir ce lieu chargé d'histoire qui a su traverser les tourmentes des siècles.
    Après quatre années d'un intense et spectaculaire chantier de rénovation, son inauguration était attendue. Le 10 juin 2021, le président de la République Emmanuel Macron a fait le déplacement en personne pour admirer le travail d'orfèvre prodigué par les compagnons dans ce lieu chargé d'histoire qui a su traverser les tourmentes des siècles.
    La veille, la presse avait été conviée en avant-première à une visite de l'Hôtel de la Marine réhabilité et revêtu de ses plus beaux atours. L'un des bâtiments les plus emblématiques de la Place de la Concorde, à Paris, situé à deux pas du Louvre, s'apprête désormais à connaître une nouvelle destinée.
    Au fil de ses cours, salles et couloirs, (re)découvrez en images ce joyau du patrimoine français.
    Renaissance pour l'Hôtel de la Marine après une spectaculaire rénovation

    Spectateur - et acteur - de l'Histoire de France

    La cour d'honneur désormais ouverte au public
    La cour d'honneur désormais ouverte au public © Corentin Patrigeon
    A l'origine, ce qui n'était pas encore l'Hôtel de la Marine a été construit pour l'administration du Garde-meubles de la Couronne, sorte de "soft power" avant l'heure de la monarchie selon les mots de Christophe Bottineau, architecte-en-chef des monuments historiques qui a supervisé le chantier de rénovation. Créée officiellement par Louis XIV et Colbert en 1663, cette institution a pour mission d'accueillir et de conserver le mobilier royal le temps des voyages du monarque - la première pierre du site ne sera posée qu'en 1758.
    Un monument qui a connu tous les régimes politiques de la France
    "C'est aussi ici qu'on crée le goût français, avec le premier musée d'arts décoratifs ouvert au public", explique Christophe Bottineau. "On y présente les grandes réalisations royales : tapisseries, étoffes, pierres dures - lapis-lazuli, onyx... -, joyaux de la Couronne..." L'entrée dans les lieux s'effectuait et s'effectue encore aujourd'hui soit par le porche Concorde, soit par le porche royal, pour atteindre par la suite le grand escalier. Ce sont ainsi en réalité deux hôtels qui se retrouvent "cachés" sous la façade monumentale de la Place de la Concorde, alors que la monarchie avait demandé "sobriété et retenue" pour l'architecture intérieure.
    A la fin du XVIIIe siècle, l'administration de la Marine occupe tout le bâtiment, qui sera successivement renommé, changements de régimes obligent, Garde-meubles des consuls, Mobilier impérial puis Mobilier national, dénomination actuelle de l'institution. Au XIXe siècle, on y adjoindra le ministère des Colonies en raison de la présence des services cartographiques de l'État.
    Un monument qui a connu tous les régimes politiques de la France
    Un monument qui a connu tous les régimes politiques de la France © Corentin Patrigeon
     

    Faire venir le public jusque dans la cour d'honneur

    Du fait des nombreuses allées et venues des transporteurs de meubles, la cour d'honneur était un lieu particulièrement vivant, en dépit de son étroitesse et de son morcellement. Aujourd'hui, elle a été dilatée et profite d'une vue traversante offrant un vaste espace de la place jusqu'aux cours arrières. "L'ensemble des sols a été ramené au niveau du XVIIIe siècle, le but étant justement de retrouver une cour vivante", souligne Christophe Bottineau. "Nous souhaitons ainsi faire venir le public de la Madeleine jusqu'ici."
    Le programme de réhabilitation proposera en rez-de-chaussée des cafés, restaurants et autres boutiques éphémères, tandis que les étages accueilleront la Fondation Al-Thani - du nom de la famille d'émirs du Qatar - et ses collections privées ainsi que des bureaux loués à une société de "coworking" (co-travail) ; tout cela participant de l'équilibre économique du projet.

    L'histoire militaire du pays n'est jamais bien loin...

    Pour l'anecdote, on soulignera qu'un grand blockhaus de deux niveaux de 900 mètres chacun a été bâti en 1938 sous la cour. Destinée à protéger les personnels de la Marine en cas de bombardements, l'impressionnante infrastructure - ses murs en béton ont une épaisseur de 3 mètres - existe encore aujourd'hui. Sous la Ve République, l'Hôtel de la Marine a d'ailleurs accueilli le siège du ministère de l'Énergie atomique sous Charles de Gaulle, et celui du ministère de l'Environnement sous Valéry Giscard d'Estaing.
    En 2007, la décision de réunir en un seul et même lieu les états-majors de la Défense a posé la question de l'avenir du site, pour lequel une commission justement présidée par Valéry Giscard d'Estaing a été constituée en 2011. Celle-ci a préconisé de le maintenir dans la sphère publique mais de l'ouvrir aux visiteurs sous la houlette d'un établissement culturel et sur la base d'une exploitation rentable.

    Focus sur le modèle économique

    C'est donc le projet du Centre des monuments nationaux (CMN) qui a été sélectionné. D'un montant total de 130 millions d'euros, les opérations ont pu compter sur 80 millions financés par emprunt bancaire, 10 millions de participation exceptionnelle de l'État, 20 millions émanant du mécénat et 20 autres millions de redevances publicitaires. Le CMN attend désormais 700.000 visiteurs annuels, dont 100.000 pour la seule galerie d'exposition. L'Hôtel de la Marine devrait de cette manière atteindre son autofinancement en exploitation dès l'année 2022.
    Spectateur - et acteur - de l'Histoire de France

    Ouverture céleste - Renaissance pour l'Hôtel de la Marine après une spectaculaire rénovation

    Une verrière d'exception réalisée sur-mesure
    Une verrière d'exception réalisée sur-mesure © HDA-Nicolas Trouillard - CMN
    Autre élément-phare de la rénovation de l'Hôtel de la Marine : la création d'une verrière unique, financée par le mécénat des Fondations Velux, surplombant la cour de l'intendant, dans le prolongement de la cour d'honneur. C'est justement à cause de cette petite cour étroite et sinistre dans laquelle la lumière ne rentrait jamais que l'installation est censée jouer ici un rôle prépondérant, rôle que Christophe Bottineau compare à celui des cristaux sur les lustres : au-delà de l'aspect esthétique, leur fonctionnalité est aussi d'amplifier la lumière émise par les bougies.
    Pour ce projet, la verrière a donc été posée entre le deuxième et le troisième étages, juste en-dessous de la corniche du XVIIIe siècle signée Ange-Jacques Gabriel, Premier architecte du roi. Grâce à une "dédensification progressive des losanges des extrémités de la verrière vers son oeil central", le visiteur se retrouve "en contact direct avec le ciel". Captée et réfléchie jusqu'au sol par la verrière, la lumière du soleil participe grandement et directement à la renaissance de l'Hôtel de la Marine.

    300 mètres carrés de puits de lumière

    Imaginée par l'architecte Hugh Dutton, la verrière de 300 mètres carrés a représenté un coût de 2,5 millions d'euros, supporté à hauteur de 800.000 euros par Velux. Ses travaux d'aménagement se sont étalés sur cinq mois, réquisitionnant 35 tonnes de charpente métallique, 16 tonnes de vitrage simple extra-clair avec couche réfléchissante, 11 tonnes de lamelles vitrées et 8 tonnes d'habillage réfléchissant.
    "Le projet repose sur une véritable stratégie lumineuse consistant en la suppression de matériaux réfléchissants", détaille Hugh Dutton. "Nos objectifs ont été de retrouver les proportions originelles de la cour de l'intendant en masquant les étages ajoutés au cours du XIXe siècle, et d'apporter une lumière zénithale douce aux visiteurs dans un espace auparavant très sombre." Simplement fixée par des pointes, la verrière sera facilement démontable si besoin.
    Ouverture céleste - Renaissance pour l'Hôtel de la Marine après une spectaculaire rénovation

    "Sobriété et retenue" pour l'architecture intérieure

    L'antichambre du cabinet de l'intendant
    L'antichambre du cabinet de l'intendant © Corentin Patrigeon
    Parmi les pièces réhabilitées, l'antichambre du cabinet de l'intendant affiche des décors simples et minéraux. A l'instar de toutes les salles de l'Hôtel de la Marine, une documentation foisonnante et détaillée sur l'état des lieux - allant jusqu'à préciser la taille et la composition des rideaux ! - était disponible pour épauler les équipes du chantier dans leurs choix de rénovation. Cette profusion de détails fournie par les innombrables archives de l'administration royale ont ainsi permis de dégager la couleur grise des murs, associée à quelques retouches d'harmonisation, de remettre en état une fontaine et un poêle, ou encore d'installer des rideaux en lin.
    Une documentation foisonnante pour épauler les travaux de rénovation
    Une documentation foisonnante pour épauler les travaux de rénovation © Corentin Patrigeon
     
    "Sobriété et retenue" pour l'architecture intérieure

    De nombreux matériaux et oeuvres d'origine

    Le cabinet de travail
    Le cabinet de travail © Corentin Patrigeon
    Le cabinet de travail a vu se succéder deux intendants en les personnes de Pierre-Élisabeth de Fontanieu (nommé en 1767) et de Marc-Antoine Thierry de Ville-d'Avray (nommé en 1784). La pièce que le visiteur peut aujourd'hui admirer dispose des peintures, papiers peints, tableaux et rideaux d'origine, de même que le parquet. Quelques salles plus loin, dans la foulée d'une première chambre à coucher, la présence d'un petit cabinet de physique contenant de nombreux éléments sur l'électricité ainsi qu'un tour servant à façonner des pierres précieuses démontre aussi l'attrait scientifique des occupants du lieu. Le visiteur pourra achever sa visite de l'aile avec une petite salle de bains avec sol en marbre et murs en blanc pour conserver la fraîcheur.
    UNe chambre à coucher restaurée à l'identique
    UNe chambre à coucher restaurée à l'identique © Corentin Patrigeon
     
    De nombreux matériaux et oeuvres d'origine

    L'ancien centre de commandement devient galerie de collections privées

    Galerie de collections privées
    Galerie de collections privées © Corentin Patrigeon
    La Fondation Al-Thani prend quant à elle ses quartiers dans l'ancien centre de commandement des navires et sous-marins. Là encore, la succession des pièces et des galeries témoigne de l'inestimable travail artisanal qui a été apporté à ces murs qui ont connu l'Ancien Régime, la Révolution, les Empires et les Républiques. "Ce fut un chantier où seule la main avait sa place. Tout a été fait à la main", insiste Christophe Bottineau, "de la passementerie aux gravures en passant par les dorures". Un savoir-faire unique et irremplaçable que l'on peut admirer dans les quelque 900 mètres carrés de l'appartement de l'intendant, dans les salons comme dans les chambres à coucher. Les collections privées de la Fondation s'étendront sur 400 m², en lieu et place des anciennes galeries de tapisseries.
    De la passementerie aux gravures en passant par les dorures, des rénovations faites à la main
    De la passementerie aux gravures en passant par les dorures, des rénovations faites à la main © Corentin Patrigeon
     
    L'ancien centre de commandement devient galerie de collections privées
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