Wang Shu "l'amateur", la Chine et l'architecture

    Publié le 20 juin 2007 par Pauline Polgar
    Dernier portrait de notre série d'architectes nommés au Prix de l'architecture durable, voici celui du chinois Wang Shu. Découvrez à travers lui, une nouvelle génération d'architectes revendiquant une architecture non unifiée et humaniste, dans un pays en plein bouleversement urbaniste.
    La Chine : un pays de bouleversements, où lorsque l'on parle d'exode rural il s'agit de déplacement de millions de personnes, d'urbanisation à l'échelle de la mégacité. Un pays également ancré dans une rigueur politique qui, malgré son ouverture de plus en plus pressante, garde une vision à la fois globale et unique sur certains sujets, notamment sur l'architecture. Pour comprendre l'architecte Wang Shu, il faut avoir tout cela en tête.
    L'architecte en Chine n'a pas en effet le statut qu'il possède dans le monde occidental, comme l'explique Chantal Béret (1). Là-bas, les instituts officiels hérités de l'époque communiste, qui comptent des milliers d'employés, tiennent le haut du pavé. Quelques 'stars' occidentales font exception, mais la majorité des bâtiments sont construits de manière aléatoire, sans identité, sans repère, pressés par les bouleversements urbains évoqués plus avant, dans un mélange de cultures uniformisées, rationalisées.
    Une nouvelle génération d'architectes refuse ce système et prône une architecture critique, inventive, qui n'en perd pas pour autant son identité. Ils intègrent au bâti un devoir de mémoire. Wong Shu fait partie de ceux-là.

    Architecte "amateur"

    Né en 1963 à Hangzou en Chine du Sud, il y fonde en 1997 son agence et la baptise Amateur Architecture Studio. Loin de l'amateurisme, il s'émancipe ainsi de l'architecture 'officielle'. "Avec ce nom, raconte-t-il, nous n'attirons aucun client en Chine, mais nous persévérons, la société chinoise accepte de plus en plus nos idées." Il s'inscrit dans une architecture durable, car elle se veut profondément humaniste, réaliste et intégrée à son environnement, une architecture "qui travaille sur le terrain." Jeune homme aux multiples casquettes, architecte mais aussi auteur, enseignant et philosophe, ses bâtiments sont pensés à travers le prisme de l'humain et de sa mémoire. Avec les ruines de la ville rasée par un urbanisme dévastateur de Hangzou, il construit le nouveau campus de l'Ecole Nationale des Beaux-Arts. Tuiles et pierres sont ainsi récupérées et réutilisées "dans une architecture (…) fondée sur la quête d'une identité moderne pour la Chine qui ne nie pas sa propre civilisation", comme la définit Marie-Hélène Contal (2). Des tuiles qu'il n'hésite pas à transporter à Venise pour la Biennale d'Architecture pour créer un "jardin" vecteur de sens.
    Il prône ainsi une "slow build", une urbanisation qui n'oublie pas les populations et la culture dans sa course au progrès. "J'étais écrivain avant de devenir architecte et l'architecture n'est qu'une part de mon travail. Pour ma part, l'humanité est plus importante que l'architecture, et l'artisanat plus important que la technologie." Cette phrase résume à elle seule la personnalité de l'architecte chinois Wang Shu.
    Pour découvrir l'œuvre de Wong Shu en images, cliquez sur suivant.
    (1) Conservateur du Musée national d'art moderne pour l'architecture contemporaine, dans "Polarités chinoises : entre épopée et mémoire", in Alors la Chine ?, quarante deux contributions d'auteurs chinois et français, proposant de découvrir la Chine de la création artistique au cours des trente dernières années, sorti à l'occasion de l'année de la Chine en France en 2003.
    (2) Directrice adjointe de l'Institut Français d'architecture, responsable du Prix de l'architecture durable pour la Cité de l'architecture.
    Wang Shu "l'amateur", la Chine et l'architecture

    Le nouveau campus de l'école Nationale des Beaux-Arts (Hangzhou, 2004)

    campus hangzhou wang shu 1
    campus hangzhou wang shu 1 © Campus d'Hangzhou, W. Shu - GA/DR
    Béton, acier et récupérations de matériaux (plus de trois millions de tuiles et de briques provenant de la destruction d'autres bâtiments à Hangzhou) pour ces constructions expérimentales, Wang Shu et ses collaborateurs ont travaillé sur l'alliance entre des artisanats locaux et des technologies contemporaines.
    Le nouveau campus de l'école Nationale des Beaux-Arts (Hangzhou, 2004)

    Une architecture chinoise contemporaine...

    campus wang shu 2
    campus wang shu 2 © Campus Hangzhou, W. Shu - GA/DR
    Une architecture chinoise contemporaine...

    ...mais respectueuse de son environnement et de la tradition

    campus 3 wang shu
    campus 3 wang shu © Campus Hangzhou, W. Shu - GA/DR
    ...mais respectueuse de son environnement et de la tradition

    Musée d'Art Contemporain de Ningbo (Ningbo, 2005)

    musee ningo wang shu
    musee ningo wang shu © Musée de Ningbo, W. Shu - GA/DR
    Un bâtiment de 12.000 m2 sur un terrain de 24.000 m2, alliant béton et acier, comme un manifeste d'une architecture contemporaine nouvelle pour la Chine, signé Wang Zhu et Lu Wen Yu.
    Musée d'Art Contemporain de Ningbo (Ningbo, 2005)

    Briques et bois

    musee ningbo 2 wang shu
    musee ningbo 2 wang shu © Musée de Ningbo, W. Shu - GA/DR
    Briques et bois

    "Five scattered houses" (NingBo, 2005)

    "Five scattered houses" (NingBo, 2005) - cinq maisons dispersees wang shu galerie
    "Five scattered houses" (NingBo, 2005) - cinq maisons dispersees wang shu galerie © Galerie, Five scattered houses, W. Shu - GA/DR
    En utilisant des matériaux recyclables issus de la récupération et l'artisanat local, Wong Shu réussit à faire le lien entre ancien et moderne. Il réalise ainsi un nouveau type d'habitation qui n'oublie pas sa culture passée. Ecologiques dans leurs matériaux, économes en énergie et synthèses entre différentes techniques de construction, elles n'oublient pas l'esthétique. Une démarche saluée dans ces termes par l'Holcim Awards 2005 pour l'Asie Pacifique.
    Ici la "Galerie"
    "Five scattered houses" (NingBo, 2005)

    Tea house - Wang Shu "l'amateur", la Chine et l'architecture

    tea house five scattered houses wang shu
    tea house five scattered houses wang shu © Tea house, maison dispersée, W. Shu - GA/DR
    La "maison du thé", une des cinq maisons dispersées.
    Tea house - Wang Shu "l'amateur", la Chine et l'architecture

    La maison de la Céramique (Jinghua, 2006)

    maison de la céramique wang shu
    maison de la céramique wang shu © Maison de la Céramique, W. Shu - GA/DR
    Des lignes pures, une transparence : sur une surface de 130 m2, elle allie des matériaux traditionnels récupérés dans un bâti intégré à son environnement qui met en valeur la céramique.
    La maison de la Céramique (Jinghua, 2006)

    Des matériaux mis en valeur

    maison céramique 2 wang shu
    maison céramique 2 wang shu © Maison de la Céramique, W. Shu - GA/DR
    Des matériaux mis en valeur

    Jardin de tuiles (Venise, 2006)

    jardin de tuiles wang shu
    jardin de tuiles wang shu © Jardin de tuiles, W. Shu - GA/DR
    Récupérées de la démolition de Hangzhou, les 66.000 tuiles ont servi à créer un « jardin » expérimental prônant le recyclage. Une installation qui fit sensation à la Biennale de Venise.
    Cette installation apparaît également comme un clin d'œil quand on sait l'importance de l'évocation du jardin pour Wang shu, une évocation qui n'est jamais oubliée dans ses bâtiments.
    Jardin de tuiles (Venise, 2006)
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