Quand nos routes se mettent à produire de l'électricité

    Publié le 6 novembre 2015 par Grégoire Noble
    Les panneaux solaires s'invitent partout : toitures, façades, mobilier urbain et maintenant directement sur la route. Une façon de mieux les insérer dans les paysage et d'économiser de la place au sol. Colas vient de lancer une première offre dénommée WattWay. Découverte.
    Comment concilier l'inconciliable, la fragilité des panneaux photovoltaïques et les efforts supportés par une chaussée ? Le chemin qui mène des routes aux centrales solaires sur l'asphalte n'est peut-être finalement pas si long que cela. La preuve, l'entreprise de travaux publics Colas (groupe Bouygues), a mis au point une solution,"WattWay", capable de rendre les routes plus vertes. C'est Hervé Le Bouc, président-directeur général, qui explique la démarche : "A l'avenir, les routes pourront produire des énergies renouvelables, grâce à la pose de dalles photovoltaïques capables de supporter le passage de n'importe quel véhicule en toute sécurité. Cinq ans de R&D ont été nécessaires, en collaboration avec le CEA-Ines, pour obtenir des panneaux au rendement proche des panneaux traditionnels. Avec WattWay, nous apportons une contribution réaliste à la transition énergétique".
    Concrètement, la solution se différencie de la piste cyclable solaire inaugurée aux Pays-Bas, voilà un an. Jean-Luc Gautier, le responsable du projet, précise : "Là-bas, c'est à base de blocs béton pour lesquels il faut casser puis reconstruire. Notre solution vient se surimposer sur une route déjà existante, sans nécessiter de lourds travaux". WattWay présente donc moins de contraintes. La route solaire de Colas est un millefeuille de polymère et de résine qui enserre les capteurs solaires polycristallins et les protègent.
    Afin de maintenir la transmission lumineuse, impossible d'utiliser des matériaux classiques, bitume ou cailloux. Le gravillonnage est donc constitué de verre recyclé, qui assure les qualités d'adhérence de la route.
    Découvrez la route solaire en images dans les pages suivantes.
    Quand nos routes se mettent à produire de l'électricité

    Des panneaux rigides ultra-fins

    Des panneaux rigides ultra-fins - WattWay
    Des panneaux rigides ultra-fins - WattWay © Colas - Joachim Bertrand
    "WattWay, c'est un mariage réputé impossible, entre des cellules photovoltaïques en verre fin, fragiles, et une chaussée très sollicitée par des véhicules, dont des poids lourds de 40 ou 45 tonnes, induisant des efforts et des effets thermiques importants", précise Philippe Raffin, le directeur Technique et de la R&D chez Colas.
    Les panneaux rigides, de 1,70 x 0,70 m pour être aisément manipulables, ne mesurent que quelques millimètres d'épaisseur et viennent se coller sur une surface adaptée (asphalte, béton) au moyen d'une résine. Mais la solution ne se limite pas à ce placage de capteurs solaires. "Ils intègrent également l'architecture électrique, la sécurité, la connectique, en sous-face", assure-t-il. La technologie développée conjointement avec l'Ines permet d'éviter une mise hors service de la dalle, même si elle est partiellement ombragée : ce qui sera le cas avec le passage, fugace mais répété, des véhicules. De même, en cas de problème ou d'incident technique, chaque dalle se mettra en court-circuit afin d'assurer la sécurité des personnes intervenant sur la voie. Et les panneaux seront donc désolidarisables afin de les remplacer un par un.
    Des panneaux rigides ultra-fins

    Cinq ans de R&D

    Cinq ans de R&D - WattWay
    Cinq ans de R&D - WattWay © Colas - Joachim Bertrand
    Le projet, né d'une simple idée de Jean-Luc Gautier en 2005, s'est finalement accéléré au cours des cinq dernières années. Suite à la réalisation d'une simple maquette permettant d'allumer des rampes de LEDs, l'entreprise Colas s'investit totalement.
    Philippe Raffin, au départ peu convaincu, relate : "Les premiers travaux ont consisté à constituer une chaussée martyr, avec quatre ou cinq panneaux posés au sol, afin de tester leur résistance au passage de véhicules à des vitesses croissantes puis à des coups de freins". Le comportement observé a été satisfaisant et aucun souci n'a été rencontré. Mais la première solution imaginée, à base de capteurs souples, connaît un coup d'arrêt en 2013, qui oblige l'entreprise à s'orienter vers les capteurs polycristallins. Trois démonstrateurs voient finalement le jour, à Grenoble, Chambéry (Ines) et Magny-les-Hameaux, siège de la R&D de Colas. La technologie atteint alors la maturité en validant son comportement en environnement opérationnel.
    Cinq ans de R&D

    Même rendement, même durée de vie

    Même rendement, même durée de vie - WattWay
    Même rendement, même durée de vie - WattWay © Colas - Joachim Bertrand
    Les dalles WattWay atteignent les 15 % de rendement, contre 18-19 % pour des capteurs standard, "car l'inclinaison des routes n'est pas favorable", répond Colas. De quoi tout de même produire suffisamment de courant pour un foyer moyen avec 20 m² de route photovoltaïque. Ou de quoi alimenter l'éclairage public d'une petite ville de 5.000 âmes avec 1 km de voie solaire. Le groupe de travaux publics met en avant plusieurs avantages attendus : "La solution ne nécessite pas de foncier en zone urbaine où il est rare et cher, elle ne rentre pas en concurrence avec les terres agricoles et n'impacte pas les paysages, et il n'est pas besoin de détruire la route pour l'installer". Question durée de vie, les capteurs durcis ont supporté 1 million de passages en laboratoire, sans casse. De quoi envisager entre 15 et 20 ans d'exploitation, selon le trafic de la route.
    Quant au coût, non précisé, l'entreprise espère proposer un prix au kWc comparable à du photovoltaïque classique. Pour l'heure produits par l'Ines, les panneaux routiers sont issus de capteurs standards Photowatt. Mais Colas réfléchit à trouver des partenaires industriels à même de produire de grandes quantités de WattWay.
    Même rendement, même durée de vie

    La route du futur ?

    La route du futur ? - WattWay
    La route du futur ? - WattWay © Colas - Joachim Bertrand
    Lancée commercialement, la route photovoltaïque présente un léger inconvénient : matériau composite par définition, elle s'avèrera difficile à recycler et finira sa vie en granulat concassé, après récupération des câbles... Mais Colas entrevoit de grandes choses pour l'avenir et notamment pour les zones reculées, non connectées au réseau électrique. L'entreprise collabore également avec le MIT américain sur des solutions de rechargement des véhicules électriques grâce à de l'induction. La première étape de rechargement statique a été franchie et la seconde consistera à recharger le véhicule en roulant, grâce à l'énergie de la route. "De quoi vraiment répondre à la problématique de la mobilité électrique", anticipe Hervé Le Bouc, le pdg du groupe, qui estime que WattWay constitue la véritable route 2.0. L'entreprise déclare que si 10 % du réseau routier mondial était équipé de cette solution, alors les besoins énergétiques de la planète seraient couverts...
    La route du futur ?

    La route solaire sur la voie royale ?

    La route solaire sur la voie royale ? - WattWay
    La route solaire sur la voie royale ? - WattWay © CEA - P. Avavian
    Le Président de la République a découvert le démonstrateur de route solaire sur le site de l'Ines à Chambéry.
    La route solaire sur la voie royale ?

    Prototype - Quand nos routes se mettent à produire de l'électricité

    Prototype - WattWay
    Prototype - WattWay © Grégoire Noble
    Tout est parti de ce premier prototype, de 2010, composé de pièces de jouets récupérées (les capteurs solaires), collées sur du goudron, et reliées à des rampes LEDs. L'ensemble s'est avéré fonctionnel.
    Prototype - Quand nos routes se mettent à produire de l'électricité
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