Tout savoir sur le droit de préemption

    Mis à jour le 25 juillet 2023
    Date de publication et auteurs
    Publié le 29 octobre 2012 par Nathalie Quiblier et R. N.-B.
    Lors de la vente d'un bien immobilier, un délai incompressible rallonge souvent la durée de la démarche : c'est l'exercice du droit de préemption. Découvrez ce qui se cache derrière ce terme juridique, ce qu'il entraîne et quels sont les recours possibles.
    Le droit de préemption est le "droit conféré à quelqu'un ou à l'Administration, par la loi ou par contrat, d'acquérir un bien par préférence à tout autre acquéreur possible"*.
    Concrètement, lors de la vente d'un bien immobilier, certaines personnes ou organismes peuvent faire valoir leur droit de préemption. Ils court-circuitent alors la vente, et se portent acquéreurs du bien, soit au prix affiché par le vendeur, soit à un prix inférieur dans certains cas.
    Qui possède un droit de préemption ? Quels biens sont concernés ? Quels sont les modalités et les recours possibles pour le vendeur ? Les réponses en pages suivantes.
    * Définition du dictionnaire Larousse.
    Tout savoir sur le droit de préemption

    Qui peut préempter un bien immobilier ?

    Il existe plusieurs types de préemption possible sur un bien immobilier.
    Le plus connu - et le plus courant - est le droit de préemption urbain (DPU) qui permet à la commune (ou à l'Établissement public de coopération intercommunale/EPCI) d'acquérir en priorité des biens dès lors qu'ils sont situés dans certaines zones.
    "Ce droit est généralement exercé par les communes, mais elles peuvent le déléguer aux intercommunalités, à la préfecture, à un organisme comme les offices HLM, etc." nous explique Maître Benoît Jorion, avocat à la cour.
    La commune (ou l'EPCI) peut instituer un DPU pour réaliser un projet d'intérêt général ayant notamment pour objet la création d'équipements collectifs, la création de logements sociaux, etc. Le DPU doit être institué par une délibération du conseil municipal (ou de l'organe délibérant de l'EPCI). Le DPU peut être institué dans les zones U (urbaines), AU (à urbaniser) et dans certains secteurs protégés de la commune.
    Dans certaines zones en France, appelées Zones d'aménagement différé (ZAD), les collectivités ou les organismes délégués ont également la possibilité de préempter un bien mis en vente. Ces zones ont pour objectif de préparer des opérations d'aménagement sur le long terme (projet urbain, politique locale de l'habitat, accueil des activités économiques, etc.).
    "De même, le département a le droit de préempter des biens situés dans un espace naturel sensible (ENS)" ajoute l'avocat.
    Ce droit de préemption dans les Espaces naturels sensibles (ENS) a pour objectif de valoriser certains sites et milieux naturels.
    Il existe également, en cas de vente de parcelles boisées et sous conditions, un droit de préemption au profit de la commune sur laquelle se situe les biens. Elle doit posséder une parcelle boisée contiguë et être soumise à un document de gestion.
    Les Sociétés d'aménagement foncier et d'établissement rural (Safer) des régions peuvent préempter la vente d'un terrain ou d'un bien rural situé dans une zone agricole ou naturelle.
    La loi climat du 22 août 2021 a créé un nouveau droit de préemption au bénéfice de la commune ou de l'EPCI : Le droit de préemption pour les biens exposés à l'érosion du littoral (articles L 219-1 et suivants du Code de l'urbanisme).
    La loi relative à l'engagement dans la vie locale et à la proximité de l'action publique du 27 décembre 2019, modifiée par la loi du 21 février 2022 dite loi 3DS, a créé le droit de préemption des surfaces agricoles situées dans une aire de captages utilisés pour l'alimentation en eau destinée à la consommation humaine (articles L 218-1 et suivants du Code de l'urbanisme). Institué par le préfet, le droit de préemption appartient à la commune, au groupement de communes ou au syndicat mixte exerçant la compétence "eau."

    Droits de préemption privés

    Il existe également des droits de préemption dits privés, ainsi ce sont des personnes privées et non des organismes publics qui en sont bénéficiaires. Lorsque le logement mis en vente est occupé par un locataire, ce dernier possède d'office un droit de préemption.
    Le même type de droit de préemption existe pour les locataires de locaux commerciaux.
    Dans le cas d'une vente en indivision, lorsque l'un des indivisaires souhaite vendre tout ou partie de ses biens, les autres indivisaires peuvent préempter pour les acquérir en priorité sur un tiers.
    Il existe également un droit de préemption au bénéficie du locataire de terres agricoles dans le cadre d'un bail rural.

    Hiérarchie des droits de préemption

    Plusieurs droits de préemption peuvent trouver à s'appliquer dans le cadre de la vente d'un même bien immobilier (ex : droit de préemption urbain et droit de préemption du locataire). Souvent les conflits entre plusieurs droits de préemption sont réglés par la loi et la jurisprudence.
    Par exemple, l'article L 143-6 du Code rural et de la pêche maritime prévoit que le droit de préemption de la SAFER ne peut pas primer les droits de préemption établis par les textes en vigueur au profit des collectivités publiques et il ne peut pas, non plus, s'exercer contre le preneur en place (locataire en vertu d'un bail rural) si ce preneur exploite le bien concerné depuis au moins trois ans.
    Le principe est que l'intérêt public prime toujours sur l'intérêt privé. Ainsi, par exemple, lorsque le locataire et la commune sont en concurrence pour acquérir le logement, le droit de préemption existant au profit de cette dernière (DPU) l'emporte sur le droit de préemption dont est titulaire le locataire du logement.
    Qui peut préempter un bien immobilier ?

    Quels biens immobiliers peuvent être préemptés ?

    Le DPU, droit de préemption le plus courant, peut porter sur des terrains de toute nature mais aussi sur des maisons individuelles, des immeubles en copropriété (appartement, cave, garage...), etc. Les parts et actions de société peuvent également être soumises au droit de préemption, comme par exemple les parts de sociétés civiles (sous certaines conditions). Par ailleurs, la commune peut choisir de n'acquérir qu'une partie du bien préempté.
     
    Les aliénations de lots de copropriété dont le règlement de copropriété a plus de 10 ans ou les constructions achevées depuis moins de 4 ans sont exemptées de DPU. Toutefois, la commune, par délibération motivée, peut décider de les y soumettre. On parle alors de droit de préemption renforcé ou DPU "renforcé."
    Le DPU s'applique aux cessions à titre onéreux (vente, échange, apport en société, etc.) et aux donations (sauf celles effectuées entre personnes ayant un lien de parenté jusqu'au 6e degré ou des liens issus d'un mariage ou d'un PACS). Sont exclues les transmissions par succession, les ventes sur plan, les cessions de droits indivis entre indivisaires.
    En matière de droit de préemption en ZAD sont concernées, sauf exceptions, les cessions de biens immobiliers à titre onéreux réalisées dans la zone.
    La loi climat du 22 août 2021 a élargi le champ d'application du droit de préemption dans les Espaces naturels sensibles (ENS) aux donations entre vifs exception faite des donations familiales (article L 215-13-1 du Code de l'urbanisme).
    Le droit de préemption des surfaces agricoles situées dans une aire de captages utilisés pour l'alimentation en eau destinée à la consommation humaine vise les aliénations à titre onéreux d'immeubles à usage ou à vocation agricole, de bâtiments d'habitation faisant partie d'une exploitation agricole ainsi que les aliénations à titre onéreux d'usufruit et de nue-propriété visant ces biens, sous certaines conditions.
    En pratique, pour qu'un organisme public puisse préempter un bien, celui-ci doit être situé dans une zone préalablement définie dans le Plan local d'urbanisme (PLU) de la commune. Mis à part dans ces derniers cas, où "la préemption est très probable", il est difficile de déterminer si le droit de préemption sera appliqué ou non sur un bien. "On n'a pas de certitude absolue, mais il est toujours intéressant de se renseigner en mairie" précise Maître Benoît Jorion.
    Quels biens immobiliers peuvent être préemptés ?

    Quand et comment un bien est-il préempté ? La purge des droits de préemption

    La mise en œuvre du droit de préemption dépend du type de droit concerné (DPU, locataire, etc.) et de la nature du bien immobilier (habitation, commerce, etc.).
    Le bénéficiaire d'un droit de préemption est prioritaire sur le futur acquéreur. C'est le notaire chargé de la rédaction de l'acte de vente immobilière qui doit vérifier que le bien immobilier objet de la vente est exempt de tout droit de préemption ou que les bénéficiaires ont renoncé à exercer leur droit de préemption. Pour cela, le notaire doit purger les différents droits de préemption : cela consiste à notifier à leurs titulaires l'intention du propriétaire de vendre le bien concerné pour leur permettre de l'acquérir s'ils le souhaitent.
    Ainsi, le propriétaire, par l'intermédiaire du notaire, a l'obligation de déposer préalablement à toute aliénation à titre onéreux d'un bien situé en totalité ou pour partie dans le périmètre de la ZAD, d'un DPU ou autre, une Déclaration d'intention d'aliéner (DIA) auprès de l'organisme titulaire de ce droit de préemption. Ce formulaire permet au propriétaire d'informer notamment la commune de son intention de vendre. Il doit contenir des informations précises sur le bien (adresse, surface, description) et sur les conditions de la vente (prix, modalités de paiement).
    Dans le cadre du DPU, la commune a 2 mois à compter de la réception de la DIA pour prendre une décision : soit elle décide de ne pas préempter, soit elle accepte de préempter dans les conditions fixées dans la DIA. Elle peut également renégocier le prix : dans ce cas, elle a 2 mois à partir de la réception de la DIA pour proposer un autre prix par lettre recommandée avec avis de réception. Le vendeur peut alors accepter le prix proposé. Il peut aussi renoncer à vendre. Il peut également décider de maintenir le prix de vente initial. Dans ce dernier cas, dans lequel les parties ne s'accordent pas sur le prix, le juge de l'expropriation doit être saisi pour une fixation judiciaire du prix.
    Si la commune décide de ne pas préempter, le propriétaire peut vendre son bien immobilier à l'acquéreur de son choix.
     
    Attention : Si la DIA n'a pas été effectuée, la vente entre le vendeur et l'acquéreur de son choix peut faire l'objet d'une action en annulation pendant 5 ans à compter de la signature de l'acte authentique.
    Concernant le droit de préemption du locataire : en situation de location, un bailleur décidant de mettre en vente un bien loué non meublé doit soumettre l'offre au locataire avant de pouvoir la proposer à d'autres acquéreurs. C'est le droit de préemption du locataire. Le bailleur doit notifier son intention de vendre au locataire par lettre recommandée avec accusé de réception. Le locataire dispose alors d'un délai de deux mois pour se porter acquéreur au prix de vente proposé.
    En cas de non respect de cette procédure, le propriétaire encourt des sanctions allant jusqu'à la nullité de la vente.
     
    A noter : Chaque droit de préemption (public ou privé) doit respecter des conditions de forme et de fond strictes sous peine de nullité de l'acte de vente. Ainsi, il est important de se renseigner, auprès de la commune et d'un notaire préalablement à toute mise en vente pour savoir si la vente envisagée est soumise à un droit de préemption. Si le bien immobilier en vente est soumis à un ou plusieurs droits de préemption, cela ne signifie pas que le (ou les titulaires) vont vouloir préempter et donc acquérir en priorité ledit bien, mais il est important de connaître toutes les éventualités avant la mise en vente.
    Quand et comment un bien est-il préempté ? La purge des droits de préemption

    Quel recours contre la préemption d'un bien ?

    Dans le cadre de l'exercice d'un droit de préemption profitant à un organisme public, celui-ci doit justifier la préemption : réhabilitation du patrimoine, lutte contre l'insalubrité, maintien des activités économiques, création d'équipements collectifs, etc. S'il s'avère que la décision n'est motivée par aucun motif d'intérêt général, le vendeur a la possibilité de contester la décision en excès de pouvoir devant le juge administratif en vue d'obtenir son annulation dans un délai de 2 mois à compter de sa notification.
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