Hériter d'un bien en indivision : ce que dit la loi

    Publié le 24 avril 2019 par Rouba Naaman-Beauvais
    Dans le cadre d'une succession, vous héritez d'un bien en indivision avec d'autres membres de la famille du défunt. Quels sont vos droits ? Comment gérer le bien ? Pourrez-vous vendre facilement ? Le point.
    L'indivision est une situation juridique dans laquelle plusieurs personnes sont propriétaires d'un même bien immobilier, et elle est considérée parfois comme problématique. On peut la choisir, pour acheter à deux sans être mariés par exemple.

    Mais on peut aussi la subir, dans le cadre d'une succession incluant un bien immobilier, parfois de manière transitoire, le temps de liquider la succession, parfois de manière pérenne. Si elle convient à certaines familles, dans d'autres elle peut causer des heurts parmi les héritiers qui ne s'entend pas sur le devenir du bien indivis.

    Maison à part vous propose un point législatif sur l'indivision entre héritiers, pour tout comprendre de ce régime qui inquiète parfois, souvent à tort.
     

    L'indivision entre héritiers, qu'est-ce que c'est ?


    Lorsque le propriétaire d'un bien immobilier décède, sans avoir précisé ses volontés dans un testament, ni avoir fait don de son bien de son vivant, la loi est claire : ce sont les membres de sa famille les plus proches de lui qui héritent. Il peut s'agir de ses enfants, de son conjoint, de ses parents, de ses frères et sœurs, etc. (voir plus bas, l'ordre de priorité dans l'héritage).

    Dans tous les cas, s'il y a plusieurs héritiers, alors ils deviennent tous propriétaires de chacun des biens immobiliers, sous le régime de l'indivision. Cela signifie que le bien est détenu comme une copropriété par les différents héritiers.

    La part de chaque indivisaire (c'est-à-dire, chaque héritier devenu membre de l'indivision) est représentée sous forme de quote-part.
     

    Succession : l'ordre de priorité dans l'héritage


    Il existe un ordre de priorité dans l'héritage, qui favorise les enfants :
    • Si les héritiers sont les descendants du défunt : ils deviennent tous propriétaires du bien à parts égales ;
    • Si les héritiers sont le conjoint légal et les descendants issus de ce couple : le conjoint peut choisir entre deux possibilités :
    • Soit il devient propriétaire de plein droit d'un quart du bien, et les descendants deviennent propriétaires à parts égales du reste du bien ;
    • Soit il devient usufruitier de la totalité du bien, et les descendants deviennent nus-propriétaires à parts égales.
    • Si les héritiers sont le conjoint légal et les descendants d'une précédente union : le conjoint devient propriétaire de plein droit d'un quart du bien, et les descendants deviennent propriétaires à parts égales du reste du bien ;
    • Si les héritiers sont des ascendants ou des collatéraux : si le défunt n'a ni enfant, ni conjoint, les parents héritent d'un quart chacun, et les frères et sœurs se partagent la moitié restante à parts égales. Si l'un des parents est décédé, son quart accroît la part des collatéraux.
     

    Comment se gère un bien détenu en indivision ?


    En soi, le régime de l'indivision ne pose pas de problème : les héritiers devenus propriétaires co-indivisaires gèrent le bien comme une copropriété. Les décisions se prennent parfois par vote :
    • Pour les actes de gestion courante ou d'administration, comme la signature d'un bail de location, la décision se prend à la majorité des 2/3 des droits indivis ;
    • Pour les actes conservatoires, c'est-à-dire qui permettent d'éviter la perte du bien, comme la signature d'un contrat d'assurance, chaque indivisaire peut intervenir seul sans accord des autres membres ;
    • Pour les actes dits "graves", qui n'entrent pas dans l'usage normal du bien, comme la vente, l'unanimité est nécessaire.
    Les frais inhérents à l'entretien et aux travaux du logement sont partagés selon les quotes-parts de chacun. De même, les loyers perçus suite à la mise en location du bien sont reversés aux indivisaires proportionnellement à leur quote-part.

    Pour utiliser le bien indivis, l'un des membres doit demander la permission aux autres, et leur verser une indemnité (à moins qu'ils n'y renoncent).

    Les indivisaires peuvent décider de créer une convention, avec l'aide d'un notaire, pour lister les règles de fonctionnement de l'indivision, et notamment nommer un ou plusieurs gérants, qui seront indemnisés pour la gestion du bien indivis. La durée de cette convention peut être déterminée (jusqu'à 5 ans renouvelable) ou indéterminée.
     

    Les difficultés liées à l'indivision


    Si tout paraît simple d'un premier abord, les choses peuvent rapidement se compliquer, par exemple si :
    • L'un des indivisaires réalise des travaux dans le bien : tout indivisaire qui réalise des dépenses d'amélioration du bien peut réclamer une indemnité aux autres membres, y compris si ces dépenses sont liées à l'occupation privative du bien. Et même si les autres indivisaires ne sont pas forcément d'accord ! En général, le montant de l'indemnité est calculé au moment où le bien est vendu ou la quote-part cédée ;
    • L'un des indivisaires ne paye plus sa part des charges : les indivisaires ne sont pas solidaires à proprement parler, c'est-à-dire qu'ils ne peuvent être poursuivis s'ils ne payent pas leur part des charges. Mais ils doivent normalement partager les dépenses liées au bien indivis, y compris les charges de copropriété, considérées comme des dépenses de conservation. Celui qui paye plus que les autres peut donc réclamer une indemnité, comme pour les travaux d'amélioration ;
    • L'un des indivisaires décède : ce sont alors ses héritiers qui se partagent sa quote-part, selon l'ordre de priorité détaillé précédemment. Le nombre d'indivisaires peut ainsi augmenter grandement et, de fait, la gestion du bien se complexifier ;
    • Les indivisaires ne sont pas d'accord sur la vente ou non du bien, sur sa gestion, etc.
    La convention d'indivision paraît intéressante pour éviter ces diverses difficultés qui interviennent souvent dans le cadre d'une succession, les héritiers n'étant pas toujours sur la même longueur d'ondes. Cela évite par ailleurs de créer des tensions au sein de la famille... si tant est que les co-indivisaires arrivent à se mettre d'accord sur le contenu de la convention !
     

    Peut-on vendre un bien détenu en indivision ?


    La loi est limpide : la décision de vendre un bien indivis doit être décidée à l'unanimité des membres. Il faut donc que les héritiers se mettent d'accord sur ce qu'ils souhaitent entreprendre avec le logement : le vendre, le mettre en location, l'utiliser individuellement ou à tour de rôle, etc. Mais aussi, sur le prix et les modalités de vente.

    Le conseil du pro : Dans certaines transmissions, les héritiers sont pressés de vendre le bien immobilier acquis en indivision, afin de pouvoir payer les frais de successions. Si c'est votre cas, attention à ne pas laisser sentir cette urgence aux éventuels acheteurs : ils joueraient sur la corde sensible du temps pour faire baisser le prix de vente.
     

    Comment sortir d'une indivision ?


    La manière la plus simple de sortir d'une indivision est de vendre sa quote-part du bien immobilier à l'un des autres membres, ou encore à une personne extérieure. Dans ce dernier cas, les autres indivisaires peuvent exercer leur droit de préemption dans un délai d'un mois après la notification de la vente de cette quote-part.

    Comment sortir d'une indivision lorsque l'on n'arrive pas à convaincre les co-héritiers de vendre le bien ou d'acheter sa quote-part ? L'article 845 du Code civil offre une réponse : "nul ne peut être contraint de demeurer dans l'indivision, et le partage peut toujours être provoqué, à moins qu'il n'y ait été sursis par jugement ou convention".

    Concrètement, les co-indivisaires peuvent se mettre d'accord sur un partage amiable des biens indivis, c'est-à-dire une vente des biens et un partage des sommes récoltées. Mais, s'ils n'y parviennent pas, il est possible de saisir un juge pour une vente judiciaire.

    Le magistrat autorisera toujours la vente, compte tenu de l'article mentionné ci-dessus. Attention toutefois : la démarche est longue, couteuse, et le juge peut imposer les conditions qu'il considère comme justes... mais qui ne vous conviendront pas nécessairement.

    Une solution pour sortir de l'indivision est la création d'une société civile immobilière. C'est la SCI qui devient propriétaire du bien, chaque co-indivisaire recevant des parts de la société équivalentes à sa quote-part du bien indivis. Pour en savoir plus sur la SCI et les différentes solutions pour transmettre son bien immobilier, découvrez notre article.
     
    Merci à Palmyre Hardy, notaire assistante au sein de l'office notarial Choix et associés, à Neuilly-sur-Seine (92), pour sa relecture attentive et ses précieux éclairages.
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