Acheter un logement en viager : bon plan ou pari risqué ?

    Publié le 9 mars 2021 par Alexandra Bellamy
    Acheter un logement en viager présente certains avantages mais implique aussi une forme de pari sur la date de décès du vendeur. Un pari qui peut être risqué et ne met d'ailleurs pas toujours les acheteurs à l'aise. Explications.

    Qu'est-ce qu'un achat en viager ?


    L'achat en viager est une forme particulière d'achat immobilier. Elle demeure peu répandue en France puisqu'elle concerne environ 5.000 ventes par an (source : Notaires.fr, site des Notaires de France).

    Sa spécificité ? Le montant du bien n'est pas versé au moment de l'achat mais tout au long de la vie du vendeur. L'acheteur verse en effet une somme de départ (nommée le bouquet). Ensuite, il verse au vendeur une rente viagère, jusqu'au décès de celui-ci. C'est pourquoi l'acheteur est aussi appelé débirentier, tandis que le vendeur est nommé crédirentier.

    Légalement, toute personne "capable juridiquement" peut acheter ou vendre en viager. Toutefois, ce type de vente concerne le plus souvent des personnes âgées, qui souhaitent s'assurer un revenu complémentaire pour rester dans leur logement ou payer leur hébergement en maison de retraite. D'autant qu'à partir de 70 ans, la part imposable de la rente n'est plus que de 30% (plus élevée pour les tranches d'âge inférieures). En outre, plus le crédirentier (le vendeur) est âgé, plus il a de chances de trouver un acheteur.

    Une rente à vie, versée pendant une durée indéterminée


    Car c'est la particularité du viager : au moment où il signe le contrat, l'acheteur s'engage à verser une rente au vendeur jusqu'à son décès, donc sans connaître le nombre de rentes qu'il devra payer.

    C'est même une condition sine qua non : le décès du vendeur doit être imprévisible (par exemple il ne doit pas se savoir ou être su atteint d'une maladie au moment de la vente) ; en termes juridiques, on parle d'aléa. D'ailleurs, si le vendeur décède dans les 20 jours suivant la signature de l'acte de vente, celle-ci peut être annulée dans certains cas.

    Acheter un logement en viager constitue donc une forme de pari. Car si le vendeur vit plus longtemps que l'espérance de vie estimée, l'acquéreur versera une rente plus longtemps et paiera son bien plus cher au final. Au contraire, si le vendeur décède prématurément, le bien aura coûté moins cher et l'acheteur aura fait une bonne affaire.

    Viager libre ou viager occupé ?


    Il existe plusieurs cas : le viager peut être libre ou occupé.
    • Dans le cas d'un viager libre, l'acquéreur peut prendre possession du bien dès la signature de la vente. Il peut alors vivre dans le logement ou le louer.
    • Au contraire, dans le cas le plus courant d'un viager occupé, le vendeur conserve l'usufruit du logement ou le droit d'usage (pour y habiter ou le louer) - et ce jusqu'à sa mort. Naturellement, l'acheteur ne pouvant jouir immédiatement du logement ni pour l'habiter ni pour le louer, cela est pris en compte dans le calcul de la rente viagère et du prix total du bien.
    Attention : dans certains cas, il peut y avoir plusieurs vendeurs - par exemple un couple (on parle alors de "viager à deux têtes"). Dans ce cas, le débirentier devra s'acquitter d'une rente jusqu'au décès du dernier survivant. S'il s'agit d'un viager occupé, c'est seulement à ce moment aussi qu'il pourra prendre possession du bien.

    Quels sont les avantages du viager ?


    Acheter en viager présente plusieurs avantages. Cela peut éviter de passer par l'étape d'un prêt bancaire et donc de payer des intérêts. De ce fait, cela peut aussi faciliter l'accès à la propriété dans certains cas (notamment pour les personnes dont la situation professionnelle ne permet pas l'accès au prêt).

    Ce type d'investissement peut également être un moyen d'accéder à des biens de plus grande valeur.

    Pour finir, contrairement à la mauvaise image dont souffre parfois le viager, il ne faut pas oublier qu'il revêt un aspect humain nous fait remarquer Maître Boris Vienne, notaire à Cornebarrieu (Haute-Garonne), puisque c'est aussi une manière de permettre à une personne de rester dans son logement.

    Comment acheter un bien en viager et quel budget prévoir ?


    On trouve des annonces de vente en viager dans les agences immobilières classiques, mais certaines sont spécialisées dans ce type de transactions (les viagéristes). Il existe également des annonces de vente en viager entre particuliers. Mais comme pour tout achat de bien immobilier, l'acte de vente doit être établi par un notaire. Les frais sont à la charge de l'acheteur (moins élevés dans le cas du viager occupé car le vendeur conserve le droit d'usage et d'habitation, ce qui est pris en compte dans le calcul des frais).

    Concernant le budget, il faut prévoir de verser une somme de départ le jour de la signature de la vente (le bouquet). Son montant s'élève généralement à environ 30% de la valeur totale du bien. Mais il n'est pas obligatoire (bien qu'il soit fortement recommandé par les notaires) et son montant est librement fixé par les parties.

    Ensuite, il faut prévoir de verser une rente au vendeur jusqu'à son décès (éventuellement à plusieurs jusqu'à leurs décès respectifs). Elle peut être mensuelle, trimestrielle ou annuelle ; de même, elle peut être payable à l'avance ou à terme échu - ces conditions sont définies dans le contrat de vente.

    Le montant de la rente, lui, est calculé par le notaire en fonction de barèmes qui tiennent compte de plusieurs critères : bien entendu la valeur du bien et le montant du bouquet, mais aussi l'âge du crédirentier, son espérance de vie moyenne et si le logement est libre ou occupé. Concernant ces barèmes, les notaires disposent d'un nouvel outil de calcul depuis 2020, avec des barèmes affinés, qui tiennent compte de manière plus réaliste des évolutions de l'espérance de vie.

    Enfin, l'acquéreur doit s'acquitter de certaines charges et taxes, selon que le viager est libre ou occupé. Dans le cas d'un viager libre, toutes les charges, taxes, impôts et réparations sont à la charge de l'acquéreur. Dans le cas d'un viager occupé, le propriétaire (l'acheteur) doit régler la taxe foncière mais la plupart des charges et factures doivent être assumées par l'occupant (entretien courant, taxe d'habitation, factures d'énergie... comme dans le cas d'une location) ; l'acte de vente prévoit la répartition des charges et travaux.

    Viager : les choses à savoir


    Avant de se lancer dans l'achat d'un bien en viager, il faut bien entendu connaître l'âge et le sexe du ou des vendeurs, savoir s'il s'agit d'un viager libre ou occupé et s'enquérir du montant du bouquet. Mais cela ne suffit pas. Il faut avoir connaissance de certaines informations.
    • Dans le cas de plusieurs vendeurs, si l'un des deux décède, la rente n'est pas forcément réduite proportionnellement. Dans certains cas, la rente est réversible, c'est-à-dire qu'elle est intégralement reversée au survivant.
    • L'acte notarié prévoit le montant de la rente la première année. Mais ensuite, il n'est pas fixe (il prend en compte l'inflation). Il est réévalué tous les ans selon un indice de référence prévu dans le contrat de vente (on parle de clause d'indexation). Le plus couramment utilisé est l'indice des prix à la consommation des ménages en France hors tabac publié par l'INSEE. Parfois sont également choisis l'indice du coût de la construction ou l'indice de référence des loyers. Alors faut-il craindre de mauvaises surprises ? Pas vraiment selon Maître Boris Vienne. "Les indices ne changent pas du tout au tout ; ils suivent le rythme de la vie" - avec la possibilité qu'ils baissent aussi.
    • Concernant cette rente, il est important de savoir que dans le cas d'un viager occupé, elle peut être recalculée si le vendeur libère son logement, par exemple pour aller en maison de retraite (et donc revue à la hausse). Mais là encore, pas de mauvaise surprise à redouter normalement puisque cette réévaluation de la rente est prévue à l'avance, d'un commun accord entre vendeur et acquéreur - idéalement cette éventualité est même anticipée dès la signature du contrat.
    Même si le viager constitue une forme particulière d'achat, les points de vigilance ne sont pas différents de ceux auxquels on prête attention quand on achète n'importe quel bien immobilier explique Maître Boris Vienne, à savoir le lieu et le prix du bien. "C'est plutôt le vendeur qui doit être sûr de son acquéreur puisqu'il doit payer une rente tous les mois. Pour l'acquéreur, c'est une acquisition comme une autre : il doit s'assurer que le prix du bien correspond à la valeur du marché. La rente viagère n'est qu'une modalité de paiement du prix, calculée en fonction de règles assez bien arrêtées". Elles permettent d'aboutir à un calcul réaliste selon lui, "à condition que le prix de départ soit rationnel".

     
    La vente à terme, alternative au viager

    Quand on choisit d'acheter un bien en viager, il reste une part d'incertitude quant au nombre de rentes que l'on versera, puisqu'il dépend de la durée de vie du crédirentier. Si on ne souhaite pas s'en remettre aux aléas de la vie, Maître Vienne nous fait remarquer qu'il existe une alternative : la vente à terme, qui prévoit le nombre de rentes à l'avance.

    À l'issue des paiements, l'acheteur devient propriétaire du bien et dans le cas où le vendeur décède avant, les rentes restantes sont dues aux héritiers. La vente à terme permet donc à l'acheteur de savoir à l'avance quand il arrêtera de payer et au vendeur de s'assurer que toutes les rentes seront versées (à lui ou à ses héritiers).


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